III. LA RÉPUBLIQUE GAULLIENNE

“Une certaine idée de la France”

            Le 2 juin 1958 quand De Gaulle dispose des pleins pouvoirs, il se pose trois objectifs essentiels :

         1) donner de nouvelles institutions à la France

         2) trouver une solution au problème algérien

         3) redresser l’économie et les finances du pays.

 

III.a.  Les nouvelles institutions.

(voir chapitre II sur la nouvelle Constitution de 58.)

 

III.b.  Une solution au problème algérien.

            De Gaulle constitue un gouvernement de large union nationale (sauf le PC). Des techniciens, c’est-à-dire des non-parlementaires font leur entrée au gouvernement à la tête surtout de ministères qui relèvent plus directement du Président : (Affaires Etrangères, Armées, Intérieur). Après avoir donné la priorité à la mise en place des Institutions qui lui permettent de gouverner, il se tourne vers le problème algérien. Nous devons tout de suite remarquer que le conflit algérien a aidé à renforcer le caractère présidentiel du régime, donnant vie à une période transitoire qui se terminera en 1962 avec l’adoption de l’élection du Président au suffrage universel direct. Sans doute De Gaulle se rend compte que l’Algérie sera indépendante, mais  devant tenir compte des différents soutiens que les hommes politiques et l’armée lui apportent, il doit procéder prudemment pour régler la question algérienne.

            * Par le plan de Constantine (3 octobre 1958) il annonce un programme de réformes économiques et sociales qui devraient rassurer les Algériens.

            * Avec la Paix des Braves (23 octobre 1958), il reconnaît aux militants du Front de Libération Nationale (FLN) le statut de combattants. Le FLN forme à son tour un Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA).

            * En septembre 1959, De Gaulle annonce la politique d’autodétermination pour l’Algérie, les Algériens devraient se déterminer entre trois solutions : la sécession, la francisation, l’association.

            Un mouvement insurrectionnel débute à Alger (la semaine des barricades) en janvier et en février 1960, mais c’est un échec. En France, on réclame des négociations avec le FLN (juin 1960).

            La politique d’autodétermination se fera en 4 étapes:

            1) De Gaulle dans des conférences de presse (automne 1960) commence à parler pour la première fois d’ “Algérie algérienne” puis de “République Algérienne” (novembre 1960).

            2) Il visite l’Algérie et se rend compte qu’il n’y a plus d’accord possible entre les deux communautés.

            3) Il proclame un référendum le 8 janvier 1961 sur l’autodétermination de l’Algérie. 75% des Français approuvent le droit à l’autodétermination. Fort de ce soutien, De Gaulle parle désormais d’ “État Algérien Souverain” (avril 1961 ) . Mais ce succès ne manque pas de provoquer des contestations chez les Français d’Algérie et les militaires. Le 22 avril 1961, un putsch de Généraux essaie d’arrêter la marche vers l’indépendance. Mais après quelques jours, faute d’avoir su choisir de bons soutiens face à un De Gaulle déterminé et soutenu par les Français, les putschistes se rendent ou s’exilent.

            4) En mai 1961, les négociations officielles s’ouvrent à Evian entre le gouvernement français et le FLN. Les Accords d’Evian sont signés en mars 1962, le cessez-le feu est aussitôt proclamé. Le 8 avril 1962, 90% des Français approuvent les Accords. Le 3 juillet 1962, l’Algérie est indépendante.

            Cette évolution vers l’indépendance s’est faite dans une atmosphère proche de la guerre civile même si elle épargne la grande masse des Français. Cette guerre a été vécue comme une crise par l’armée. Certains officiers, s’opposant à l’abandon de l’Algérie, se lancent alors dans une action terroriste à travers l’OAS (Organisation Armée Secrète). L’OAS multiplie les attentats en Algérie et en France. Le 22 août 1962, le général De Gaulle qui échappe à un attentat au Petit-Clamart, près de Paris, profite de l’émotion suscitée par cette action pour présenter le 20 septembre la réforme par référendum de l’élection du chef de l’État au suffrage universel direct à deux tours. La solution du problème algérien fait que, en quelques semaines, presque un million de Français quitte l’Algérie et rentre massivement en France, où on n’avait pas prévu l’accueil d’un nombre aussi élevé de rapatriés. Les Harkis (150000 Algériens ayant collaboré avec la France) et leurs familles, ont de grosses difficultés à s’intégrer à la société française.

