IV. LA REPUBLIQUE POMPIDOLIENNE

“L’ouverture dans la continuité

IV.a. Introduction

 

            Au départ de De Gaulle, c’est  le président du Sénat Alain Poher qui assure l’intérim en attendant les nouvelles élections présidentielles; pendant cette période, il possède toutes les prérogatives du président de la République sauf le droit de proposer le référendum et de dissoudre l’Assemblée.

 

             Le problème crucial qui se présente et qui engage l’avenir du pays est de savoir si le gaullisme survivra au départ de son chef charismatique. En effet, la Ve République est tellement identifiée à la personne de De Gaulle que plusieurs questions se posent : ”Peut-elle continuer sans lui? Peut-il exister un “après De Gaulle” avec un successeur gaulliste? Avec un successeur non-gaulliste? Si la Gauche arrive au pouvoir? Ce sera aux présidents qui suivront de répondre à ces questions: Georges Pompidou (héritier présomptif de De Gaulle); Valéry Giscard d’Estaing (un non-gaulliste); François Mitterrand (chef de l’opposition), qui affrontera pendant ses deux mandats le phénomène intéressant de la cohabitation avec deux gouvernements de droite; enfin Jacques Chirac (gaulliste), qui connaîtra lui-aussi la cohabitation avec un gouvernement de gauche.

 

            Les élections sont fixées en juin 1969: G.Pompidou sera le candidat gaulliste, alors que la gauche est divisée et n’arrive pas à se mettre d’accord sur un candidat. Le second tour des élections voit s’opposer le président du Sénat A.Poher (centre-droit) et l’ancien Premier ministre G.Pompidou. Ce dernier est élu avec 57% des suffrages exprimés. On remarquera que le pourcentage d’abstention est fort élevé (31%).

 

IV.b. La “nouvelle société”.

 

         Jacques Chaban-Delmas, gaulliste historique, ancien résistant, devient Premier ministre et inaugure une politique sociale ambitieuse; les leçons de mai 1968 n’ont pas été oubliées. Son gouvernement fait voter une loi en décembre 1969 qui accorde aux travailleurs le SMIC (salaire minimum interprofessionnel de croissance) qui remplacera le SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti) : dorénavant les salaires des moins favorisés seront indexés sur le taux de croissance. De plus, les salaires seront mensualisés. A ces dispositions, viendront s’ajouter les lois sur la formation professionnelle continue, le régime des retraites, la réduction du temps de travail. La volonté réformiste du gouvernement satisfait évidemment l’opinion publique mais elle est mal accueillie par les milieux politiques qui reprochent à Chaban-Delmas son ouverture à gauche.

 

            Son projet de “nouvelle société” présenté devant l’Assemblée nationale dénonce les rigidités sociales et un certain dirigisme étatique. En même temps, il veut faire évoluer la France vers une sorte de social-démocratie et propose une meilleure information des citoyens, une plus large concertation dans les entreprises, un renforcement des conventions collectives. Ce programme rompt avec la tradition du système qui laisse au seul chef de l’Etat le soin d’indiquer les grands axes de la politique gouvernementale. La politique d’ouverture du Premier ministre tend à rallier le centre mais aussi une partie de la gauche modérée; de plus les négociations entreprises par le PS et le PC en vue de signer un Programme commun de gouvernement signifient que désormais l’arrivée de la gauche au pouvoir n’est plus improbable. Pompidou comprenant le danger, décide de reprendre l’initiative en demandant aux Français de se prononcer par référendum sur l’entrée de la Grande Bretagne dans la CEE. De cette façon il entend confirmer sa légitimité et provoquer la division de la gauche puisque le PC est traditionnellement opposé à l’Europe. Le succès du référendum (68% de oui mais 40% d’abstention) ne suffit pas à redonner une image de force au chef de l’État ; de plus l’esprit d’indépendance de Chaban-Delmas ne fait que compliquer la situation. Ainsi il “invite”son Premier ministre à démissionner (juillet 1972) profitant du scandale que produit la publication par le “Canard enchaîné” (journal satirique) des déclarations d’impôts du chef du gouvernement. Cet épisode montre que la primauté du président de la République dans le système gouvernemental n’est pas remise en question et qu’elle reste fidèle à la tradition gaullienne.

 

IV.c. Une politique économique réaliste.

 

            G. Pompidou s’est toujours montré beaucoup plus intéressé à la politique économique que son prédécesseur mais dans l’ensemble plus qu’innover radicalement, il poursuit  l’oeuvre qu’il avait commencé quand il était le Premier ministre de De Gaulle. Son premier travail est de “liquider” les conséquences de mai 1968. La volonté de combler le déficit de la balance extérieure et celle de relancer la compétivité de la production française, imposent de dévaluer le franc (12%). Cette dévaluation s’accompagne évidemment d’un plan d’austérité dont le but est de rétablir l’équilibre budgétaire. En quelques mois, ces mesures permettent de ralentir l’inflation et de faire progresser les exportations. Pompidou pratique aussi une politique d’industrialisation basée sur deux points: le maintien d’une forte expansion et la création de grands groupes industriels comme par exemple la SNIAS (aéronautique), Péchiney-Ugine-Kuhlmann (chimie, aluminium, cuivre). Dans le domaine aéronautique, il poursuit la construction du Concorde et annonce celle de l’Airbus, ses mesures comprenant aussi la mise en place d’un vaste programme de télécommunication et l’installation du complexe sidérurgique de Fos-sur-mer.

 

IV.d. La crise et la mort du président.

 

            Avec l’arrivée de Pierre Messmer au gouvernement, l’Elysée reprend en main la situation et le rôle du président de la République est réaffirmé, non seulement dans l’apparente dyarchie de l’Etat mais surtout dans la relation avec l’Assemblée nationale. Ce retour au conservatisme signifie l’abandon des tentatives libérales comme le statut d’autonomie de l’ORTF (accordé par Chaban), la cessation de l’ouverture sociale et du processus de participation prôné par la “nouvelle société” et tout cela au moment où la gauche vient de signer son Programme commun et à la veille des élections législatives de mars 1973. .

 

            Le mécontentement augmente à cause des effets de la crise provoquée par le choc pétrolier, après la guerre du Kippour en octobre 1973. Pour la France, c’est le quadruplement de sa facture pétrolière et la hausse du prix de toute une gamme de sous-produits du pétrole très nombreux dans l’industrie sans compter les conséquences directes sur les industries et les secteurs qui en dépendent. Le gouvernement Messmer ne réagit pas et laisse aller une inflation qui atteindra au début de 1974 le taux de 13%. La croissance économique ralentit, le chômage augmente et naturellement les conflits sociaux se multiplient.

 

            Les Français apprennent la gravité de la maladie du président que l’Elysée, depuis des mois, tente de masquer. A partir du printemps 1973, les effets de la maladie s’aggravent, obligeant le chef de l’État à ralentir sérieusement ses activités. Il meurt le 2 avril 1974.