INTRODUCTION
Parler de la France, de la Ve République, de ses institutions en
les replaçant dans leur évolution historique et en essayant de
rendre le tout plus accessible par une présentation, une langue
et des explications simples, voilà lobjectif de ce travail.
Le plan de la dispensa sarticule autour des
grandes questions qui ont marqué lévolution de cette République
depuis sa naissance en 1958 jusquà lactuelle
cohabitation entre Jacques Chirac et Lionel Jospin. Pourquoi a-t-on
changé de régime politique en 1958? Comment est née la
Constitution de la Ve République? A qui appartient le pouvoir ?
Quel est lesprit de la nouvelle Constitution? Une
Constitution en rupture? Qui a fait ses preuves? Que lon révise
facilement? Mais aussi les grands thèmes qui sont liés au
nouveau régime : décolonisation, immigration, politique étrangère,
cohabitations, grandes réformes, etc.
Dès sa fondation, la Ve République a été vue de façon
contradictoire; pour les uns, elle était chargée de tous les défauts.
François Mitterrand écrivait en 1964 dans son livre, Le coup
détat permanent : Quest-ce que la Ve
République, sinon la possession du pouvoir par un seul homme
dont la moindre défaillance est guettée avec une égale
attention par ses adversaires et par le clan de ses amis?
Magistrature temporaire? Monarchie personnelle? Consulat à vie?
Et qui est-il lui, De Gaulle? Duce, führer, caudillo,
conducator, guide?.
Pour dautres
en revanche, le nouveau régime présente toutes les qualités :
Le gouvernement a voulu rénover le régime
parlementaire. Je serai même tenté de dire quil veut létablir
car pour de nombreuses raisons, la République na
jamais réussi à linstaurer. (Extrait du
discours de Michel Debré devant le Conseil dÉtat le 27 août
1958).
Mais ce travail na pas pour seul objectif de présenter lhistoire
du régime français, il veut être aussi un outil
pour tous ceux qui sintéressent à la civilisation française
et qui veulent dépasser les clichés habituels définissant la
France et les Français comme nationalistes, xénophobes,
atteints de la manie de grandeur, démontrant, mépris
et dédain pour tout ce qui nest pas français. Dans son
livre, Parlez-moi de la France, Michel Winock, introduit
ainsi son étude sur la France et les Français Personne
nest plus convaincu que moi que la France est multiple,
disait le général De Gaulle. Les contradictions dont les siècles
lont pétrie intimident le portraitiste. Avance-t-on un
trait singulier de son caractère quun autre, exactement
inverse, nous saute aux yeux. La France ne cesse dêtre
double, royaliste et républicaine, catholique et incrédule,
parisienne et provinciale, citadine et villageoise, hospitalière
et xénophobe, sédentaire et expéditionnaire, voltairienne et
rousseauiste, classique et romantique, ancienne et moderne, on nen
finit pas de décliner linterminable dualité dun
pays où, tout et le contraire de tout, paraît sy
être fait naturaliser.
Nous voyons donc la difficulté, sinon limpossibilité
de résumer en quelques pages, ce pays politiquement,
socialement, culturellement, ethniquement hétérogène. Et
courant le risque de provoquer un sourire ironique, je crois quune
question se pose. Peut-on résumer la France?
I. LA CINQUIÈME
RÉPUBLIQUE
I.a.
Rappel historique.
Le 4 septembre 1870 après le désastre de Sedan (guerre franco-prussienne),
lEmpire de Napoléon III est déclaré déchu et une
nouvelle république est proclamée par un gouvernement de la Défense
nationale. Cette république, troisième du nom, connaît une période
de grandes difficultés à cause de la crise politique et sociale
qui frappe la France. Le 18 mars 1871, à Paris, il y a une
tentative révolutionnaire faite par les ouvriers, la
Commune. Ceux-ci veulent assurer dans un cadre municipal et
sans recours à lÉtat, la gestion des affaires publiques.
Linsurrection sera écrasée par les troupes du
gouvernement, du 21 au 28 mai 1871. La IIIe République
trouvera son statut définitif, le 30 janvier 1975 avec le vote
des lois constitutionnelles et doit son nom de République à lamendement
Wallon, qui codifie le système en vigueur depuis 1871 et fixe le
mode délection du président de la République. La IIIe
République durera jusquau 10 juillet 1940, quand le Maréchal
Pétain sinstalle à Vichy après la défaite militaire et
larmistice (deuxième guerre mondiale). Président du
Conseil, Pétain obtient de lAssemblée nationale les
pleins pouvoirs, il promulgue une nouvelle constitution et
devient le chef de lÉtat français. Le nouveau régime
proclame linstauration dun ordre nouveau et la
nécessité de la Révolution nationale fondée sur les notions
de travail, famille, patrie. Ce régime prône aussi
le retour aux traditions nationales et démontre une forte
hostilité à la démocratie et au parlementarisme.
Le gouvernement de Vichy restreint les libertés publiques,
institue des juridictions exceptionnelles (procès de Riom,
contre les personnalités accusées de la défaite de 1940) et
impose aux juifs un statut de discrimination. Sur le plan
économique, il supprime les syndicats et met en place un système
corporatif contrôlé par lÉtat (Charte du travail). Avec
lentrevue de Montoire en octobre 1940 entre Hitler et Pétain,
le gouvernement de Vichy commence sa collaboration avec lAllemagne,
collaboration qui saccentuera à partir de 1941 avec la création
de la Légion des Volontaires contre le bolchevisme, les persécutions
contre les Juifs en 1942, la création de la Milice (créée pour
pallier les carences des forces de lordre et pour lutter
contre la Résistance) et du service du travail obligatoire en
Allemagne en 1943. Après linvasion en novembre 1942 de la
zone libre, les Allemands contrôlent complètement la France et
le gouvernement de Vichy.
La libération de Paris le 24 juin 1944, suivie de linstallation du gouvernement provisoire de la République met fin à lÉtat français de Vichy. Sous la direction de De Gaulle, ce gouvernement entreprend une oeuvre de normalisation. Le 21 octobre 1945, lAssemblée constituante est élue et désigne De Gaulle comme chef du gouvernement provisoire.
En 1946, les forces politiques dominantes sont constituées par
des partis du centre droit, MRP (Mouvement Républicain
Populaire) et du centre gauche, SFIO (Section Française
de lInternationale Ouvrière. Face à eux, le PC (Parti
Communiste) est tout puissant pour avoir joué un rôle essentiel
dans la Résistance et une nouvelle force qui se reconnaît dans
le général De Gaulle et doù dérive le nom de Gaullisme.
Il est certain quà la libération, les Français aspirent
à un changement, après quatre ans de pouvoir personnel exercé
par le gouvernement de Vichy et le Maréchal Pétain, mais ils ne
souhaitent pas non plus retourner à la Troisième République.
Il faut donc trouver de nouvelles solutions aptes à sortir le
pays du marasme de la guerre et à le conduire vers le développement.
Il se peut que, dans la crainte dun retour au pouvoir
personnel, lassemblée constituante, chargée délaborer
les nouvelles institutions, ait choisi un régime dassemblée
articulé autour dune chambre souveraine contrôlée par
les grands partis qui la composent : MRP, SFIO, PC (la droite
dans toutes ses composantes était absente puisquelle sétait
compromise avec le régime de Vichy). La deuxième chambre modératrice,
le Sénat, nexiste plus en tant que telle ; le
Conseil de la République prend sa place mais avec moins de
pouvoir que le Sénat de la IIIe République. Lexécutif
est représenté par le Président du Conseil qui doit
obtenir linvestiture de lAssemblée et par un Président
de la République au pouvoir limité, dont le principal moyen
daction nest que dinfluence.
De Gaulle se retire en janvier 1946 en expliquant que ce qui le sépare
fondamentalement de ce nouveau régime est une conception complètement
différente du pouvoir surtout pour ce qui concerne les rapports
entre le gouvernement et la représentation nationale. En effet
la Constitution de 1946 présente à ses yeux un défaut de fond
: celui dannuler lautorité de lÉtat dans la
toute puissance des partis politiques. De Gaulle réclame un exécutif
plus fort donnant une autorité certaine au président de la République
et imposant une limitation à la souveraineté parlementaire.
Dans son Discours de Bayeux en juin 1946, De Gaulle montre
son aversion pour les partis politiques quil accuse de négliger
les intérêts de la nation au profit des rivalités intestines.
Il propose un système bicaméral face à un gouvernement procédant
du président de la République qui deviendra le garant de lindépendance
nationale.
La IVe République est née sous le signe du
tripartisme (MRP, SFIO, PC) mais dès 1947, ce régime est déjà
condamné quand la coalition gouvernementale éclate: les
ministres communistes qui faisaient partie du gouvernement, sont
révoqués à la suite de désaccords sur le vote des crédits de
guerre pour lIndochine. A partir de là, des alliances
instables de partis vont se succéder, provoquant la chute de 20
gouvernements en 11 ans. Comme le fait remarquer Hugues Portelli
dans son livre La Ve République: Les facteurs
dinstabilité de la IVe République, tiennent avant tout
à létroitesse de la base parlementaire potentielle
(du fait de lamputation des extrêmes), à la division des
partis coalisables, et à la querelle scolaire
traditionnelle (qui oppose laïcs et catholiques).
Si la toute puissance de lAssemblée, le jeu des alliances
et des oppositions entre les partis ont contribué à laffaiblissement
et à la désagrégation des institutions, on ne saurait dénier
que la IVe République a eu les personnalités marquantes qui ont
su reconstruire le pays en ruine et régler de grands problèmes;
citons pour nen nommer que quelques-uns : Pierre Mendès-France
et Antoine Pinay qui ont symbolisé lintégrité et lefficacité
pour les partis de gauche et de droite quils représentaient,
ainsi que Robert Schumann et son engagement en faveur de la
construction européenne.
En fin de compte, la IVe République a été bien sûr détruite
par linstabilité ministérielle, la faiblesse des
institutions, mais aussi par les grands événements qui ont
caractérisé laprès-guerre : la guerre froide et la
décolonisation. La guerre dIndochine coûtera 92000
morts, des milliers de blessés ainsi quun désastre
militaire humiliant pour la nation à Dien Bien Phu. En 1954,
Mendès-France signera avec Ho Chi Minh, les Accords de Genève
qui mettront fin à la guerre dIndochine. La même année,
commence la guerre dAlgérie par une série dattentats,
oeuvre du Comité Révolutionnaire dUnité et dAction.
Mendès-France, alors au gouvernement envisage des réformes mais
il est renversé.
En mai 1958, la IVe République est à lagonie.
La classe politique, se rendant compte quelle est incapable
de résoudre les problèmes qui harcèlent le pays, se tourne
vers De Gaulle. Elle attend de lui, quil trouve une
solution pour régler définitivement le problème algérien de
façon à pouvoir ensuite remettre de lordre dans la vie
politique de la nation. Le général revient donc au pouvoir à
la faveur de la crise du régime qui domine le pays. Le
changement du régime se fera en dehors des mécanismes
institutionnels, dailleurs après ses démissions en 1969,
De Gaulle racontera dans ses Mémoires , comment il a su
saisir loccasion historique qui
lui avait été offerte pour redonner à la nation la stabilité
dont elle avait besoin. Face à lapathie de la classe
dirigeante, lAlgérie exercera une fonction catalytique qui
donnera au Général lopportunité de retourner sur la scène
politique.
Dans le rappel des grands moments de cette période, seuls sont
retenus les événements qui expliquent les conditions de la
naissance de la Ve République.
I.b.
La naissance de la Cinquième République
La gravité du problème algérien vient avant tout de la place
que ce pays occupe dans lUnion Française. Contrairement
aux autres territoires africains, les départements algériens
font partie intégrante de la République. De plus, près dun
million dEuropéens et parmi eux une majorité de Français
sont installés sur le sol algérien depuis plusieurs générations.
En février 1958 pour répondre aux attaques répétées du FLN
(Front de Libération Nationale), laviation française
bombarde un village tunisien considéré comme le refuge des
terroristes. 69 civils, dont 21 enfants, sont tués. LONU
condamne la France et présente les représailles françaises
comme une internationalisation du problème algérien, ce qui
complique la position du gouvernement. Celui-ci fait savoir quil
nest pas question dabandonner lAlgérie mais de
trouver un compromis apte à satisfaire Fançais et Algériens.
Le 5 mai, Le président de la République René Coty contacte
discrètement De Gaulle pour savoir sil accepte de former
un gouvernement. Ce dernier accepte mais refuse de se présenter
devant lAssemblée pour en recevoir linvestiture.
Le 13 mai, inquiets dune possible négociation entre la métropole
et le FLN, les Français dAlgérie et les généraux déclenchent
à Alger une insurrection. Ils refusent dobéir au
gouvernement qui redoute alors une opération parachutée sur
Paris.
Le 15 mai, De Gaulle dans un communiqué de presse annonce quil
est prêt à assumer les pouvoirs de la République. Il insiste
sur la nécessité de son investiture, à cause de la dégradation
des institutions, dégradation due au régime des partis qui,
engagés dans des luttes intestines ont provoqué la méfiance et
la désunion nationales, léloignement des Etats Associés
et même le désordre dans larmée. Ce communiqué provoque
une grande émotion dans les forces politiques.
Le 19 mai, De Gaulle, lors dune conférence de presse, fait
savoir quil na aucune intention à 67 ans de
commencer une carrière de dictateur. De nombreux hommes
politiques commencent à voir en lui lunique solution
possible.
Le 27 mai, De Gaulle publie un autre communiqué dans lequel il déclare
quil a entamé le processus nécessaire à
létablissement dun gouvernement républicain.
Cette déclaration surprend beaucoup puisquil existe encore
le gouvernement de Pierre Pflimlin qui jouit de la confiance de lAssemblée.
Le 29 mai, le Président de la République René Coty annonce aux
deux assemblées quil a fait appel à De Gaulle et quil
démissionnera si celui-ci nest pas investi. Par ce geste,
le président Coty, reconnaît comme légitime laction du
nouveau gouvernement.
Le 1er juin, De Gaulle consent à demander la confiance à lAssemblée
et présente son gouvernement. Il obtient linvestiture (329
voix contre 224), les communistes, la moitié des socialistes (dont
François Mitterrand) et quelques radicaux votent contre.
Le 2 juin, les pleins pouvoirs sont accordés au gouvernement
pour 6 mois.
I.c.
De Gaulle.
Limage de De Gaulle pèse fortement sur la Ve République.
Il en est le fondateur et il tend à se confondre avec elle.
Pourtant De Gaulle na gouverné la France que pendant onze
ans, (Mitterrand a couvert deux septennats). En 1958, il est
arrivé au pouvoir à la faveur de circonstances qui pouvaient
sembler peu conformes à la pratique démocratique, mais il
quittera ce même pouvoir en 69, se soumettant à la volonté du
peuple français dont il aura lui-même suscité lexpression
à travers un référendum.
Charles De Gaulle est né à Lille le 22 novembre 1890, après
des études chez les jésuites il entre à lécole
militaire de Saint-Cyr, doù il sort en 1912 avec le grade
de sous-lieutenant. Il participe à la première guerre mondiale,
à la fin de la guerre, il occupe les fonctions dinstructeur
de larmée polonaise, puis de chef de cabinet du général
Niessel. En 1937, il est promu colonel à son retour en France. A
la déclaration de la guerre, il prend le commandement des chars
de la 5° armée. Promu général de brigade, il entre le 5 juin
1940 dans le gouvernement de Paul Reynaud comme secrétaire détat
à la défense et à la guerre. Le 16 juin, il apprend la demande
darmistice et le 22 juin, la démission de Paul Reynaud. Il
décide alors de partir à Londres pour continuer la lutte aux côtés
des Britanniques. Le 18 juin, il lance un appel à la BBC
pour exhorter les Français à continuer le combat au côté de
la Grande Bretagne. Le 2 août, il est déchu de la nationalité
française et condamné à mort par contumace; pendant plus de
deux ans, le chef de la France libre sadressera
aux Français à la BBC. De Londres, il dirige la Résistance
quorganise Jean Moulin. En mai 1943, il peut annoncer la
fondation dun Conseil National de la Résistance
formé par la réunion des différents mouvements mais aussi des
syndicats et des partis politiques. Le 3 octobre 1943, De Gaulle,
avec lappui de lAssemblée Consultative dAlger,
réunissant danciens parlementaires et des résistants,
devient lunique président du CFLN (Comité Français de
Libération Nationale). Après le débarquement des alliés en
Normandie, le 6 juin 1944, il obtient du général Eisenhower lenvoi
de la deuxième division Leclerc sur la capitale. Le 25 août
1944, cest lentrée de De Gaulle à Paris; le 9
septembre, il préside le gouvernement provisoire de la République
Française. Le Général De Gaulle persuadé que la responsabilité
de la défaite est aussi imputable à la carence de lEtat,
obtient par référendum (21 octobre 1945) que le peuple
souverain soit associé à lélaboration de nouvelles
institutions quil sera appelé à ratifier. Les premiers
contrastes avec lAssemblée Constituante portent sur la
conception même des pouvoirs publics et sur la réforme de lEtat.
Il démissionnera le 20 janvier 1946. Après cinq mois de silence,
De Gaulle ne cessera dappeler à la réforme de lEtat
et dans ses discours, il expose sa conception dun exécutif
fort (Discours de Bayeux, 16 juin 1946). En avril 1947, il crée
à Strasbourg le Rassemblement du Peuple Français (RPF). De
Gaulle pense que la IVe République ne réformera pas ses
institutions sans choc intérieur, la manifestation du 13 mai
1958 lui offre lopportunité tant attendue pour imposer la
réforme de lEtat.
I.d.
Le discours de Bayeux.
La fondation de la Ve République a promu ce discours à une célébrité
exceptionnelle, il est désormais considéré comme son acte
fondateur.
Ce discours doit être replacé dans le cadre de la vie politique
française après la Libération et dans laction propre du
général De Gaulle. Le discours se présente dabord comme
un hommage rendu à lEtat : sauvegardé dans ses
droits; préservé des ingérences de létranger;
capable de réunir autour de lui, lunité nationale.
Ensuite il condamne lEtat menacé par le régime des Partis.
Enfin De Gaulle formule ses propres propositions qui reposent sur
trois principes organisateurs : Souveraineté populaire, séparation
des pouvoirs, arbritage national. Le discours met aussi en
évidence la nécessité dun Parlement bicaméral
et dun chef de lEtat aux prérogatives élargies.
De Gaulle montre la nécessité dune deuxième chambre élue
par les collectivités locales. Le chef de lEtat est au-dessus
des partis: il est élu par un collège élargi, nomme
les ministres, y compris le Premier, prononce la dissolution de lAssemblée
nationale et, en cas de péril pour la nation, il doit intervenir
comme garant de lindépendance nationale.
Le Président doit faire valoir au milieu des contingences
politiques, les intérêts permanents de la nation.
Nicholas Wahl écrit dans son livre De Gaulle et son siècle que
pour De Gaulle, les problèmes constitutionnels se réduisaient
essentiellement à savoir comment restaurer lautoritè
de lEtat pour que lEtat puisse défendre les
intérêts de la France dans un monde dangereux. Limportant
était de créer des institutions qui pouvaient remettre
la France à son rang
Remarquons que le Discours de Bayeux ne fait référence ni au référendum
ni à lélection du président de la République au
suffrage universel direct (affirmations directes de la
souveraineté populaire). Ceci est certainement dû à une
prudence stratégique.
II.
LA CONSTITUTION DE LA Ve REPUBLIQUE
(octobre
1958)
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Le
nom de la Ve République sera toujours associé à celui de De
Gaulle, elle lui doit sa création mais surtout son statut et son
style. Le schéma constitutionnel de la Ve République repose sur
un système présidentiel qui conserve les principes fondamentaux
dun régime parlementaire, mais qui a la nécessité dun
exécutif qui gouverne véritablement: séparation et équilibre
des pouvoirs, avec au-dessus des contingences politiques,
létablissement dun arbitrage national qui fasse
valoir la continuité au milieu des combinaisons (Discours
de Bayeux).
Parlant
de la nouvelle Constitution, De Gaulle dira quelle:est
à la fois parlementaire et présidentielle,
à la mesure de ce que nous commandent à la fois les besoins de
notre équilibre et les traits de notre caractère.
Cet exécutif ne pourra en aucun cas procéder du Parlement et le
chef de lEtat sera au-dessus des partis
car De Gaulle a horreur du régime des partis
et, pour bien mettre en évidence limportance du chef de lEtat,
la Constitution a placé les articles qui le concernent immédiatement
à la suite du Préambule et du Titre sur la souveraineté. Désormais
les deux acteurs principaux de la vie politique sont le Peuple
Souverain et le président de la République. Dans lordre
de la présentation des pouvoirs le Président devance le
Parlement. Lexécutif est bicéphale le Président et le
Premier ministre, mais lune des têtes domine nettement lautre
. Le président du Conseil est devenu Premier ministre, cest-à-dire
le premier des ministres ce qui souligne sa dépendance par
rapport au Président.
Dans
la présentation des articles de la Constitution, seuls seront
retenus et expliqués les articles qui mettent laccent sur
les rôles du chef de lEtat , du gouvernement et de lAssemblée
nationale.
II.a.
Préambule.
Comme la plupart des constitutions qui lont précédée, la
Constitution de 1958 débute par un préambule. Celui-ci fait référence
à la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen de
1789, lorsque les députés du Tiers-Etat réunis dans la
salle du Jeu de Paume avaient fait serment de ne pas se séparer
avant davoir donné une constitution à la France. Elle
fait aussi référence au préambule de la Consttitution de
1946 qui présente les principes fondamentaux reconnus par
les lois de la République, et tient lieu de Déclaration des
droits et des libertés.
II.b.
Titre Premier: De la souveraineté.
Larticle 2 qualifie la République de indivisible,
laïque, démocratique et sociale. Ces qualificatifs
caractérisent le régime. Indivisibilité veut dire quil
existe un seul pouvoir politique qui exerce sa souveraineté
sur lensemble du territoire. Laïcité traduit la neutralité
religieuse de lEtat. Ce dernier respecte toutes les
religions et nen privilégie aucune. La démocratie résulte
du principe même de la Constitution. Ladjectif social
reprend le texte de la Constitution de 1946 qui insistait sur le
terme de démocratie économique et sociale. Larticle
reprend un des fondements de lidéologie républicaine
en reconnaissant légalité de tous les citoyens, il précise
les caractéristiques particulières de la République : sa
langue, son emblème national, son hymne national, sa devise et
son principe.
Larticle 3 présente une innovation en ce qui concerne lexercice
de la souveraineté : elle est naturellement attribuée
aux représentants du peuple mais aussi au référendum.
Le président de la République devient le premier représentant
du peuple, lAssemblée perd son monopole. Le droit de vote
sétend à toute la population masculine et féminine ayant
atteint la majorité (18 ans depuis la loi de juillet 1974)
II.c.
Titre ll: Le Président de la République.
Larticle 5 définissant le rôle du président de la
République se trouve au Titre II alors quil était au
Titre V dans la Constitution de 1946. Le président de la République
devient ainsi le premier des pouvoirs publics. La place même
que sa définition occupe au début de la Constitution marque
bien lintention de mettre en évidence le rôle prédominant
du chef de lEtat. Larticle fixe les responsabilités
et les fonctions du Président.
Larticle 6 précise le mode de désignation des présidents,
par un collège élargi délecteurs. Depuis le référendum
de 1962 toutefois, le président de la République est élu au
suffrage universel direct. Au sein de lexécutif, la
Constitution de 1958 a aménagé un véritable pouvoir pour le
chef de lEtat, ce pouvoir est renforcé par la réforme
constitutionnelle de 1962, car lélection au suffrage
universel direct consolide la légitimité du Président, puisque
cest la majorité du peuple qui la directement
investi. Il faut remarquer cependant, que la Constitution a voulu
tempérer ce pouvoir exécutif, en prévoyant une concurrence des
pouvoirs entre le Président et le Chef du gouvernement, elle
organise ainsi une mise en commun de certaines fonctions : par
exemple, en matière militaire le président de la République
est le chef des Armées (article 15) mais le
gouvernement dispose de la force armée (article 20)
et le Premier ministre est responsable de la Défense
nationale (article 13), en matière règlementaire le
Premier ministre est compétent pour exécuter les lois (article
21) mais le Président intervient également (article 13). Cette
concurrence des pouvoirs oblige les titulaires de lexécutif
à composer et permet de modérer les décisions dun
pouvoir exécutif unique. Néanmoins, lorsque la majorité
parlementaire correspond à la majorité présidentielle, le Président
prend une dimension supérieure à celle décrite par les textes
et il a alors tendance à jouer un rôle plus important que celui
que lui accorde la lettre de la Constitution. La durée du mandat
présidentiel est de 7 ans, le terme septennat
désigne par extension le mandat présidentiel. Il nexiste
aucune limite légale au cumul des septennats sinon la volonté
des électeurs, F. Mitterrand gouvernera le pays pendant 14 ans.
Ce mandat peut être interrompu par un empêchement, comme ce
sera le cas à la mort de G..Pompidou en 1974 ou après le départ
de De Gaulle en 1969.
Dans
le tableau comparatif qui suit, nous pouvons voir la fonction présidentielle
à travers les républiques.
_________________________________________________________
République.
IIe
IIIe
IVe
Ve
_________________________________________________________
Durée
du
mandat
4 ans
7 ans
7 ans
7 ans
_________________________________________________________
Rééligi
-bilité
oui,
oui
oui
(4 ans de repos)
(1 fois)
oui
(sans limite)
_________________________________________________________
mode
de
désignation
SUM
Collège électoral
SU
_________________________________________________________
(SUM,
Suffrage universel masculin. Le Collège électoral
comprend : la Chambre des députés et le Sénat.
SU, Suffrage universel).
Quant
à la Première République (1792-1804), soucieuse déviter
le pouvoir dun seul homme, elle confiait le pouvoir exécutif
à une direction collégiale de 24 membres (Convention) ou 5
membres (Directoire) ou 3 membres (Consulat).
Larticle 8 établit que la composition du gouvernement dépend
de lautorité du Président, celui-ci a liberté totale
sur le choix de son Premier ministre. Toutefois puisque le
gouvernement est responsable devant lAssemblée, il faut
que le Premier ministre soit accepté par la majorité
parlementaire, cest-à-dire quil soit de la même
couleur politique sous peine dêtre renversé.
Larticle 9 démontre combien le Président peut peser
directement sur les décisions prises en conseil des
ministres, puisque celles-ci ne peuvent être prises quen
sa présence. Sur chaque sujet le Président prend la parole en
dernier et personne ne sexprime après lui.
Larticle 10 rappelle que la promulgation des lois est lacte
par lequel le chef de lEtat authentifie la
loi et la rend exécutoire.
Larticle 11 est celui du référendum. Dans la pratique
gaullienne, le référendum est linstrument dun
arbitrage national et la manifestation du lien qui
unit le peuple au chef de lEtat choisi et élu par
ce même peuple. Cest le deuxième moyen dont le peuple
dispose (avec lélection du Président) pour exercer la
souveraineté qui lui appartient. Larticle 11 présente une
autre caractéristique intéressante : celle de pouvoir réviser
la Constitution. Il faut dire que la modification du texte
fondateur de la Ve République est prévue par larticle
89 qui expose une procédure complète et une autre plus rapide,
le Président décidant laquelle choisir. Cependant la pratique
du référendum acceptée par le Conseil constitutionnel et par
le corps électoral, semble avoir mis en place une troisième
voie.
La Ve
République a connu 7 référendums : le 8 janvier 1961, autodétermination
en Algérie; le 8 avril 1962, révision de la Constitution
instaurant lélection du Président au suffrage universel
direct; le 27 avril 1969, projet relatif à la création des régions
et à la rénovation du Sénat; le 23 avril 1972, approbation de
lélargissement du Marché commun à la Grande Bretagne, à
lIrlande et au Danemark; le 6 novembre 1988, autodétermination
de la Nouvelle-Calédonie; le 20 septembre 1992, courte majorité
favorable au traité de Maastricht sur lUnion européenne.
Larticle 12 précise que le Président peut quand il
le juge nécessaire (un an de délai entre une dissolution et lautre)
dissoudre lAssemblée nationale, le pouvoir de
dissolution du Président est quasi discrétionnaire. Tout président
nouvellement élu a intérêt à dissoudre lAssemblée afin
de sassurer pour 5 ans la fidélité dune majorité,
mais limportance du droit de dissolution tient surtout à
la menace quen permanence le président de la République
fait peser sur les députés. La Ve a connu 5
dissolutions depuis 1958. Quatre ont permis au Président qui les
avait déclenchées, de conforter la majorité parlementaire;
deux ont été des dissolutions de crise sous De
Gaulle: en octobre 1962, à la suite de la motion de censure
adoptée contre le gouvernement Pompidou et portant sur la procédure
de révision utilisée par De Gaulle; et en 1968, pour mettre fin
à la contestation étudiante et profiter dune conjoncture
favorable, afin délargir la majorité élue en 1967, qui nétait
alors que dun siège. Deux dissolutions dalternance
sous Mitterrand: en mai 1981 et 1988, le Président se donne
ainsi la majorité parlementaire indispensable à lapplication
de son programme. La dernière sous Chirac, vient de conduire le
pays à sa troisième cohabitation. Ni G. Pompidou, ni V.
Giscard dEstaing nont eu recours à la dissolution.
Larticle 15 donne un rôle fondamental au chef de lEtat
en le reconnaissant chef des armées, ainsi la
logique politique et la logique stratégique sont-elles réunies.
La Constitution lui assigne une mission (art.5) et lui donne les
moyens de la réaliser (art.15).
Larticle 16 confère au Président les pleins pouvoirs
au cas où de graves dangers menaceraient les institutions ou le
pays. Cet article a été dit inutile et dangeureux et a suscité
bien des inquiétudes. Mais actuellement, quune personne
choisie et élue par les Français puisse faire un usage
inacceptable de cet article paraît impensable. Optimisme ou
prudence?
Lart 17 confère au Président le droit de grâce
mais depuis labolition de la peine de mort en 1981 (Loi
Badinter), il sagit désormais de redresser des situations
individuelles inéquitables ou daccorder des remises de
peine.
II.d.
Titre lll: Le Gouvernement.
Dans la Constitution de 1958, le titre III traitant du
Gouvernement est placé entre le titre II, réservé au président
de la République (articles 5 à 19) et le titre IV concernant le
Parlement (articles 24 à 33). Le Gouvernement apparaît
donc comme le trait dunion, lintermédiaire, entre
le Président de la République et le Parlement. Telle était
la conception du général De Gaulle. Cependant cette lecture présidentialiste
nest valable que si le Président dispose dune
majorité dallégeance au Parlement. Dans le cas contraire,
(cohabitation), on revient à la lettre de la Constitution et le
Gouvernement assure la plénitude de sa fonction : gouverner.
Lart 20 affirme que le Gouvernement détermine et
conduit la politique de la nation. Il est évident que tout
pays ne peut fonctionner que dans la mesure où il possède un
gouvernement qui gouverne. Organe collégial, ce
gouvernement est maître de son organisation, de son
fonctionnement et de son action. Le Gouvernement ne tient pas sa
légitimité de lélection mais de celle que lui donnent les
deux autorités élues directement au suffrage universel : le Président
et lAssemblée. Sa responsabilité devant le
Parlement, en réalité seulement devant lAssemblée, fait
de la Ve République un régime parlementaire.
Larticle 21 précise la composition du gouvernement, le
Premier ministre est le chef dune équipe dhommes
ou de femmes qui chacun à la tête dun ministère exerce
la fonction de ministre ou de secrétaire dEtat.
Le Premier ministre dirige le Gouvernement cest-à-dire quil
convoque les réunions, tranche les désaccords, impose les
contraintes budgétaires. Il a donc le pouvoir de décision. La
Ve République crée le titre de Premier ministre et reconnaît
la dualité du pouvoir exécutif avec un chef de lEtat (le
président de la République) et un chef du Gouvernement (le
Premier ministre). Cependant la lecture de la Constitution de
1958 par De Gaulle, fait quil se considérait comme chef du
Gouvernement et le Premier ministre était le premier
de ses ministres!
II.e.
Titre IV: Le Parlement:
Larticle 24 précise que le Parlement comprend lAssemblée
nationale et le Sénat. Les députés et les sénateurs représentent
la nation, mais seuls les députés représentent le peuple,
puisquils sont élus au suffrage direct par celui-ci. Les sénateurs
sont élus au suffrage indirect. Le Sénat est la seconde
chambre législative. Le Sénat na pas le pouvoir de
renverser le Gouvernement et le président de la République ne
peut pas le dissoudre.
Larticle 25 établit que lAssemblée nationale a
une durée de 5 ans mais cette durée peut être abrogée par
une dissolution. Le Sénat a une durée de 9 ans, il se
renouvelle tous les trois ans par tiers. Le nombre de députés
est de 577 (chaque département doit en avoir au moins deux). Le
Sénat compte 322 sénateurs. On peut devenir député à 23 ans
mais il faut avoir 35 ans pour entrer au Sénat. Quant au cumul
des mandats, une loi est actuellement à létude, car il
est certain quun Parlement pourra véritablement jouer son
rôle, le jour où le cumul des mandats sera définitivement
banni.
II.f.
Titre V: Des rapports entre le Parlement et le
Gouvernement.
Larticle 34 souligne que la loi est votée par le
Parlement. (Suit la liste de toutes les règles et des
principes fondamentaux). La loi nest pas seulement votée
par le Parlement , elle peut lêtre par les Français
à travers le référendum. La souveraineté du Parlement
est donc bien affaiblie, son champ daction est désormais
circonscrit.
Larticle 38 annonce que certaines mesures urgentes ou
complexes peuvent être adoptées sans être soumises aux règlements
de la procédure législative, le gouvernement seul peut
demander la mise en oeuvre de cet article pour pouvoir
prendre par ordonnances des mesures qui sont normalement
du domaine de la loi. Les ordonnances en principe peuvent être
contrôlées par le Conseil Constitutionnel, elles doivent être
signées par le Président. Cette procédure accelérée a permis
de faire face aux urgences : plan de rigueur, réformes sociales
etc...
Larticle 39 établit que linitiative des lois
appartient au Premier ministre et aux membres du Parlement,
en fait sous la Ve, cette égalité nest quapparente
car lexécutif est mieux outillé pour préparer des textes
: lexécutif en effet, présente des projets de lois, le législatif
des propositions. Ceci confirme limpression dabaissement
du Parlement.
Larticle 49 affirme que le Premier ministre doit engager
devant lAssemblée nationale la responsabilité de
son gouvernement, lui seul peut le faire et peut demander la
confiance de lAssemblée sur tout. LAssemblée
peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement
par le vote dune motion de censure. Dans le but de
renforcer le pouvoir exécutif et de rationaliser le
parlementarisme, les auteurs de la Constitution ont
favorisé la stabilité du Gouvernement en place en adoptant un
mode de comptage particulier des voix : les absents et les
absentionnistes sont réputés avoir voté pour le Gouvernement
et la motion de censure doit recueillir la majorité absolue des
votes des membres de lAssemblée nationale. Larticle
49-3 prévoit ladoption automatique dun texte proposé
par le gouvernement, si une motion de censure déposée ne
recueille pas la majorité.
Larticle 50 souligne que la motion de censure ou le refus
de la confiance de la part de lAssemblée ne suffit pas à
mettre fin à la vie dun gouvernement; même si cela arrive,
le Premier ministre doit présenter ses démissions au
chef de lEtat.
II.g.
Titre VII: Le Conseil Constitutionnel.
Larticle 56 présente la formation du Conseil
constitutionnel. Il est formé de 9 membres nommés pour 9
ans et renouvelables par tiers tous les trois ans. Trois
conseillers sont nommés par le président de la République,
trois par le président de lAssemblée nationale et les
trois autres par le président du Sénat. Le Conseil
constitutionnel est saisi dans des cas bien pécis et par les
personnes dotées expressément de ce pouvoir de saisine.
Il doit se prononcer rapidement, les délibérations sont secrètes
mais ses décisions sont publiées au Journal officiel. Les
articles suivants présentent ses compétences en matières
délections du Président, des députés, des sénateurs,
des référendums, sur la conformité des lois avant leur mise en
application. La décision du Conseil est sans recours.
II.h.
Titre VIII: De lautorité judiciaire..
Larticle 64 précise que le président de la République
est le garant de lindépendance de lautorité
judiciaire. Il est assisté par le Conseil supérieur de la
Magistrature. Les magistrats du siège sont inamovibles. Le
Conseil Supérieur de la Magistrature est présidé par le président
de la République, le ministre de la Justice en est le
vice-président de droit, il peut suppléer le président. Jusquen
1993, le Conseil Supérieur de la Magistrature était
exclusivement composé de membres nommés par le président de la
République, à partir de 1993, le Président demeure de
droit le garant de lindépendance de lautorité
judiciaire, il continue à présider le Conseil, sauf lorsque
celui-ci siège en formation disciplinaire, mais ses membres
sont nommés par dautres organismes. Cet organe
est destiné à assister le président de la République pour
garantir lindépendance de lautorité judiciaire. Ce
Conseil a compétence pour lavancement et la discipline des
magistrats.
II.i.
Titre IX: La Haute Cour de.Justice.
Larticle 67 affirme la création dune Haute
Cour de Justice et en donne sa formation. Sa compétence est
désormais limitée à la seule mise en accusation du chef de lEtat.
Celui-ci, par larticle 68, nest responsable
des actes accomplis dans lexercice de ses fonctions quen
cas de haute trahison. Il est alors jugé par la Haute
Cour de Justice. Avec larticle 68-1, les membres du Gouvernement
sont pénalement responsables des actes accomplis dans lexercice
de leurs fonctions. Ils sont jugés par la Cour de justice de
la République.
A divers égards, la Constitution de 1958 tranche sur ses devancières.
Dabord, elle a été rédigée par des praticiens, de hauts
fonctionnaires expérimentés, et appliquée par ceux qui lont
conçue, Ensuite, elle détient un record de rapidité puisque létablissement
du texte constitutionnel sest fait en trois mois après le
vote des pleins pouvoirs. De Gaulle présente la Constitution le
4 septembre et annonce le référendum sur son approbation
le 28 septembre. 80% des Français approuvent le texte, (le PC et
une partie de la SFIO, dont F.Mitterrand, voteront NON). Labstention
est faible, ce qui prouve lintérêt accordé par lopinion
publique à ce référendum.
On a lhabitude de dire que la Constitution au cours des années,
a fait preuve de souplesse puisquelle a dabord
fonctionné en situation de majorité cohérente (Président et
majorité parlementaire en harmonie, ce qui permettait une répartition
des tâches entre le Président et le Premier ministre) et permis
des séparations élégantes. Ensuite, elle sest adaptée
à des régimes différents, elle a supporté une alternance sans
problèmes, lors de lélection de François Mitterrand et
des cohabitations entre un président et un gouvernement de
couleur politique opposée, enfin elle a autorisé une pratique
du pouvoir aussi différente que celle de De Gaulle et de
Mitterrand. Pourtant comme le font souvent remarquer les spécialistes
de la Ve République, plus que par son adaptabilité,
la Constitution se caractérise surtout par sa constance,
car deux points fondamentaux nont jamais été contestés
malgré les changements de gouvernement: la prééminence
du pouvoir présidentiel dabord, laffaiblissement du
pouvoir législatif ensuite.
Mais cest aussi une Constitution que lon révise plus
fréquemment. Ni ses principes, ni son organisation générale ne
sont mis en cause. En fait, des besoins conjoncturels, comme les
engagements européens de la France, les affaires
comme laffaire du sang contaminé ou les poursuites
judiciaires contre plusieurs parlementaires, ont occasionné, de
1992 à 1996, toute une série de retouches et cinq réunions du
Parlement, en Congrès, et sans consultations des électeurs. Il
a fallu, dabord, modifier les points incompatibles avec le
traité de Maastricht (juin 1992). En 1993, ont été adoptées
des mesures concernant la justice et la responsabilité pénale
des ministres (création de la Cour de Justice de la République,
réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature auquel une plus
grande indépendance est reconnue); tandis que la restriction du
droit dasile (loi Pasqua, novembre 1993) devait provoquer
un litige entre le Président et le Gouvernement. Dès son élection,
J. Chirac a tenu à étendre le référendum aux questions économiques
et sociales, à instituer la session unique du Parlement et à
repréciser le régime de linviolabilité parlementaire (juillet
1995). Quant au vote de février 1996, dans la logique du plan de
réforme de la protection sociale mis au point par le Premier
ministre, A. Juppé, il permet le contrôle du Parlement sur les
lois de financement annuelles de la sécurité
sociale. Une autre révision pourrait être imminente puisque le
Conseil constitutionnel a jugé les dispositions du traité dAmsterdam
(1997) sur la libre circulation des personnes, non conformes à
la Constitution. Toutes ces mesures de révision nont pas
une égale portée : mais leur variété même prouve la capacité
dadaptation de la Constitution. Toutefois dans un article
paru dans le journal La Croix, le 4 mars 1996, D. Rousseau, spécialiste
de droit public écrit que selon lui, il faudrait faire une révision
totale de la Constitution et donc passer de la Ve à
la VIe République.
III. LA RÉPUBLIQUE
GAULLIENNE
Une
certaine idée de la France
Le 2 juin 1958 quand De Gaulle dispose des pleins pouvoirs, il se
pose trois objectifs essentiels :
1) donner de nouvelles institutions à la France
2) trouver une solution au problème algérien
3) redresser léconomie et les finances du pays.
III.a.
Les nouvelles institutions.
(voir
chapitre II sur la nouvelle Constitution de 58.)
III.b.
Une solution au problème algérien.
De Gaulle constitue un gouvernement de large union nationale (sauf
le PC). Des techniciens, cest-à-dire des non-parlementaires
font leur entrée au gouvernement à la tête surtout de ministères
qui relèvent plus directement du Président : (Affaires Etrangères,
Armées, Intérieur). Après avoir donné la priorité à la mise
en place des Institutions qui lui permettent de gouverner, il se
tourne vers le problème algérien. Nous devons tout de suite
remarquer que le conflit algérien a aidé à renforcer le caractère
présidentiel du régime, donnant vie à une période transitoire
qui se terminera en 1962 avec ladoption de lélection
du Président au suffrage universel direct. Sans doute De Gaulle
se rend compte que lAlgérie sera indépendante, mais
devant tenir compte des différents soutiens que les hommes
politiques et larmée lui apportent, il doit procéder
prudemment pour régler la question algérienne.
* Par le plan de Constantine (3 octobre 1958) il annonce
un programme de réformes économiques et sociales qui devraient
rassurer les Algériens.
* Avec la Paix des Braves (23 octobre 1958), il reconnaît
aux militants du Front de Libération Nationale (FLN) le
statut de combattants. Le FLN forme à son tour un
Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA).
* En septembre 1959, De Gaulle annonce la politique dautodétermination
pour lAlgérie, les Algériens devraient se déterminer
entre trois solutions : la sécession, la francisation,
lassociation.
Un mouvement insurrectionnel débute à Alger (la semaine des
barricades) en janvier et en février 1960, mais cest un échec.
En France, on réclame des négociations avec le FLN (juin 1960).
La politique dautodétermination se fera en 4 étapes:
1) De Gaulle dans des conférences de presse (automne 1960)
commence à parler pour la première fois d Algérie
algérienne puis de République Algérienne
(novembre 1960).
2) Il visite lAlgérie et se rend compte quil ny
a plus daccord possible entre les deux communautés.
3) Il proclame un référendum le 8 janvier 1961 sur lautodétermination
de lAlgérie. 75% des Français approuvent le droit à lautodétermination.
Fort de ce soutien, De Gaulle parle désormais d État
Algérien Souverain (avril 1961 ) . Mais ce succès ne
manque pas de provoquer des contestations chez les Français dAlgérie
et les militaires. Le 22 avril 1961, un putsch de Généraux
essaie darrêter la marche vers lindépendance.
Mais après quelques jours, faute davoir su choisir de bons
soutiens face à un De Gaulle déterminé et soutenu par les Français,
les putschistes se rendent ou sexilent.
4) En mai
1961, les négociations officielles souvrent à Evian entre
le gouvernement français et le FLN. Les Accords dEvian
sont signés en mars 1962, le cessez-le feu est aussitôt
proclamé. Le 8 avril 1962, 90% des Français approuvent les
Accords. Le 3 juillet 1962, lAlgérie est indépendante.
Cette évolution vers lindépendance sest faite dans
une atmosphère proche de la guerre civile même si elle épargne
la grande masse des Français. Cette guerre a été vécue comme
une crise par larmée. Certains officiers, sopposant
à labandon de lAlgérie, se lancent alors dans une
action terroriste à travers lOAS (Organisation Armée
Secrète). LOAS multiplie les attentats en Algérie et
en France. Le 22 août 1962, le général De Gaulle qui échappe
à un attentat au Petit-Clamart, près de Paris, profite de lémotion
suscitée par cette action pour présenter le 20 septembre la
réforme par référendum de lélection du chef de lÉtat
au suffrage universel direct à deux tours. La solution du
problème algérien fait que, en quelques semaines, presque un
million de Français quitte lAlgérie et rentre massivement
en France, où on navait pas prévu laccueil dun
nombre aussi élevé de rapatriés. Les Harkis (150000 Algériens
ayant collaboré avec la France) et leurs familles, ont de
grosses difficultés à sintégrer à la société française.
III.c.
Une France forte.
Les événements passés ont renforcé les pouvoirs du chef de lEtat.
LElysée devient le centre du pouvoir, un véritable
domaine réservé du Président se constitue comprenant
toutes les grandes questions que De Gaulle voulait traiter lui-même:
la défense, la politique étrangère et les colonies. La plupart
des grandes décisions sont annoncées par De Gaulle, lors des
allocutions, des discours radio-télévisés et des conférences
de presse. La pratique des référendums a pour objectif de vérifier
le lien direct entre le peuple et le président..
De Gaulle considère lAssemblée comme le refuge
des partis politiques malgré la forte majorité dont
il dispose. Il estime que les partis doivent être moins
importants même si leur existence est indispensable. Il est
souvent en conflit avec le Parlement ; le Sénat en
particulier, où linfluence gaulliste est faible, lui
reproche dinterpréter la Constitution à sa fantaisie.
En 1962, il nomme Georges Pompidou Premier ministre,
(Pompidou nest pas un parlementaire), pour bien montrer que
le gouvernement ne dépend pas du Parlement.
Après avoir atteint son objectif, avec lélection du Président
au suffrage universel, De Gaulle veut faire de la France un
pays fort basé sur une économie forte
et sur lindépendance nationale. Une bonne
politique économique se construit sur un équilibre budgétaire
et une monnaie stable, sur une industrie moderne et une
technologie davant-garde. De Gaulle entend donc restaurer léquilibre
budgétaire et stabiliser le franc. Dans ce but, il pratique une
politique à trois volets:
1)
Il stabilise le franc par une forte dévaluation (17,5%) et crée
le nouveau franc: 1F = 100 anciens francs.
2)
Il recherche léquilibre budgétaire par la diminution des
dépenses (salaires des fonctionnaires, retraites des anciens
combattants, subventions...)
3)
Il augmente les impôts pour assurer une croissance des recettes
et lutte contre linflation en supprimant toutes les
indexations salariales (sauf pour le SMIG. Salaire Minimum
Interprofessionnel Garanti).
Ce plan de rigueur touche tous les secteurs, le rétablissement
financier et économique est spectaculaire. La France va connaître
pendant dix ans une croissance économique importante. La
modernisation des industries a contribué aussi à cette
croissance, ainsi que dautres facteurs favorables comme le
pétrole à bas prix et le boom économique des pays du Marché
Commun. Les grandes entreprises se concentrent pour constituer de
grands groupes capables de supporter la concurrence
internationale, surtout dans le secteur de la chimie, de la sidérurgie,
de laéronautique, de lélectronique et du pétrole.
La SNCF électrifie toutes ses lignes, on crée le Réseau
Express Régional (RER). Grâce aux financements de la PAC (Politique
Agricole Commune), on essaie de moderniser et de développer lagriculture,
même si elle subit un certain déclin par rapport au secteur
tertiaire en pleine expansion. LEtat accorde son aide aux
industries de pointe qui contribuent à limage de la
grandeur du pays: linformatique, le procédé télévision
Secam, laéronautique avec le Concorde, lespace avec
lAriane, un grand réseau de télécommunications avec la
société Télécom. Il pratique à partir de 1963 une politique
daménagement du territoire pour remédier aux déséquilibres
régionaux, il crée pour cela la Délégation à lAménagement
du Territoire et à lAction Régionale (DATAR).
En 1965, le septennat est fini (1958-1965). Les nouvelles
élections présidentielles voient au premier tour le
ballottage du Président face à François Mitterrand, et la réélection
du Général au deuxième tour de scrutin, avec 54% des voix
contre 45% pour F. Mitterrand. Les élections législatives
de 1967 voient aussi une diminution de la majorité, la
gauche organise un contre gouvernement de façon officieuse où
se réunissent tous les adversaires du Gaullisme. Mais la gauche
est divisée sur la politique étrangère, le PC napprouvant
quune partie de cette politique, à savoir la politique déquilibre
Est-Ouest et le retrait de la France de lOTAN (Organisation
du Traité de lAtlantique Nord).
III.d.
La crise de mai 68
d.1.
Les signes annonciateurs.
A la fin de lannée 1967, létat économique de la
France est florissant, le régime gaulliste peut présenter
un bilan positif de ses 9 ans de gouvernement, lexpansion
est continue, ce qui a fait doubler le pouvoir dachat. Il
faut dire que léconomie de la France a subi de profondes
mutations. Depuis la libération, la croissance est effective et
elle durera jusquà la crise pétrolière de 1973. Plus de
la moitié des ménages français acquièrent les équipements de
la civilisation industrielle (voiture, téléviseur, électroménagers).
Les progrès sur le plan de la scolarisation, de la santé, des
loisirs sont spectaculaires.
Ces trente années (depuis la Libération jusquà la crise
pétrolière), que lon appellera les 30 glorieuses,
saccompagnent de mutations sociales sans précédent :
forte urbanisation, paupérisation du monde paysan et des petites
et moyennes entreprises (PME) (en retard de modernisation), montée
des classes moyennes salariées et enfin lentrée dans la
société de consommation. Lévolution vers la
société de consommation est constante et se traduit par exemple
par louverture des premiers hypermarchés.
Ces mutations sociales ne se font pas sans difficultés: en 1963,
la grève des mineurs des Charbonnages de France durera plus dun
mois, elle démontrera que les travailleurs entendent participer
désormais aux fruits de la croissance; mais surtout elle fera
comprendre que la contestation sociale est une arme possible pour
ébranler le pouvoir. Cette évolution de la société de
consommation souvent anarchique et inégale, caractérisée par
des malaises sociaux, des dérapages inflationnistes,
nest sans doute pas étrangère à la crise de mai 1968.
Rappelons aussi quaux élections présidentielles de 1965,
le général De Gaulle subit lhumiliation du ballottage
face à Mitterrand et quaux élections législatives de
mars 1967, la victoire est acquise de justesse. La majorité présidentielle
évite de peu une défaite historique. Donc ce pays économiquement
fort voulu par De Gaulle, saccompagne aussi dun
vide dangereux en matière de politique sociale, les
transformations structurelles profondes, les réussites
technologiques engendrent des crises pour ceux qui narrivent
pas à sadapter ou pour les nouvelles générations
qui représentent en 1968 un tiers de la population. .
d.2.
Une crise didentité.
Le 15 mars 1968, Pierre Vianson-Ponté, éditorialiste du Monde,
présente une analyse de la société française du moment:
Ce
qui caractérise actuellement notre vie publique, écrit-il, cest
lennui. Les Français sennuient, ils ne
participent ni de près, ni de loin aux grandes convulsions qui
secouent le monde. [...] La jeunesse sennuie, les étudiants
manifestent, bougent. [...] Ils ont limpression quils
ont des conquêtes à entreprendre, une protestation à
faire entendre, au moins un sentiment de labsurde à
opposer à labsurdité.
Les jeunes de mai 1968, appelés communément jeunes
du baby-boom contestent la place qui les attend dans une
société quils jugent matérialiste et dominée par les
impératifs industriels ; ils dénoncent ses
structures figées et archaïques désormais inadéquates. Lautorité,
sous toutes ses formes, est rejetée. Les jeunes sont impatients
daffirmer leur identité puisque jusquà présent,
seul le pouvoir économique les avait reconnus comme cible privilégiée
dans le développement de la société de consommation. Ce phénomène
nest dailleurs pas circonscrit à la France, on le
retrouve un peu partout en Europe et aux Etats-Unis, mais nulle
part comme en France, la contestation conduira le pouvoir au bord
de la paralysie.
Tout commence par une agitation étudiante à la faculté de
Nanterre et par loccupation des locaux. Cette université a
été construite en 1965 pour répondre à la surcharge des étudiants,
en effet les universités françaises doivent affronter un nombre
détudiants de plus en plus élevé (résultat du baby-boom
et de la montée des classes moyennes salariées), qui donne une
autre physionomie à luniversité réservée, jusquà
présent, à une élite. Le motif semble fort futile: « Les
étudiants français, écrit toujours Vianson-Ponté dans
le Monde, se préoccupent de savoir si les filles de
Nanterre ou dAntony pourront accéder librement aux
chambres des garçons ». En fait les vrais motifs résultent
plutôt de réformes mal faites, dun enseignement vieux, démodé,
denseignants déroutés, inefficaces ou bien qui sont de véritables
mandarins et enfin et surtout de la peur des étudiants
pour leur avenir.Voilà sans aucun doute les facteurs de base qui
ont provoqué la crise.
De Nanterre, lagitation se porte ensuite au Quartier Latin
et là commencent les premiers affrontements avec la police. A
leur tour, les lycées sont gagnés par la contestation des
universités (1,2 et 3 mai). La brutalité de la police provoque
un courant de sympathie, de solidarité en faveur de la
contestation étudiante. Lordre de démolir les barricades
dressées par les étudiants, est donné et aboutit à une nuit
de grande violence appelée dailleurs la nuit des
barricades qui voit de terribles affrontements entre les étudiants
barricadés dans le Quartier Latin et les CRS (Compagnie Républicaine
de Sécurité)
.
d.3.
Une crise sociale
Rentré dAfghanistan où il se trouvait en voyage officiel,
le Premier ministre Georges Pompidou promet des changements; il
pense ainsi calmer lagitation. Le 14 mai, De Gaulle
ignorant la gravité de la situation, part à son tour pour un
voyage officiel en Roumanie alors quun mot dordre de
grève générale est lancé par les syndicats qui désirent récupérer
le mouvement contestataire. La grève sinstalle dans toute
la France aussi bien dans le secteur public que privé. Les
usines sont occupées. Une exaltation extraordinaire sempare
de la France entière, les graffitis, les slogans envahissent les
rues:
Il
est interdit dinterdire.
Professeurs,
vous êtes vieux et votre culture aussi.
Jouir
sans entraves, vivre sans temps morts.
La
révolution commence où commence le plaisir.
Soyez
réalistes, demandez limpossible.
On
ne tombe pas amoureux dun taux de croissance.
Ne
prenez pas lascenseur, prenez le pouvoir.
On commence à parler de cogestion, dautogestion, de liberté
sexuelle. Même la radio et la télévision (lORTF),
instrument privilégié du pouvoir, se met en grève contre la
censure et la parole imposée. La contestation ouvrière
ne dénonce pas la société de consommation, elle demande à bénéficier
plus largement de son évolution. Cest donc avec les
syndicats et les patrons que Pompidou commence les négociations.
Les pourparlers dureront 36 heures daffilée.
d.4.
Une crise politique
Le 29 mai, De Gaulle disparaît, on saura plus tard
quil se trouve en Allemagne auprès du général Massu.
Toutes sortes dexplications ont été données pour
comprendre ce départ (constater la fidélité de larmée
en cas de besoin? fausse sortie pour rendre plus théâtral le
retour? ...) Quoi quil en soit, à son retour, De Gaulle
annonce la dissolution de lAssemblée nationale et lance un
appel à laction civique. Une manifestation gaulliste lui répond.
Le 5 juin, le travail reprend dans la fonction publique, le 18
juin, Renault, point fort
de
la contestation ouvrière, rouvre ses portes. Le résultat des élections
législatives est favorable à lUDR (Union des Démocrates
pour la Ve République), mais la victoire na été acquise
que par un consensus émotionnel. Un nouveau
gouvernement est formé avec Couve de Murville comme Premier
ministre; le ministre de lEducation nationale Edgar Faure
prépare une loi dorientation pour lenseignement supérieur
qui sera votée en octobre. Cette loi, dite Loi Edgar Faure, sinspire
des principes dautonomie des universités, dinterdisciplinarité
et de participation à la gestion.