 

III.c. Une France forte.

            Les événements passés ont renforcé les pouvoirs du chef de l’Etat. L’Elysée devient le centre du pouvoir, un véritable domaine réservé du Président se constitue comprenant toutes les grandes questions que De Gaulle voulait traiter lui-même: la défense, la politique étrangère et les colonies. La plupart des grandes décisions sont annoncées par De Gaulle, lors des allocutions, des discours radio-télévisés et des conférences de presse. La pratique des référendums a pour objectif de vérifier le lien direct entre le peuple et le président..

            De Gaulle considère l’Assemblée comme “le refuge des partis politiques” malgré la forte majorité dont il dispose. Il estime que les partis doivent être moins importants même si leur existence est indispensable. Il est souvent en conflit avec le Parlement ; le Sénat en particulier, où l’influence gaulliste est faible, lui reproche d’interpréter la Constitution à sa fantaisie.

            En 1962, il nomme Georges Pompidou Premier ministre, (Pompidou n’est pas un parlementaire), pour bien montrer que le gouvernement ne dépend pas du Parlement.

            Après avoir atteint son objectif, avec l’élection du Président au suffrage universel, De Gaulle veut faire de la France un pays “fort” basé sur une économie “forteet sur l’indépendance nationale. Une bonne politique économique se construit sur un équilibre budgétaire et une monnaie stable, sur une industrie moderne et une technologie d’avant-garde. De Gaulle entend donc restaurer l’équilibre budgétaire et stabiliser le franc. Dans ce but, il pratique une politique à trois volets:

1) Il stabilise le franc par une forte dévaluation (17,5%) et crée le nouveau franc: 1F = 100 anciens francs.

2) Il recherche l’équilibre budgétaire par la diminution des dépenses (salaires des fonctionnaires, retraites des anciens combattants, subventions...)

3) Il augmente les impôts pour assurer une croissance des recettes et lutte contre l’inflation en supprimant toutes les indexations salariales (sauf pour le SMIG. Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti).

            Ce plan de rigueur touche tous les secteurs, le rétablissement financier et économique est spectaculaire. La France va connaître pendant dix ans une croissance économique importante. La modernisation des industries a contribué aussi à cette croissance, ainsi que d’autres facteurs favorables comme le pétrole à bas prix et le boom économique des pays du Marché Commun. Les grandes entreprises se concentrent pour constituer de grands groupes capables de supporter la concurrence internationale, surtout dans le secteur de la chimie, de la sidérurgie, de l’aéronautique, de l’électronique et du pétrole. La SNCF électrifie toutes ses lignes, on crée le Réseau Express Régional (RER). Grâce aux financements de la PAC (Politique Agricole Commune), on essaie de moderniser et de développer l’agriculture, même si elle subit un certain déclin par rapport au secteur tertiaire en pleine expansion. L’Etat accorde son aide aux industries de pointe qui contribuent à l’image de la grandeur du pays: l’informatique, le procédé télévision Secam, l’aéronautique avec le Concorde, l’espace avec l’Ariane, un grand réseau de télécommunications avec la société Télécom. Il pratique à partir de 1963 une politique d’aménagement du territoire pour remédier aux déséquilibres régionaux, il crée pour cela la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR).

         En 1965, le septennat est fini (1958-1965). Les nouvelles élections présidentielles voient au premier tour le ballottage du Président face à François Mitterrand, et la réélection du Général au deuxième tour de scrutin, avec 54% des voix contre 45% pour F. Mitterrand. Les élections législatives de 1967 voient  aussi une diminution de la majorité, la gauche organise un contre gouvernement de façon officieuse où se réunissent tous les adversaires du Gaullisme. Mais la gauche est divisée sur la politique étrangère, le PC n’approuvant qu’une partie de cette politique, à savoir la politique d’équilibre Est-Ouest et le retrait de la France de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord).