IV. a. Les
transports : les chemins de fer
Parmi les services
qui "remplissent des missions d'intérêt économique général",
on trouve le service des transports par chemin de fer.
Les chemins de fer
sont un secteur à la fois traditionnel et dynamique, comme le
montrent les cartes publiées ici. Ils mettent en uvre
plusieurs opérateurs dont les plus importants sont la SNCF (Société
nationale des chemins de fer), qui assure les services, le RFR (Réseau
ferré de France) dont la tâche est de gérer le matériel (la
société émane d'une division des tâches à l'intérieur de la
SNCF pour alléger les charges de gestion), et enfin la dernière-née
des grandes sociétés ferroviaires, Alstom, qui a pour tâche de
fabriquer le matériel, en particulier le TGV (train à grande
vitese), dont la SNCF est le co-producteur.
La SNCF est créée
en 1937 pour venir en aide aux différentes compagnies établies
sur le sol national. L'Etat y deviendra ensuite le seul
actionnaire. Un réseau particulièrement centralisé, en
contradiction avec la multiplicité des sociétés d'origine (le
premier film des frères Lumière consacre l'arrivée du train en
gare de La Ciotat, une petite ville de la Méditerranée, équipée
par la compagnie des chemins de fer du midi), aligne 35.000 kms
de voies ferrées dont le centre est Paris. L'efficacité du réseau
grandes lignes contraste avec certains embarras liés aux
changements de lignes pour la traversée est-ouest de la France
sans passer par la capitale. Cette centralisation n'est pourtant
pas à sens unique. L'innovation, de fait, est passée par des
lignes secondaires : le premier train mis en service l'a été
sur la ligne Lyon-Saint Etienne, et le premier TGV sur la ligne
Lyon-Valence. Toutefois, un service multimodal (train-avion,
train-métro ou RER-Réseau Express Régional, en service en Ile
de France, mais en projet dans d'autres villes, comme Marseille -,
un service train-auto ou bus) fonctionne bien à l'arrivée des
grandes gares. Actuellement, le parc ferroviaire est supérieur
à son utilisation pour faciliter les services dans les périodes
d'affluence (vacances, ou gestion de la Coupe du Monde de
football, par exemple, et autres grands événements dont la
France et Paris en particulier entendent avoir la primeur).
Aujourd'hui, la SNCF pratique la modulation des tarifs : "Un
décret du Conseil d'Etat autorise la société nationale à établir
ses grilles de prix en fonction des conditions de marché (...)
La tarification flexible version SNCF doit avoir un effet mécanique
d'amplification des volumes, avec un objectif de conquête de 5%
de clientèle supplémentaire. Un mouvement déjà bien engagé,
selon le transporteur, puisque sur le second semestre 1997, un
tiers de la croissance du trafic voyageurs était dû aux seules
innovations tarifaires " (Le Figaro , 4 mai 1997).
De fait, en tant
que service public aux personnes, la SNCF offre des conditions de
déplacement à prix réduits à environ 80% des voyageurs. Les
tarifs Découvertes Enfant Plus, Séjour, Senior, Cartes Enfant
Plus et Senior sont quelques unes de ces modalités tarifaires
qui s'appliquent aux jeunes ou aux personnes âgées.
Le succès du TGV,
dont le constructeur Alstom est maintenant coté en Bourse,
repose sur une politique favorisée par la SNCF qui a préféré
éliminer le service des voies non rentables au profit de la
grande vitesse sur les grandes lignes, malgré certains projets
discutables du point de vue rendement, comme la ligne TGV Paris-Strasbourg.
Il convient de signaler que le TGV, qui couvre la distance
Marseille-Paris (800 kms) en quatre heures et demi, est loin de
disposer des voies propres qui lui permettent d'atteindre la
vitesse que les constructeurs ont prévue pour lui.
Quant à la société
Eurotunnel, qui exploite le TGV voyageurs Paris-Londres et le
transport des véhicules, elle ne deviendra véritablement
rentable qu'après l'an 2000, et lorsque le service sera complété
par la grande vitesse sur le sol de la Grande Bretagne. La SNCF,
dont dépend Eurotunnel, devant faire face aux difficultés de
son homologue britannique pour la construction des lignes.
Les chemins de fer :
tradition et innovation
1. Lingénieur
et le capital français dans la construction du réseau
ferroviaire européen en 1914
2. La construction
du TGV dans le monde
IV. b. Document
: Aiguillages pour le futur, par Paul Virilio (Bulletin de la
SNCF, rubrique Publicité)
On disait par le
passé que quand on jette un pont sur un fleuve, ce n'est jamais
pour relier les deux rives mais pour relier les deux horizons. Ce
raisonnement s'applique au TGV, le métro de l'Europe. Les véritables
utilisateurs du pont ne sont pas les riverains, ils viennent de
beaucoup plus loin. Le pont est en réalité une suture entre les
horizons. Sa vocation correspond à la révolution des transports
de l'ère industrielle alors qu'aujourd'hui, nous en sommes à la
révolution informationnelle, post-industrielle. D'un côté, on
a la vitesse absolue, celle des autoroutes de l'information, et
de l'autre, la vitesse relative, celle d'un train qui fait 300 à
l'heure ou même 1000 à l'heure selon l'objectif des trains sous
vide. Le conflit est inévitable. La vitesse est un milieu.
Compter la vitesse du TGV en termes de réduction du temps de déplacement
entre deux points A et B est une vision archaïque. Il faut
traiter le rapport d'horizon à horizon et non de rive à rive.
Le milieu s'étend avec la vitesse et seul ce milieu doit être
pris en compte. Voir comment le TGV déchire la carte d'Europe,
la fripe pour redessiner un espace-temps. La géographie de la
vitesse est d'une nature nouvelle et concerne la société, voire
même les murs. Le conflit se vit déjà avec d'un côté
les sédentaires, ceux qui sont branchés, et de l'autre les
nomades, ceux qui sont contraints au déplacement incessant pour
bénéficier de l'emploi. Les contrats à durée indéterminée,
qui ont fait la quasi-totalité du XXe siècle,
permettaient de localiser les populations ouvrières dans des
bassins d'habitat liés aux bassins d'emploi. Ils délimitaient
une mobilité restreinte : c'était le ''métro-boulot-dodo''.
Aujourd'hui, avec le développement de contrats à durée déterminée
d'une moyenne de six mois, on assiste à l'émergence d'une itinérance
sociale. Il y avait en 1991 environ 560 000 jeunes errants; il y
en a actuellement près d'un million!
Paradoxalement,
les technologies de transmission accroissent l'inertie. Le nomade
en quête d'emploi, lui, est obligé de se déplacer. Or, son
itinérance vitale induit un déchirement social parce que la
société se bâtit dans la relation de proximité.
Contrairement aux
Etats-Unis où Kerouac chantait le nomadisme, l'Europe est le
continent de la sédentarisation. La mobilité excessive nous désocialise.
La France peut se vanter d'avoir en Saint-Exupéry un romancier pilote qui a déposé autant de brevets d'aviation qu'il a écrit de romans. Qu'il ait adopté une morale à la mesure de la technologie utilisée est une chose. Que sa compagnie, l'Aéropostale (années 1930) ne lui ait pas permis de se lancer dans des aventures où son imagination le prédisposait, en est une autre.
C'est toutefois
pour résoudre les difficultés financières des compagnies qu'est
créée la compagnie Air France avant guerre. Société d'économie
mixte (où l'État est quand même dominant), Air France jouit
toujours d'une large autonomie de gestion, et l'État hésite à
la privatiser entièrement, malgré l'ouverture de l'espace aérien.
Mise à l'épreuve
par la concurrence des autres compagnies (British Airways, Air
Liberté, Lauda Air) qui ont obligé d'une part la compagnie à résorber
sa filiale Air Inter sur le territoire national, et d'autre part
l'État à favoriser le rapprochement des concurrents français
de la compagnie pour préserver l'espace aérien, Air France
dispose aujourd'hui d'une infrastructure aéroportuaire imposante
avec le plus grand échangeur européen (le hub, une plate-forme
de correspondance) qui lui permet d'accélérer les temps de
changements de vol. C'est aussi le principe de l'échange qui l'a
entraînée à recréer aujourd'hui l'Aéropostale, un service de
"quick change" (changement rapide) qui permet de
transformer des avions destinés au transport passagers en diurne
en avions cargos pour le courrier en nocturne.
A partir des aéroports
de la région parisienne, Roissy-Charles de Gaulle, l'un des plus
performants, et Orly (dont les performances n'ont d'égales que
les nuisances), Air France offre aux passagers un système
multimodal de transports grâce au TGV et au RER (Réseau Express
Régional). Les deux aéroports les plus importants après ceux-là
sont Nice et Marseille-Marignane. Ajoutez à cela une certaine sécurité
dans les vols et le matériel, un personnel qui aime son métier
(en pleine grève, les pilotes font quand même l'éloge de la
mobilité à laquelle ils sont soumis pour assurer leurs services).
Air France continue à former son personnel après le passage de
celui-ci par l'école de pilotage.
Les transports aériens
sont un secteur particulièrement brûlant dont la "protection"
s'est jusqu'à présent accompagnée de revendications salariales
que les médias font régulièrement apparaître comme
exorbitantes (un pilote débutant perçoit pourtant un salaire d'ingénieur
20.000 Francs par mois - avec l'obligation de rembourser
les frais d'école à la société).
Dans le domaine de
la technique, la France a certainement privilégié ses
avionneurs (Dassault, l'Aérospatiale, le motoriste SNECMA, l'un
des fleurons des nouvelles privatisées). Des accords d'entreprise
ont eu lieu entre la France et la Grande-Bretagne pour la
construction de Concorde (dont le programme est actuellement arrêté,
même si des projets pour l'après 2000 sont à l'étude), entre
l'Aérospatiale et Daimler (à parité de 37%) et d'autres
constructeurs européens pour le projet Airbus. Les bons résultats
de ce dernier, mais aussi son échec sur le marché chinois
devant Boeing, dû aux revendications de chacun des membres
responsables, ont déterminé les pouvoirs publics à transformer
le groupe de partenaires européens en une Société anonyme.
Arianespace.
La France dispose
à Kourou, en Guyane d'une base pour le lanceur européen Ariane.
Pour l'heure, la société Arianespace (80 milliards de CA), qui
en est à son cinquième lanceur (Ariane 5) place sur orbite des
satellites du monde entier, au point que ses concurrentes (en
Chine, en Russie et au Japon) cherchent à se la rallier. Un
projet de coopération entre la Chine, qui possède le lanceur
Longue Marche, et Arianespace, est à l'étude.
IV. d. Le
commerce et la distribution
Le "panier de
la ménagère" est une expression utilisée par les
journalistes pour indiquer le pouvoir d'achat des Français en
matière d'alimentation. Même s'ils consacrent beaucoup moins d'argent
que par le passé sur leur budget aux dépenses d'alimentation,
comme nous le disent les statistiques (et pourtant, les magasins
et les quartiers d'alimentation se multiplient), pour être en règle
avec l'époque il faudrait parler aujourd'hui du "caddy"
de la ménagère, du nom des chariots des supermarchés, où l'on
va faire les courses en famille, bien souvent le dimanche.
La grande
distribution n'est pas tout à fait neuve en France. Il faut
distinguer d'abord les grands magasins, comme Le Printemps ou Les
Galeries Lafayette, bien implantés en ville, dans les quartiers
du centre. Certaines de ces institutions sont à l'origine de la
vente par correspondance, comme La Redoute, née à Roubaix, dans
le Nord, qui appartient au groupe Le Printemps (auquel appartient
aussi la FNAC - Fédération nationale d'achat des cadres-, spécialisée
dans le disque, les livres et la vidéo). Mais les parts de marché
les plus grosses sont prises aujourd'hui par les géants :
Carrefour, Auchan (autre groupe de Roubaix, plus précisément du
quartier des Hauts-Champs, d'où son nom), Casino et Promodès,
dans le domaine de la grande distribution intégrée (un PDG pour
la société et l'ensemble des magasins), et par Leclerc et Système
U dans le domaine de la grande distribution des indépendants (un
PDG à la tête de chaque magasin et un groupe de gérants
actionnaires). Les intégrés se déploient fondamentalement dans
les hypermarchés, avec des surfaces de 2500 m2 à 10 000 m2, en
zone périurbaine, et sans spécialisation. Les indépendants
privilégient les supermarchés ou les supérettes, dont la
surface n'excède pas 2500 m2 pour les premiers, et 400 m2 pour
les secondes. Il s'agit de magasins de périphérie mais aussi de
proximité, tournés vers l'alimentation. Au demeurant, ces
groupes n'hésitent pas à créer eux aussi des chaînes d'hypermarchés.
Leclerc (toujours dirigé par son fondateur et principal
actionnaire, Edouard Leclerc) et Système U, qui viennent de s'associer,
sont devenus en janvier 1999 le plus grand groupe de commerce
alimentaire français. Présents presque exclusivement en France,
dans les villes moyennes et proches des zones rurales, où ils
ont su s'adapter grâce à leurs techniques de stockage et d'approvisionnement
(Système U dispose de 4 centrales régionales de stockage,
Leclerc de 16), ils envisagent maintenant l'ouverture à l'international,
compte tenu des lois restrictives (lois Royer, 1973, qui
soumettent l'ouverture des grandes surfaces en France à l'accord
d'une commission régionale), et des lois d'interdiction (loi
Balladur, qui en interdit l'ouverture). Si une coopération
existe déjà entre eux depuis longtemps pour l'achat et le
stockage des carburants, une coopération est en cours pour la
vente des produits "premiers prix".
IV. e. Les
revenus de l'État : les impôts directs
Les Français
payent l'Impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP)
depuis la veille de la Grande Guerre, c'est-à-dire depuis 1914.
Et même si cet impôt n'a pas couvert les frais de la guerre, il
a contribué à l'équipement. Toujours remis en cause, l'IRPP
est acquitté par tous les contribuables et il est d'autant plus
progressif que les revenus des ménages sont bas. La CSG (Contribution
sociale généralisée) qui lui est associée servant à combler,
depuis des années, le déficit de la Sécurité sociale.
Les impôts locaux regardent directement les rapports entre les Français et leur lieu de résidence, primaire ou secondaire, et leur lieu de travail, s'ils sont agriculteurs. Dans le détail, ils ne s'appellent plus "impôts", mais taxes, et se répartissent entre taxe sur la propriété foncière non bâtie, taxe sur le foncier bâti, et taxe d'habitation proprement dite. Ces taxes rapportent en ponction aux régions, communes et départements, entre 3,8 et 4,3 % de la richesse nationale, et à l'État la moitié environ de ce que lui rapporte l'IRPP.
Les taxes d'habitation,
ou taxes sur le foncier bâti, se présentent sous des aspects
différents. Il peut s'agir soit d'une TVA (Taxe à la valeur
ajoutée) à l'achat pour le neuf; soit d'une taxe de
mutation (en d'autres termes, d'une part des frais de notaire)
à l'achat pour l'Ancien; soit enfin d'une taxe d'habitation
lorsque le résident jouit du bâtiment dont il est propriétaire.
Les taxes professionnelles quant à elles touchent
essentiellement les industries et le commerce. Certaines communes
riches en installations industrielles ne les dissocient pas des
taxes d'habitation et établissent un équilibre entre les taxes
d'habitation et les taxes professionnelles, au profit des premières.
Ainsi l'immobilier est souvent moins taxé dans les villes
industrielles et davantage dans les villes de villégiature. Mais
l'inverse est vrai aussi. Des communes, avec le soutien de l'État,
accordent la jouissance de zones défiscalisées à de grosses
entreprises (ainsi, Coca Cola s'est installé dans le Var, à
Signes, une commune qui a besoin d'attirer de la main d'uvre).
Certaines catégories, comme les agriculteurs, sont exemptes des
taxes professionnelles.
IV. f. Les
revenus de l'État : les impôts indirects
C'est la TVA, déjà
citée dans le paragraphe précédent. La TVA oscille entre 5,5%
et 20,6% et est perçue par l'État sur la vente des produits
marchands. Le taux le plus bas se réfère aux produits classés
"de première nécessité", appellation assez vague qui
va des produits extrêmement périssables, comme les fleurs, à l'abonnement
au câble. Dans l'ensemble, la TVA rapporte à l'État près de
680 milliards de Francs, et l'IR 300 milliards.
IV. g. Les
niches fiscales
Elles regroupent
les formes d'investissement qui permettent aux contribuables de bénéficier
d'abattement sur leurs impôts. L'investissement dans le
cinéma en est une, comme l'investissement dans les Dom-tom (Départements
et Territoires d'outre-mer) sur la base de la loi Pons, qui
permet à l'investisseur de déduire ses investissements de sa déclaration
de revenus, ou encore la loi Malraux, défiscalisation prévue
pour les travaux sur les logements classés, - le ministre de la
culture de De Gaulle ayant ainsi donné le signal du départ pour
la restauration des hôtels particuliers du quartier du Marais,
à Paris. Ces deux dernières sont toutefois réservées au
contribuable imposé au taux maximal de l'IR. Quant aux grands
domaines viticoles de Bordeaux et de Bourgogne, à vins classés
AOC, ils sont exempts de taxes foncières, ce qui explique
en partie la spéculation dont ils sont l'objet actuellement.
Enfin certains placements, comme le Livret A de la Caisse d'Épargne,
dont les intérêts sont exempts d'impôts, l'assurance vie, qui
permet des abattements en entrée (le souscripteur d'une
assurance vie a au minimum 1000 Francs d'abattement), en route
(les intérêts ne sont pas imposables) et en sortie (elle
est exonérée des droits de succession), les Sicav (Société d'investissement
à placement variable) permettent des abattements substantiels.
Et on a recensé 70 professions, comprenant journalistes, hôtesses
de l'air, VRP, etc.. qui jouissent d'abattements sous le nom
"d'abattement 20% ".
Enfin il convient
de signaler une forme d'imposition relativement récente, puisqu'elle
date du premier septennat de F. Mitterrand : l'ISF (Impôt de
solidarité sur la fortune ). Il "frappe" 170 000
personnes environ, dont le revenu excède 4,61 millions de Francs.
Un contrôle effectué par les inspecteurs du fisc vient de révéler
que 75% des personnes assujetties ne le payent pas. L'État
envisage de le supprimer, pour éviter des transferts excessifs
de capitaux à l'étranger... N'entrent pas dans son calcul les
uvres d'art et les instruments professionnels.