Un
mois de paralysie a abîmé le pays. La relance est
difficile. Pour limiter la fuite des capitaux le contrôle des
changes est rétabli. De Gaulle refuse de dévaluer le franc pour
ne pas pénaliser les salariés, il craint une nouvelle crise
sociale. Il annonce une réforme institutionnelle qui touchera le
Sénat et la décentralisation. Dans ce projet, le Sénat devrait
devenir une chambre consultative, la décentralisation devrait découper
la France en un certain nombre de régions où le patronat, les
syndicats, les groupements professionnels et dautres
associations exprimeraient leur point de vue sur les applications
des plans déquipement. Le référendum a lieu le 27 avril
1969, les Français comprennent que ce vote est en fait une
confrontation entre la nation et son Président; dailleurs
De Gaulle annonce quil quittera le pouvoir en cas de défaite:
[...]de la réponse que fera le pays à ce que je
lui demande va dépendre évidemment, soit la continuation de mon
mandat, soit aussitôt mon départ (déclaration du
10 avril 1969). La réponse des Français est: NON (53%);
quelques heures plus tard De Gaulle annonce quil cesse
ses fonctions de Président de la République. Il se retire
à Colombey où il mourra le 9 novembre 1970.
IV. LA REPUBLIQUE
POMPIDOLIENNE.
Louverture
dans la continuité
IV.a. Introduction
Au départ de De Gaulle, cest le président du Sénat
Alain Poher qui assure lintérim en attendant les
nouvelles élections présidentielles; pendant cette période, il
possède toutes les prérogatives du président de la République
sauf le droit de proposer le référendum et de dissoudre lAssemblée.
Le problème crucial qui se présente et qui engage lavenir
du pays est de savoir si le gaullisme survivra au départ de son
chef charismatique. En effet, la Ve République est
tellement identifiée à la personne de De Gaulle que plusieurs
questions se posent : Peut-elle continuer sans lui? Peut-il
exister un après De Gaulle avec un successeur
gaulliste? Avec un successeur non-gaulliste? Si la Gauche arrive
au pouvoir? Ce sera aux présidents qui suivront de répondre à
ces questions: Georges Pompidou (héritier présomptif de
De Gaulle); Valéry Giscard dEstaing (un non-gaulliste);
François Mitterrand (chef de lopposition), qui
affrontera pendant ses deux mandats le phénomène intéressant
de la cohabitation avec deux gouvernements de droite;
enfin Jacques Chirac (gaulliste), qui connaîtra lui-aussi
la cohabitation avec un gouvernement de gauche.
Les élections sont fixées en juin 1969: G.Pompidou sera le
candidat gaulliste, alors que la gauche est divisée et narrive
pas à se mettre daccord sur un candidat. Le second tour
des élections voit sopposer le président du Sénat A.Poher
(centre-droit) et lancien Premier ministre G.Pompidou. Ce
dernier est élu avec 57% des suffrages exprimés. On remarquera
que le pourcentage dabstention est fort élevé (31%).
IV.b.
La nouvelle société.
Jacques Chaban-Delmas, gaulliste historique, ancien résistant,
devient Premier ministre et inaugure une politique sociale
ambitieuse; les leçons de mai 1968 nont pas été oubliées.
Son gouvernement fait voter une loi en décembre 1969 qui accorde
aux travailleurs le SMIC (salaire minimum interprofessionnel de
croissance) qui remplacera le SMIG (salaire minimum
interprofessionnel garanti) : dorénavant les salaires des moins
favorisés seront indexés sur le taux de croissance. De plus,
les salaires seront mensualisés. A ces dispositions, viendront sajouter
les lois sur la formation professionnelle continue, le régime
des retraites, la réduction du temps de travail. La volonté réformiste
du gouvernement satisfait évidemment lopinion publique
mais elle est mal accueillie par les milieux politiques qui
reprochent à Chaban-Delmas son ouverture à gauche.
Son projet de nouvelle société présenté
devant lAssemblée nationale dénonce les rigidités
sociales et un certain dirigisme étatique. En même temps, il
veut faire évoluer la France vers une sorte de social-démocratie
et propose une meilleure information des citoyens, une plus large
concertation dans les entreprises, un renforcement des
conventions collectives. Ce programme rompt avec la tradition du
système qui laisse au seul chef de lEtat le soin dindiquer
les grands axes de la politique gouvernementale. La politique douverture
du Premier ministre tend à rallier le centre mais aussi une
partie de la gauche modérée; de plus les négociations
entreprises par le PS et le PC en vue de signer un Programme
commun de gouvernement signifient que désormais larrivée
de la gauche au pouvoir nest plus improbable. Pompidou
comprenant le danger, décide de reprendre linitiative en
demandant aux Français de se prononcer par référendum sur lentrée
de la Grande Bretagne dans la CEE. De cette façon il entend
confirmer sa légitimité et provoquer la division de la gauche
puisque le PC est traditionnellement opposé à lEurope. Le
succès du référendum (68% de oui mais 40% dabstention)
ne suffit pas à redonner une image de force au chef de lÉtat ;
de plus lesprit dindépendance de Chaban-Delmas ne
fait que compliquer la situation. Ainsi il inviteson
Premier ministre à démissionner (juillet 1972) profitant du
scandale que produit la publication par le Canard enchaîné
(journal satirique) des déclarations dimpôts du chef du
gouvernement. Cet épisode montre que la primauté du président
de la République dans le système gouvernemental nest pas
remise en question et quelle reste fidèle à la tradition
gaullienne.
IV.c. Une
politique économique réaliste.
G. Pompidou sest toujours montré beaucoup plus intéressé
à la politique économique que son prédécesseur mais dans lensemble
plus quinnover radicalement, il poursuit loeuvre
quil avait commencé quand il était le Premier ministre de
De Gaulle. Son premier travail est de liquider les
conséquences de mai 1968. La volonté de combler le déficit de
la balance extérieure et celle de relancer la compétivité de
la production française, imposent de dévaluer le franc (12%).
Cette dévaluation saccompagne évidemment dun plan daustérité
dont le but est de rétablir léquilibre budgétaire. En
quelques mois, ces mesures permettent de ralentir linflation
et de faire progresser les exportations. Pompidou pratique aussi
une politique dindustrialisation basée sur deux points: le
maintien dune forte expansion et la création de grands
groupes industriels comme par exemple la SNIAS (aéronautique), Péchiney-Ugine-Kuhlmann
(chimie, aluminium, cuivre). Dans le domaine aéronautique, il
poursuit la construction du Concorde et annonce celle de lAirbus,
ses mesures comprenant aussi la mise en place dun vaste
programme de télécommunication et linstallation du
complexe sidérurgique de Fos-sur-mer.
IV.d. La
crise et la mort du président.
Avec larrivée de Pierre Messmer au gouvernement, lElysée
reprend en main la situation et le rôle du président de la République
est réaffirmé, non seulement dans lapparente dyarchie de
lEtat mais surtout dans la relation avec lAssemblée
nationale. Ce retour au conservatisme signifie labandon des
tentatives libérales comme le statut dautonomie de lORTF
(accordé par Chaban), la cessation de louverture sociale
et du processus de participation prôné par la nouvelle
société et tout cela au moment où la gauche vient de
signer son Programme commun et à la veille des élections législatives
de mars 1973. .
Le mécontentement augmente à cause des effets de la crise
provoquée par le choc pétrolier, après la guerre du Kippour en
octobre 1973. Pour la France, cest le quadruplement de sa
facture pétrolière et la hausse du prix de toute une gamme de
sous-produits du pétrole très nombreux dans lindustrie
sans compter les conséquences directes sur les industries et les
secteurs qui en dépendent. Le gouvernement Messmer ne réagit
pas et laisse aller une inflation qui atteindra au début de 1974
le taux de 13%. La croissance économique ralentit, le chômage
augmente et naturellement les conflits sociaux se multiplient.
Les Français apprennent la gravité de la maladie du président
que lElysée, depuis des mois, tente de masquer. A partir
du printemps 1973, les effets de la maladie saggravent,
obligeant le chef de lEtat à ralentir sérieusement ses
activités. Le 2 avril 1974, il décède.
V. LA REPUBLIQUE
GISCARDIENNE
Gouverner
cest réformer
V.a.
Une petite alternance.
Au lendemain de la mort de G. Pompidou, une nouvelle période de
lhistoire de la Ve République commence. Au
moment des élections présidentielles, la gauche, cette fois,
apparaît unie par un Programme commun et propose un unique
candidat: François Mitterrand. La majorité est divisée entre
gaullistes traditionnels et gaullistes pompidoliens. Un phénomène
nouveau se présente: les candidatures marginales, avec un
candidat écologiste, un de lextrême droite, des Fédéralistes
européens et même un royaliste! Le vainqueur des élections
est Valéry Giscard dEstaing (que lon désignera
VGE), chef des Républicains indépendants, mais avec un très
faible écart par rapport à Mitterrand. Si les institutions de
la Ve République ont fait preuve de leur bon fonctionnement en
ce qui concerne le changement de président, le pays apparaît
plus que jamais coupé en deux. La France fait ses premiers
pas vers une république non-gaullienne puisque le nouveau président
est dune famille politique différente, plus modérée, réformatrice
et européenne.
VGE adopte dentrée une démarche gaullienne : il est
convaincu que la Ve République doit procéder du chef de lEtat
et entend lui aussi dépasser les formations politiques pour
constituer sa propre majorité présidentielle. Il déclare quand
même lors de son installation à lElysée: [...] de
ce jour date une ère nouvelle de la politique française [...] Cest
moi qui conduirai le changement, mais je ne le conduirai
pas seul. Il doit affronter immédiatement deux choses:
la victoire de lopposition (aux élections présidentielles,
lécart des voix entre V. Giscard dEstaing et F.
Mitterrand est très faible : 400 000 voix) et léclatement
de la majorité. Il choisit comme Premier ministre Jacques
Chirac, pour répondre à lusage républicain qui fait
que le premier collaborateur du Président appartienne à la
formation la mieux représentée de la coalition parlementaire. Dès
le début, la forte personnalité de Chirac semble conduire à
une dyarchie de lexécutif : pendant tout le gouvernement
Chirac (de mai 1974 à août 1976) le conflit personnel entre le
chef de lEtat et son Premier ministre ne fera que samplifier,
surtout parce que VGE participera très étroitement à la
gestion des affaires et ne permettra jamais à son premier
collaborateur de contester ou de sopposer à la primauté
présidentielle. Pour répondre à lévolution de la société
et surtout au changement de mentalité, le chef de lEtat
pratique une politique de séduction se caractérisant par un
style direct et décontracté, il sefforce de décrisper
la fonction présidentielle, de la rendre plus proche des Français,
moins solennelle, allant jusquà prendre ses repas du
dimanche chez le Français moyen.
V.b.
Les réformes sociales.
Pendant les deux premières années de son septennat, de
nombreuses réformes sont adoptées.
Cest
la jeunesse qui est la première bénéficiaire de cette volonté
présidentielle de vouloir changer la société. La majorité
légale et donc électorale est abaissée à 18 ans, lélectorat
se rajeunit et devrait être plus réceptif (selon le
gouvernement) à la modernité politique du Président.
Le
gouvernement sadresse ensuite à une autre catégorie
minorisée de la société française, un secrétariat
dEtat à la condition féminine est créé et confié
à la journaliste Françoise Giroud. Le 22 décembre 1974, la
loi Veil (du nom de la première ministre femme de la Ve) est
votée, elle concerne la liberté de contraception et le
remboursement par la sécurité sociale, des produits
contraceptifs, ainsi que la libéralisation de linterruption
volontaire de grossesse (IVG). Une autre loi facilitera
les procédures de divorce, jusquici fort compliquées
et fort lentes, mais surtout le divorce pourra être demandé par
consentement mutuel, désormais légalité homme-femme est
inscrite dans la loi.
Lamélioration
des conditions des travailleurs et des personnes âgées, est
un autre point de la politique sociale du nouveau gouvernement.
Aux premiers, elle garantit en cas de chômage 90% du revenu
pendant une année et laugmentation du SMIC; des
dispositions sont prises aussi sur la règlementation des
licenciements collectifs; aux seconds, on accorde laugmentation
du minimum vieillesse. Le gouvernement sintéresse également
aux handicapés, une loi sur leur orientation et leur insertion
est approuvée.
Quant
à lEducation nationale, le ministre Haby fait voter une
réforme qui institue un collège unique visant à donner à
tous les mêmes chances.
Le
libéralisme du président et du gouvernement sétend aussi
à laudiovisuel, lORTF est constituée désormais
en sociétés indépendantes (Radio France, TF1, Antenne 2, FR3)
auxquelles on accorde un statut dautonomie. Le statut
de la ville de Paris est modifié, Paris aura son maire
élu et une autonomie de gestion.
Enfin
le 21 0ctobre 1974, on adopte une révision de la Constitution
donnant le droit à 60 députés ou sénateurs de saisir
le Conseil constitutionnel. Désormais, cette loi de saisine
permettra à un petit groupe dexercer un contrôle législatif
(la saisine est le droit de demander au Conseil constitutionnel
de contrôler la constitutionnalité dun traité ou dune
loi). Ce droit appartenait exclusivement jusquà présent
au président de la République. Cette réforme témoigne de la
volonté du chef de lEtat de décrisper aussi
les rapports avec le Parlement. Mais la crise économique due à
la hausse du prix du pétrole met un terme aux réformes.
V.c.
La prise de conscience de la crise.
Les plans économiques et financiers du gouvernement pour tenter
de sortir le pays de la crise économique donnent des résultats
mitigés. Chirac avait tenté la politique du stop and
go, cest-à-dire dans un premier moment, la maîtrise
de léconomie par des mesures dencadrement (prix, crédit,
salaires) et fiscales (le stop), puis dans un deuxième temps, la
relance de la consommation (le go), mais rien ne peut empêcher leffondrement
de la production et la progression du chômage. Bientôt les
dissensions entre VGE et son Premier ministre, amène ce dernier
à remettre sa démission le 25 août 1976. Cette rupture dans lexécutif
résulte très certainement dun conflit de personnalité
entre le Président et son Premier collaborateur, mais surtout de
lattitude interventionniste de VGE qui tend le
plus possible à réduire le rôle de son Premier ministre, nhésitant
pas à le laisser de côté, sadressant
directement aux ministres. Chirac est remplacé par Raymond
Barre, défini comme le meilleur économiste de France.
Cest le moment où les Français prennent conscience de
leur entrée dans la crise. Barre entreprend une politique daustérité
draconnienne, avec tout le programme classique: blocage des prix,
des tarifs publics, des loyers, augmentation des impôts et
encadrement du crédit. Etant privés désormais du soutien de lEtat,
des secteurs industriels connaissent de très grosses difficultés,
des régions entières sont touchées par la crise, le chômage
augmente sérieusement, surtout dans les catégories les plus
fragiles comme les jeunes et les femmes. Cette situation provoque
des manifestations, des grèves de la part des travailleurs qui
se sentent menacés dans leurs revendications et dans leur
pouvoir dachat. De plus, ladoption de lois sur la
sécurité, justifiée par la montée de la violence et
surtout la loi sur la réforme universitaire renforçant
la sélection des étudiants et diminuant lautonomie des
universités augmentent limpopularité du gouvernement.
Les dernières années du septennat sont semées de difficultés
de toute sorte, du second choc pétrolier en 1979 qui annule les
premiers résultats du plan Barre aux attaques continues de la
gauche qui devient de plus en plus puissante. De plus, une série
de scandales (décès inexpliqué du ministre du
Travail Robert Boulin, assassinat du prince de Broglie, affaire
des diamants donnés au Président par Bokassa, dictateur du
Centre Afrique) aggravent la situation. La presse et lopposition
sauront bien exploiter ces facteurs de crise qui discréditent le
régime. En mai 1981, cest un Président affaibli et
contesté qui se présente aux nouvelles élections présidentielles.
VI.
LA REPUBLIQUE MITTERRANDIENNE
VI.a. Le
premier septennat :
a.1.
Lalternance
Lannée 1981 restera dans lhistoire française
comme celle de lalternance politique dans la continuité
constitutionnelle. La rupture est en effet considérable avec une
longue et douloureuse tradition qui soumettait lalternance
à un changement obligé de régime politique, ou qui à linverse
la paralysait dans le cadre dun régime donné. [....] Le mérite
de la Constitution de 1958 pourtant taillée à la mesure dun
homme, est davoir renversé cette absence de perspective
par linstauration du fait majoritaire, pour peu évidemment
que les principaux acteurs de la vie politique se soient ralliés
à ses règles. Cest ce qua compris François
Mitterrand qui, après avoir lontemps bataillé contre les
institutions et la pratique institutionnelle de la Ve République,
sest installé dans sa fonction, et apparemment sans état
dâme, à la même enseigne que ses prédécesseurs,
celle dun monarque républicain. (Bernard Droz,
Anthony Rowley, Histoire générale du XX siècle..)
Pour la première fois depuis 1965, lélection du Président
a lieu à échéance normale, cest-à-dire à la fin des
sept ans du mandat présidentiel, De Gaulle avait démissionné
en 1969, après le référendum sur la régionalisation et la réforme
du Sénat et donc navait pas terminé son mandat; quant à
G. Pompidou, il décédait en 1974, après 5 ans de gouvernement.
En général, les experts ne prévoient pas la victoire de la
gauche, car elle est divisée entre François Mitterrand pour le
PS, Michel Rocard pour le PSU et Georges Marchais pour le PC. La
droite nest pas mieux lotie, elle doit compter avec les
candidatures de Jacques Chirac, de Michel Debré et de Marie-France
Garaud pour les gaullistes et évidemment celle du Président
sortant : Valéry Giscard dEstaing. Pour éviter la
multiplication de candidatures marginales, on modifie les règles
de présentation : pour être valablement candidat à la présidence
de la République, il faut, selon larticle L.44 du Code électoral,
avoir 23 ans, remplir les conditions déligibilité (jouir
des droits civils et politiques et avoir versé une caution),
enfin, réunir 500 signatures de notables politiques élus dans
30 départements. Ces nouvelles règles sont fatales à Jean-Marie
Le Pen (extrême-droite) et à Alain Krivine (extrême-gauche).
Au premier tour, le 26 avril, VGE devance Chirac et le PC seffondre.
Au second tour, les communistes se désistent en faveur de
Mitterrand, et Michel Rocard fait de même. A droite par contre,
Chirac et Debré appellent les électeurs à voter selon leur
propre conscience. Le 10 Mai, cest la victoire de
Mitterrand.
Mitterrand doit sa victoire à plusieurs facteurs :
1)
la modification des rapports de forces à lintérieur
des camps en présence : la droite est déchirée et la
gauche unie; le recul du PC, incite les électeurs centristes à
voter à gauche.
2)
lusure du pouvoir a joué un rôle important contre
les sortants; à ce propos, se pose la question du
mandat présidentiel, le septennat peut représenter la stabilité
mais un septennat renouvelable à linfini, ne semble pas être
la solution idéale surtout quand le Président détient lessentiel
du pouvoir.
3)
le corps électoral a rajeuni, grâce à labaissement
à 18 ans de la majorité électorale.
4)
les composantes socioculturelles ont évolué :
extension du salariat, arrivée massive des femmes sur le marché
du travail, baisse de la pratique religieuse, scolarisation
accrue, tous ces facteurs ont changé les mentalités
5)
les tensions internes à la société (crise économique,
chômage, scandales, etc.) semblent avoir trouvé dans le PS et
son programme (les 110 propositions) leur expression politique.
Il
apparaît que le régime instauré par De Gaulle a résisté à lalternance,
que paradoxalement le principe majoritaire a servi à lopposition
pour conquérir le pouvoir, la gauche profitant donc dinstitutions
conçues contre sa volonté et pour léloigner du pouvoir.
Lancienne majorité quant à elle va devoir apprendre à
vivre dans lopposition et à découvrir les mérites du
parlementarisme.
a.2.
La gauche au pouvoir
Les dix premières années de la Ve République avaient été
marquées par limposante stature de Charles De Gaulle : législateur
fixant les tables de la Loi constitutionnelle, mais aussi leur
interprétation présidentialiste; homme dEtat imprimant à
la politique étrangère et à la défense nationale une
orientation progressivement adoptée par lensemble de lopinion
et la grande majorité de la classe politique; chef politique
donnant à ses partisans une position hégémonique pour de
longues années dans le système des partis.
Les années 80 sont aussi marquées par lempreinte de François
Mitterrand. Sa double élection de 1981 et 1988 lui donne une légitimité
populaire qui lui permet de simposer dans des contextes
politiques contradictoires : les années du socialisme
absolu de la législature 1981-1986, les deux ans de résistance
présidentielle dans une cohabitation avec la droite
victorieuse aux législatives de mars 1986, lhégémonie
face à une opposition atomisée de 1988 à 1993, avant une
seconde cohabitation.
Cette présentation faite par Hughes Portelli dans son ouvrage,
la Ve République, met bien
en évidence les deux personnalités les plus marquantes de la
Cinquième : la première créant son style, la deuxième
sachant imbriquer des idéologies complètement différentes dans
des institutions créées justement pour limiter leurs actions.
Dès son investiture, Mitterrand dissout lAssemblée
nationale. La recherche dune majorité parlementaire
est engagée. Au lendemain des élections, le franc accuse une
chute vertigineuse car les milieux des affaires et le patronat
craignent la mise en place dun programme de gauche
que le Président avait détaillé lors de sa campagne électorale
dans ses 110 propositions. Les législatives du 14 et 21
juin confirment la victoire du 10 mai et assurent au PS
une majorité absolue. Devant les résultats, Mitterrand
souligne que cest la première fois dans lhistoire
de la République, quun parti dispose à lui seul de la
majorité des sièges à lAssemblée nationale[...].
Pour la première fois depuis 58, le Président ne tire pas son
autorité de son expérience gouvernementale récente ou dun
charisme extra-partisan mais de son leadership sur le parti
majoritaire. Ce leadership donnera de 1981 à 1986, une dimension
originale au présidentialisme : non seulement F.Mitterrand
exerce ses fonctions dans la plénitude de leur lecture
gaullienne mais son pouvoir est garanti par une soumission de
nature partisane, à tous les échelons des institutions:
gouvernement, Assemblée nationale. (H.Portelli, La
Ve République).
Pierre Mauroy, nommé Premier ministre
constitue un gouvernement représentatif des divers courants du
PS et élargi au PC (4 ministres).
Les deux premières années de son gouvernement sont caractérisées
par une vague de réformes qui touche tous les
secteurs de la vie économique et sociale. Pendant cet état
de grâce, le gouvernement mobilise tous les
moyens dont il dispose (parlement convoqué en sessions
extraordinaires, utilisation des ordonnances etc..) pour faire
appliquer le programme de la gauche que Mitterrand définissait
lui-même comme un contrat passé entre lui et le peuple français.
Les 110 propositions (liste de projets en matière
sociale, économique, culturelle, scientifique, sur laquelle le
candidat socialiste avait fait campagne) constituent en quelque
sorte une directive présidentielle globale que le gouvernement
doit faire exécuter dans la législation. Mitterrand la
bien souligné, dès son premier message présidentiel: Je
suis le premier responsable de la politique française. Le
Premier ministre et les ministres doivent exécuter la politique
définie par le président de la République.
a.3.
La politique des réformes.
Elle prévoit dans le domaine des institutions, une série
de réformes qui ont pour but de démocratiser lEtat
: suppression de la Cour de sureté de lEtat et des
tribunaux permanents des forces armées, mais surtout labolition
de la peine de mort (loi Badinter).
Dans le domaine administratif, on essaie de démocratiser
lENA (Ecole Nationale dAdministration).
Dans le domaine des rapports Etat-audiovisuel, on crée la
Haute Autorité de laudiovisuel qui contrôle
la radio-télévision dEtat. Il y a aussi, la création
de chaînes de télévision privées et la législation
des radios libres. Noublions pas non plus, le rétablissement
du prix de vente unique du livre.
Mais cest la décentralisation (loi Defferre)
qui marque un grand changement La réforme accorde une série de
compétences à la Région, au Département et à la Commune. Il
y a un rééquilibrage du pouvoir, désormais lexécutif
appartiendra aux instances locales :
Au
niveau de la Région : le Conseil régional est élu au
suffrage universel pour 6 ans; ce Conseil règle les affaires
sociales, économiques et culturelles de la Région, lexécutif
régional est le président du Conseil, la région est
devenue une collectivité locale à part entière
Au
niveau du Département : le Conseil général est élu au
suffrage universel direct pour 6 ans, ce Conseil règle les
affaires du Département, lexécutif départemental est le
président du Conseil général, il est élu pour 3
ans par les conseillers généraux; désormais, les préfets sont
appelés Commissaires de la République, (remarquons une certaine
réminiscence de la Révolution), ils se limiteront à diriger
les services dépendant directement de lEtat.
Au
niveau de la Municipalité : le Conseil municipal est
élu au suffrage universel direct pour 6 ans, lexécutif
municipal est le maire, le nombre de conseillers
municipaux varie en fonction de limportance de la Commune.
Le gouvernement va aussi adopter une série de mesures qui ont
pour but de lutter contre le chômage et de réduire les
inégalités sociales. Les premières mesures sociales
concernent : laugmentation du SMIC (Salaire Minimum
Interprofessionnel de Croissance) et des allocations
familiales, ainsi que la retraite minimum vieillesse.
Pour lutter contre le chômage, on abaisse lâge de la retraite
à 60 ans et on réduit la semaine de travail à 39
heures. On vote aussi une règlementation des cumuls
demploi. A ces mesures sajoutent celles des contrats
de solidarité signés par les entreprises et par les
collectivités locales, pour la réinsertion dans le monde du
travail. Il y a aussi, la création du chèque-vacances
pour permettre aux familles qui ont des difficultés de
pouvoir partir en vacances, sans oublier la cinquième
semaine de congés payés. Il faut encore ajouter le remboursement
partiel de lIGV (interruption volontaire de la
grossesse), linstauration dun congé parental
à partir du troisième enfant; enfin la création des travaux
dutilité collective (TUC) pour occuper les jeunes
sans travail.
La loi Quilliot sur le logement assure une protection des
locataires et un contrôle des loyers, mais ce sont surtout les
lois Auroux sur les droits des travailleurs dans lentreprise,
(création de comités, liberté dexpression directe et
collective, négociations collectives etc.) qui sont les grandes
nouveautés du monde du travail.
Le gouvernement entend mener une politique dirigiste et forcer la
reprise économique par la relance de la consommation mais
surtout par les nationalisations, le moyen idéal pour lEtat
de diriger et orienter lappareil économique.
Dans
le secteur financier, il y a la nationalisation de deux
compagnies financières (Paribas et Suez) et de 39
banques.
Dans
le secteur industriel, celle de cinq groupes : la
compagnie générale délectricité, Péchiney-Ugine-Kuhlmann
(métaux), Rhône-Poulenc (chimie), Saint-Gobain (matériaux de
construction) et Thomson-Brandt. (construction électrique). Il y
a aussi des groupes où lEtat devient actionnaire
majoritaire : Dassault (aéronautique), Matra (automobiles)
et les groupes sidérurgiques Usinor et Sacilor.
Dans
le secteur fiscal, il y a la création de limpôt
sur la fortune, pour financer la solidarité sociale.
Cette politique a pour conséquence une détérioration de la
situation économique : augmentation de déficits budgétaires,
de linflation, alourdissement des charges des entreprises.
Le désenchantement de lopinion se traduit par lexplosion
du mécontentement général Le gouvernement adopte
alors une politique de rigueur (plan Delors) : blocage des
prix et des salaires, limitation du déficit budgétaire,
ralentissement de la consommation et des importations,
augmentation des prélèvements. Cette politique obtient des résultats
positifs : chute de linflation, redressement de la
situation des entreprises mais malgré tout, le chômage ne cesse
daugmenter (2 millions en 1982).
En 1984 , la querelle scolaire éclate à cause du projet
de loi Savary. Ce projet voulait créer un grand service
public, unifié et laïque de lEducation nationale, intégrant
les établissements privés. La défense de lécole
libre sert de motif au rassemblement de la droite dans une
grande manifestation à Paris, qui impressionne lopinion
publique et le gouvernement est obligé de retirer le projet.
Le 17 juillet 1984, Mauroy est remplacé par Laurent Fabius.
Le nouveau Premier ministre déclare vouloir travailler à la
modernisation du pays et au rassemblement des Français.
Ce choix est dautant plus médiatique que le Premier
ministre est jeune (38 ans), il est donc à la fois le représentant
des jeunes générations mais aussi un technocrate avisé. La
politique de rigueur, menée depuis 1983, pénalise fortement les
couches les plus défavorisées. Les résultats du gouvernement
Fabius ninversent pas la tendance de la montée du chômage
et de laccroissement des inégalités. Les élections
cantonales de mars 1985 voient la progression du Front
national, parti dextrême-droite rassemblé autour de
Jean-Marie Le Pen. Ce quon a appelé leffet Le Pen
se base essentiellement sur des thèses ultranationalistes et
affronte donc le probléme de limmigration. Sur un
fond de xénophobie, impliquant un racisme récurrent, le FN sattire
les voix dun électorat particulièrement frappé par la
crise. Il faut ajouter à cela, les problèmes dinsécurité
dans les grandes villes, qui sont toujours imputés aux étrangers.
Le FN se fait le défenseur des nationaux en
mobilisant et en recrutant à partir du double thème de la sécurité
et de la draconienne limitation de limmigration.
a.4.
La cohabitation
Les élections législatives de 1986 assurent une courte majorité
à la coalition RPR-UDF (Rassemblement pour la République,
Union de la démocratie française) et permettent au FN dentrer
à lAssemblée nationale (35 députés). Le Président se
trouve donc devant une chambre qui na plus sa couleur
politique. La tradition républicaine veut que le chef du groupe
politique le plus important de la majorité parlementaire occupe
les fonctions de Premier ministre. Ainsi pour la première fois,
la Ve République est confrontée à une situation imaginée
seulement dans la théorie: celle de la cohabitation entre
les deux personnalités de lexécutif, chacun de tendance
politique opposée. La Constitution affirme que le gouvernement détermine
et conduit les affaires de lEtat, désormais, on sy
conformera scrupuleusement. Mitterrand nomme donc Jacques
Chirac qui en tant que Premier ministre mènera la
politique intérieure sans lingérence du chef de lEtat,
ce dernier se réservera la politique étrangère et la
gestion de la défense.
La cohabitation dure deux ans, de 1986 à 1988. Elle est le témoin
de la solidité et de la flexibilité des institutions de la Ve
République.
La nouvelle majorité annule lessentiel des réformes
socialistes. Un grand nombre de banques et dentreprises
sont privatisées, limpôt sur les grandes fortunes est
supprimé ainsi que les licenciements dans ladministration.
Le Président met continuellement en évidence son désaccord
avec le gouvernement et se présente comme le garant des droits
sociaux.
Malgré la politique économique libérale menée par Chirac, le
chômage continue daugmenter. La réforme Devaquet
sur lenseignement supérieur, vue par les étudiants comme
une atteinte à leur liberté de choix dans leurs études et qui
selon eux, devait aboutir à un système de sélection et à linégalité
des diplômes, déclenche dimportantes manifestations en
novembre et en décembre 1986. Chirac est obligé de retirer la
loi pour éviter lescalade de la violence.
Au même moment, des mesures prises contre limmigration
et pour la réforme du code de la nationalité
rencontrent de fermes oppositions. Là aussi, le gouvernement
doit céder.
Le gouvernement Chirac connaît aussi la grève la plus longue
depuis Mai 1968 , elle débute le 12 décembre 1986 et se
terminera le 14 janvier 1887. Elle concerne surtout les
transports (SNCF et RATP) avant de gagner lEDF et le GDF (électricité
et gaz).
La cote de popularité du président de la République, au plus
bas avant la cohabitation, ne cessera de croître pendant celle-ci.
Son attitude de non-ingérence dans les affaires intérieures,
son rôle darbitre en diverses circonstances, sa primauté
en politique étrangère, lui ont valu un regain de considération.
Le Premier ministre, lui, a vu baisser la sienne, son glissement
vers lextrême-droite pour se constituer une majorité en
est peut-être lune des causes, et cela malgré les résultats
incontestables de sa gestion dans certains secteurs. Ce qui épouvante
de nombreux Français, cest que souvent cette gestion
semble sadresser aux plus riches.
VI.b.
Le deuxième septennat :
La
France unie
b.1
Les élections présidentielles
Bien quâgé de 72 ans, Mitterrand annonce sa
candidature à sa propre succession. Pendant toute la
campagne électorale, il se contente de cultiver limage quil
sétait donnée durant la cohabitation : celle dun
arbitre au-dessus des partis, garant de lunité nationale,
pour lutter contre les germes de division semés par
des partis qui veulent tout. Arnaud Teyssier cite dans
son livre La Ve République un
entretien de Raymond Barre à Jean-Marie Colombani, directeur du
journal Le Monde : A mes yeux, le président de
la République qui est un homme de stature et de culture, et qui
cherche à façonner son image pour lhistoire, ne sera
vraiment satisfait que lorsquil aura accompli un certain
nombre de choses qui lui permettront de gommer De Gaulle. Il vit
depuis mai 81, mais aussi bien avant, avec lombre du
Commandeur à ses côtés, de même quil na jamais
cessé de se dresser, de 1945 à 1969 contre De Gaulle vivant.[...]
De Gaulle sera toujours pour François Mitterrand léternel
défi. Quand le président de la République dit à
Lacouture (journaliste) : Vraiment le général De Gaulle nest
pas la référence qui moccupe, [...] De Gaulle est le
dernier grand homme du XIXe siècle, il
nest pas un homme du XXIe,
on sent bien quil voudrait lui, François Mitterrand en
faisant ce quil se doit, dans des circonstances différentes,
apparaître comme lhomme du XXe siècle qui a su pressentir
le XXIe siècle, comme lhomme qui est parvenu à éclipser
De Gaulle .
Le 8 mai , le Président est réélu avec 54% des
suffrages, ces élections sont un dur échec pour la droite qui
cherche lexplication dans ses divisions. Le processus
politique et institutionnel semble calquer sur les élections de
1981: le Président réélu nomme son Premier ministre,
Michel Rocard et dissout lAssemblée nationale. Les élections
législatives se déroulent les 5 et 12 juin et donnent la
majorité à la gauche (mais pas au PS) dautre part la
forte baisse du PC oblige le président et son gouvernement à
chercher des alliances au centre. Celles-ci, dailleurs,
sont souhaitées par un grand nombre de Français, qui considèrent
quil est temps de dépasser le clivage gauche-droite.
Mitterrand annonce donc une politique douverture. En
effet, le gouvernement pratique une ouverture originale, puisque
face aux 26 ministres socialistes, 20 ministres représentent le
« centre » et la « société civile »
.
b.2.
La méthode Rocard.
Rocard met en place une méthode qui consiste à rechercher le
consensus par le dialogue et la négociation. Cette
méthode donnera des résultats en ce qui concerne le problème
de la Nouvelle Calédonie : en juin 1988, les Accords
de Matignon sont conclus et le référendum sur lautodétermination
se déroulera en novembre. Il sattaquera aussi aux problèmes
de fond mais les mesures prises par le gouvernement paraissent
bien modestes. En octobre 1988, un revenu minimum dinsertion
de 2000F par mois (RMI) est offert à ceux qui souffrent
de la pauvreté et de lexclusion, le but est de lutter
contre lexclusion, mais cette nouvelle intervention, énième
avatar du traitement social du chômage déçoit
beaucoup délecteurs. De plus, cette allocation devra être
financée par limpôt de solidarité sur la fortune,
nouvelle appellation de limpôt sur les grandes fortunes,
abrogé par J. Chirac. Le plan Universités 2000, présenté
par Lionel Jospin améliore la situation de lenseignement
supérieur. De façon générale, le gouvernement Rocard tout en
poursuivant sa politique économique libérale, comme en témoigne
par exemple la suppression du contrôle des changes, est maintenu
sous pression par la revendication sociale. Il doit donc dégager
de nouveaux moyens financiers. La contribution sociale généralisée
(CGS) répond à la nécessité de financer le déficit de
la Sécurité Sociale. La motion de censure déposée contre la
CGS risque de faire tomber le gouvernement.
La réactivation des conflits sociaux témoigne du malaise
ressenti par les salariés envers un régime dont ils contestent
la motivation socialiste. Même à lintérieur du PS,
certains sinquiètent de la tiédeur de la politique
sociale. Les années 90-91 verront toute une série de revendications
: des agriculteurs qui ont le sentiment dêtre
exclus des plans de relance aux lycéens qui réclament
des moyens accrus pour lenseignement secondaire. Mais ce
sont les révoltes dans les banlieues qui contraignent le
gouvernement à aborder le dossier de la ville. Dix ans
après son arrivée au pouvoir, la gauche prend conscience de la
gravité de la situation. Rocard se saisit du dossier, une loi
est adoptée pour changer les critères dattribution des
logements sociaux afin déviter la constitution de nouveaux
ghettos. La seule réalisation concrète sera la loi de
solidarité financière entre communes riches et communes
pauvres. Du problème des banlieues aux problèmes de limmigration,
il ny a quun pas, mais Rocard affronte surtout la
dimension culturelle de limmigration avec laffaire du
foulard islamique. La querelle qui opposera
les intransigeants et les tolérants sera tranchée par le
Conseil dEtat. Le Conseil dEtat est chargé de juger
les litiges dans lesquels ladministration est mise en cause;
en novembre 1989, il jugera le port du voile islamique compatible
avec le principe de la laïcité, à la condition que les élèves
ne se soustraient pas à leurs obligations scolaires au nom de
leur religion. Cette affaire démontre que limmigration
reste plus que jamais une des données essentielles du paysage
politique français et plus fondamentalement un fait de société
incontournable. Laccentuation des problèmes dimmigration
coincide avec la montée du racisme; aussi dans le cadre dun
plan dintégration des immigrés, Rocard propose de
renforcer la lutte antiraciste.
b.3.
Les affaires.
Dans cette période difficile un climat délétère
se développe dans le pays avec ce quil est convenu dappeler
les affaires. Certes la corruption nest pas une
nouveauté en politique, mais dès la fin des années 80, une série
de scandales risque de mettre en péril la République. Un des
scandales les plus retentissants est celui qui se développe, début
90, autour du rachat de lAmerican National Can par le
groupe Pechiney. Deux personnes proches du président de la République
sont directement impliquées dans cette affaire. Vient ensuite le
scandale du financement illicite des campagnes électorales du PS,
affaire éclaboussant dailleurs aussi des politiciens de
droite. Dautres scandales éclatent par intermittence, liés
souvent à des dérives de la décentralisation. Les pouvoirs
transférés aux élus locaux nont pas été accompagnés
de contrôles parallèles. Plusieurs maires de droite comme de
gauche se trouvent gravement mis en cause. Mais cest laffaire
du sang contaminé qui va le plus marquer lopinion. Pour
tenter de redresser une image catastrophique, Pierre Bérégovoy
propose une nouvelle loi contre la corruption et sur la
moralisation des activités économiques. Le projet, qui sera
assoupli par lAssemblée, prévoit linterdiction des
dons dentreprise aux partis politiques et aux candidats,
ainsi quune limitation du recours à la publicité.
b.4.
Lintermède Cresson.
Le 15 mai 1991, Mitterrand limoge son Premier ministre et nomme Edith
Cresson à la tête du gouvernement. Le choix de Mitterrand
est bien évidemment médiatique (comme lavait été celui
de L.Fabius, jeune Premier ministre) et destiné à susciter une
nouvelle fois un choc psychologique pour reconquérir lopinion.
Larrivée à Matignon de la première femme chef de
gouvernement constitue un événement important. Le nouveau
gouvernement dE.Cresson tente dimprimer aux affaires
une conduite plus volontariste et réformatrice.
Mais, il ne peut se dispenser de pratiquer une politique économique
basée sur la rigueur. Son programme politique paraît aligner
sur celui du gouvernement précédent. Edith Cresson doit compter
aussi avec lhostilité et la misogynie de lappareil
politique et des médias, qui exploitent ses maladresses. Mais ce
que le Premier ministre paie surtout, cest labsence
de suites concrètes à ses annonces de réformes. E.Cresson
ne résiste pas aux élections régionales et cantonales de mars
1992. Leffondrement de la participation électorale qui
frappe surtout lélectorat de gauche, annonce la défaite
aux législatives de lannée suivante. Le 2 avril, cest
Pierre Bérégovoy qui prend sa place à Matignon.
b.5.
La mission impossible de Pierre Bérégovoy.
Le nouveau Premier ministre arrive au pouvoir dans les pires
conditions. Non seulement il lui reste moins dun an avant
les nouvelles élections législatives mais la situation qui lui
est léguée ne lui permet pas de pratiquer de grandes manoeuvres.
Sur le plan économique et social, il doit faire face à une récession
qui réduit les recettes fiscales et qui augmente le chômage (le
cap des trois millions de chômeurs est atteint en février 1993).
De plus, il doit gérer le référendum de Maastricht. Bérégovoy
est alors contraint doublier les grandes réformes sociales
et institutionnelles. Il va cependant devoir affronter deux épreuves
difficiles : le référendum sur lUnion européenne et le développement
des affaires (financement illicite des campagnes électorales du
PS). Rien ne laissait présager que le référendum diviserait la
France en deux.. La découverte des dispositions du traité à
propos de lunion monétaire va développer un courant
critique aigu surtout devant le traitement particulier réservé
aux Britanniques. Le 20 septembre, le oui lemporte
avec une faible marge, 51% de voix , labstention et les
votes nuls sélevant à 30%. La gauche donne le sentiment dêtre
à bout de souffle, incapable de proposer et de réaliser des
projets nouveaux, la plupart de ses membres aspirent à un
changement radical.
b.6.
La cohabitation de velours
En mars 1993, les élections législatives voient la victoire de
la coalition RPR-UDF. La gauche est littéralement écrasée.
Léchéance des présidentielles en 1995, a été le thème
dominant de cette campagne, J.Chirac conserve la direction du RPR
et pousse Edouard Balladur à Matignon. A la
différence de 1986, la seconde cohabitation est moins dramatique,
lexpérience institutionnelle a déjà eu lieu et le climat
daffrontement permanent ne se reproduira pas puisque le
chef de lEtat ne sera plus candidat aux prochaines élections.
Il na donc aucun intérêt à entrer en concurrence directe
avec le Premier ministre. Nommé Premier ministre le 30
mars, Edouard Balladur forme un gouvernement équilibré
entre RPR et UDF. Ses objectifs? Il les précise dans une
interview au Figaro : Ce qui mintéresse,
dit-il, au-delà des apparences, ce sont les réalités. La
France a été à plusieurs moments de son Histoire une référence,
au Moyen Age, au temps de sa monarchie administrative, au XIXe siècle.
Peut-être est-ce un rêve ou une naïveté, mais jaimerais
que notre pays redevienne un des modèles du progrès dans le
monde. Lobjectif de la réforme est à mes yeux le suivant
: comment en nétant pas le pays le plus fort militairement
ni le plus fort économiquement, compter dans le monde, en
inventant un modèle de société national et international?
(cité dans Teyssier, La Ve République).
Le Premier ministre reprend et développe son idée de lexemple
Français quil entend promouvoir. Quatre
orientations lui paraissent primordiales : Affermir lEtat
républicain, assainir notre économie pour développer lemploi,
garantir les solidarités essentielles à notre société
et mieux assurer la place de la France dans lEurope et dans
le monde. (idem)
Le Premier ministre impose une rupture avec la gestion antérieure
dans deux domaines: léconomie et limmigration.
Il cherche à réduire les déficits publics par des mesures
draconiennes, qui commencent par la réduction du train de vie de
lEtat. Il réforme le régime général des
retraites, augmente la CSG, mais renforce le soutien
à lemploi et aux équipements publics en les finançant
par un grand emprunt national. Les privatisations des entreprises
nationalisées reprennent et la Banque de France devient indépendante.
Si les mesures économiques et financières nont pas trop
soulevé de réaction, il nen va pas de même pour celles
concernant limmigration. Les lois Pasqua
bouleversent le statut des étrangers non communautaires. Une
première loi relative aux conditions dentrée et de séjour
des étrangers vise à encadrer et à restreindre le
regroupement familial et les demandes dasile et à
faciliter les expulsions. Une seconde renforce les pouvoirs de
police dans les contrôles didentité. Une troisième
rend plus difficile lacquisition de la nationalité française
pour en faire une démarche volontaire (les enfants nés en
France, de parents étrangers doivent déclarer à leur majorité,
leur intention de devenir Français). Les députés socialistes
portent ces lois devant le Conseil constitutionnel. Ce dernier
annule une partie des dispositions sur les conditions dentrée
et de séjour des étrangers, en particulier celles concernant le
droit dasile, mais il valide lessentiel de la réforme
du code de la nationalité et les contrôles didentité.
Une autre réforme touche les institutions : on crée en parallèle
à la Haute Cour de Justice qui jugera les crimes de haute
trahison, une Cour de Justice de la République pour juger
les crimes et les délits commis par les ministres dans lexercice
de leur fonction. Le Conseil Supérieur de la Magistrature
nest plus nommé par le président de la République
(qui en conserve quand même la présidence) mais par le
Parlement et les magistrats.
La relance de laménagement du territoire est loccasion
pour le gouvernement à travers une grande campagne dopinion,
daller à lencontre des élus locaux et de rassurer
le monde rural en tentant darrêter labandon des
campagnes par le maintien des services publics.
Le Premier ministre remporte aussi des succès notamment lorsque
le franc est attaqué par la spéculation en juillet 1993 et lors
des négociations commerciales du GATT.
Edouard Balladur doit gérer deux types de cohabitation: à la tête
des institutions avec Mitterand, à la tête de son parti, le RPR,
avec Chirac. Contrairement aux apparences la première est
beaucoup plus tranquille que la deuxième ! En effet
Mitterrand et Balladur veillent à donner de leurs relations une
image courtoise. Le chef de lEtat commence aussi à être
affaibli par lâge mais surtout par la maladie. Au sein même
du RPR en revanche la popularité du Premier ministre qui
conforte ses ambitions présidentielles ne plaît pas à Chirac.
A lapproche des élections présidentielles, leur rivalité
éclate au grand jour.
En 1995, cest la fin du mandat et le moment de dresser le
bilan des années Mitterrand et des deux cohabitations de
droite. Laccent est surtout mis sur laugmentation du
nombre des chômeurs, sur la nouvelle pauvreté, sur laggravation
des inégalités sociales, sur la crise didentité des
socialistes, mais il ne faut pas non plus oublier toutes les réalisations
positives de ces 14 années. Nous ninsisterons plus sur la
politique des réformes sociales qui marquera à jamais la France
des années 80, nous rappellerons plutôt la politique des
grands travaux avec lintervention directe du chef de lEtat
dans des domaines culturels et de lurbanisme,
une spécificité bien française qui rappelle dune
certaine façon le fameux bon plaisir du roi sous lAncien
Régime, politique qui a toujours légué au pays un héritage
de grandeur. Pompidou avait voulu le centre culturel
de Baubourg, Giscard dEstaing avait créé le
musée dOrsay et la Cité des sciences à
la Villette, quant à Mitterrand, il laissera la
Pyramide du Louvre et lagrandissement du musée, lInstitut
du monde arabe, lOpéra-Bastille qui sera
inauguré pendant la célébration du bicentenaire de la Révolution
française en 1989, la Cité de la musique et le parc
de la Villette, lArche de la Défense, la
Bibliothèque Nationale de France. Toutes ces réalisations
ont profondément changé la physionomie de Paris. En guise de
conclusion, nous pourrions reprendre un jugement dAlain
Duhamel sur le Président Mitterrand : Le propos peut
sembler bizarre, voire paradoxal, alors quavec la fin du
second mandat de François Mitterrand, rarement république aura
eu un président au style aussi monarchique que la France daujourdhui.
François Mitterrand aura passé quatorze années de suite au
palais de lElysée. Aucun chef de lEtat français nétait
resté aussi longtemps en place depuis Napoléon III. Aucun président
[...] na bénéficié dun tel double septennat intégral,
Quatorze ans de présidence - quatre législatures -, cela sappelle
une durée quasi royale. [..] François Mitterrand aura
personnifié ce précédent absolu que fut lélection dun
candidat de gauche à la tête de lEtat et au suffrage
universel direct (Alain Duhamel, La politique
imaginaire) .
VII. LA RÉPUBLIQUE
CHIRAQUIENNE
VII.a. Une
campagne à rebondissements.
Lélection présidentielle de 1995 est dominée par une
situation insolite : dabord, la droite présente deux
candidats gaullistes : Jacques Chirac et le Premier
ministre sortant Edouard Balladur. En effet, celui-ci
apparaît tout de suite comme le candidat idéal puisquil
jouit dune certaine popularité, malgré les difficultés
rencontrées par certaines de ses initiatives et les affaires
sur son gouvernement. Face à la popularité triomphante du chef
du gouvernement, Chirac, maire de Paris, met en place une
nouvelle stratégie. Il publie Une nouvelle France, livre-programme
qui marque un net changement dorientation envers les problèmes
sociaux et surtout la lutte contre lexclusion.
La gauche qui semble anéantie croit pendant un certain temps
pouvoir compter sur la candidature Jacques Delors.
Les autres formations politiques se préparent elles aussi à la
grande échéance. Le Front national a déjà son
candidat : Jean-Marie Le Pen dont les thèmes favoris sont
limmigration et linsécurité. Le parti communiste
présente comme candidat son nouveau leader, Robert Hue.
Quant à Philippe de Villiers, ancien député (PR-UDF) de
la Vendée et fondateur du mouvement Combat pour les
valeurs, (ce mouvement se base sur huit vérités
formulées dans une charte, inspirée par le catholicisme
national), il annonce quil se présentera en créant un
nouveau mouvement, le Mouvement pour la France.
En décembre 1994, invité à une émission Sept sur sept,
Delors annonce quil ne sera pas candidat à lélection
présidentielle; à gauche, cest la consternation. Selon
lui, il ny a pas dans limmédiat les conditions
politiques nécessaires aux réformes quil entend
entreprendre, et ce serait tromper les Français, que de vouloir
sengager dans la campagne avec le soutien du seul parti
socialiste. Chirac reprend espoir même si les sondages lui sont
défavorables. Il continue à centrer son programme sur le
domaine social, lexclusion, et tente ainsi de renouer avec
un vieux courant du gaullisme. Lopération vise
à frapper lélectorat du centre et de la
gauche pour mieux se démarquer de limmobilisme de Balladur.
Il ajoute un autre thème à sa campagne, la coupure qui existe
entre les élites et le pays, coupure qui saccompagne dune
dénonciation de la pensée unique qui règne
dans les ministères et du poids excessif de la technostructure
dans le processus de décision. Les électeurs traditionnels
de Chirac, sont surpris dentendre un énarque (ancien
élève de lÉcole Nationale dAdministration) entouré
dénarques, dénoncer les élites et la technostructure,
et partir en guerre contre la France favorisée et privilégiée.
Jacques Chirac sengage donc, à traiter directement, comme
le faisait De Gaulle, avec les responsables des administrations
pour mieux valoriser leurs rôles.
Au moment où souvre la campagne, les choses ont bien changé.
Chirac est en tête des sondages, le PS a trouvé un
remplaçant à Delors, en la personne de Lionel Jospin.
Les résultats du premier tour ressemblent à la campagne électorale
pleine de rebondissements et créent la surprise. Contrairement
à toute attente, cest Lionel Jospin qui est en tête,
(23%) suivi de Chirac (21%) et de Balladur,(18%) Le Pen marque (15%),
le PC (8%). Les électeurs communistes et écologistes
soutiendront Jospin au second tour. Quant à la droite, elle
refuse de rechercher lappui des voix du Front National,
Edouard Balladur accepte de se désister en faveur de Jacques
Chirac. Le mardi 2 mai, Chirac et Jospin saffrontent à la
télévision, le ton est courtois et la discussion ne départage
pas les deux hommes, Jospin apparaît sympathique et sincère,
Chirac calme et résolu. On a beaucoup ironisé sur ce débat
dénarques qui na plus grand chose de commun
avec les vieux débats politiques.
Au second tour, labstention atteint 20%, Chirac lemporte
avec 52% des voix contre 47% de Jospin. Le résultat est vu
surtout comme un succès du mouvement gaulliste qui retrouve
enfin la fonction suprême après 21 ans.
VII.b. Le
gouvernement Juppé.
Jacques Chirac choisit comme Premier ministre Alain Juppé,
mais ne dissout pas lAssemblée nationale
pour empêcher quil y ait une restructuration de la majorité.
Dès les premiers mois, il commence ses principales réformes.
La réforme de
la Constitution (août 1995) vise à renforcer les droits
du Parlement (session unique de neuf mois, extension de linviolabilité
des parlementaires pour les mesures privatives ou restrictives de
liberté, partage de lordre du jour avec le gouvernement).
La réforme de la Contitution touche aussi larticle 11 sur le
référendum, en effet celui-ci est élargi aux questions économiques
et sociales.
La réforme des
armées. Après avoir repris, malgré les protestations
internationales et le boycottage des produits français dans le
monde, les essais nucléaires qui avaient été
interrompus en 1992, le président de la République annonce la
suppression du service militaire, la professionnalisation
des armées ainsi que la restructuration des industries
darmement. Cette réforme est la plus importante dans
le domaine de la défense depuis que De Gaulle avait décidé de
doter la France dune force de frappe nucléaire.
Vers la fin de 1995, le malaise social sexprime à
nouveau. le secteur public et les étudiants manifestent en
novembre et décembre, cette crise sociale saggrave après
la présentation par le gouvernement de la réforme de la Sécurité
Sociale et du régime des retraites. Ce qui inquiète le plus
les Français, cest de voir leurs acquis sociaux remis en
cause. Ces mouvements de grève et de revendication relèvent
aussi de lambiguïté de la campagne du chef de lEtat
et de son programme social. De plus, la politique que mène le
nouveau gouvernement savère être la même que celle de
son prédécesseur. Six mois après son élection, Jacques
Chirac remanie son gouvernement, on sattend ainsi à la
nomination dun nouveau Premier ministre. En fait, cest
un Juppé-bis qui réapparaît sur la scène politique.
VII.c. Les
législatives : un scrutin boomerang.
Pendant lannée 1996, la crise sociale ne fait que se
confirmer, cest surtout la réforme de la Sécurité
sociale qui inquiète le plus les Français. Le 21 avril 1997, le
président de la République annonce son intention de
dissoudre lAssemblée nationale (dont léchéance
est fixée en 1998) pour pouvoir avoir une majorité plus fiable
qui lui permette de faire appliquer ses projets de réforme. Il
demande donc aux Français dexprimer clairement
leur adhésion à son action pour engager ses
réformes quil estime nécessaires et pour aborder les échéances
européennes et internationales à venir. Pour cela, il doit
pouvoir compter sur le soutien du pays. Les urnes ne lui
apporteront ni lune ni lautre.
Journaliste du Nouvel Observateur, R.Schneider donne une
analyse intéressante de la dissolution de lAssemblée
nationale. Selon lui, Jacques Chirac a joué son septennat à
quitte ou double, moins de deux ans après son élection
à lElysée, il tente une opération fort risquée, et commet
plusieurs erreurs en annonçant la dissolution. La
première consiste à sous-estimer son adversaire.
Les sondages réalisés quelques mois avant, donnent la gauche
comme particulièrement affaiblie. Le Président en conclut que
le PS ne sera pas dangereux. La deuxième erreur, est que le chef
de lEtat a mal apprécié lenjeu; en
appelant le pays aux élections, il prend le risque de conférer
à ces élections un caractère référendaire, dans la
pure tradition gaulliste. Pour ou contre le Président et sa
politique menée depuis 2 ans? Certes cette élection législative
nest pas un référendum, mais un choix entre deux camps et
deux projets de gouvernement. La troisième erreur, est que
Jacques Chirac na pas su expliquer les raisons de cette
dissolution. Après avoir affirmé en juillet 1995, que seule
une crise grave peut justifier une dissolution, il est difficile
dexpliquer quil ny a pas de crise, quil na
pas changé davis mais que néanmoins la dissolution simpose.
En fait, si la fracture sociale avait été partiellement résorbée,
les déficits mieux jugulés, si le chômage avait baissé, bref
si le pouvoir chiraquien avait gardé la confiance de lopinion,
Chirac naurait pas précipité les élections.
VII.d. La
nouvelle cohabitation.
Le 2 juin 1997, la gauche est gagnante, Jacques Chirac qui
est contraint à choisir un nouveau Premier ministre
dans la nouvelle majorité, désigne Lionel Jospin, son
ancien antagoniste, deux ans auparavant lors des élections présidentielles.
Pour la première fois, cest la droite qui doit
cohabiter avec un gouvernement de gauche.
Jospin décide de mettre en place des super- ministères.
Lun des plus puissants est le ministère des finances,
confié à Dominique Strauss-Kahn. Celui-ci est ministre de léconomie,
des finances et de lindustrie, il a quatre secrétaires dEtat
qui travaillent sous sa tutelle : le commerce extérieur, le
budget, les PME (les petites et moyennes entreprises), le
commerce, lartisanat et lindustrie.
Lautre super-ministère, celui de lemploi et de la
solidarité est confié à Martine Aubry, le n° 2 du
gouvernement, qui se retrouve à la tête dun véritable
continent. Travail, emploi et formation
professionnelle sont sous sa responsabilité. Santé, retraites,
politique de la famille et action sociale dépendent également delle.
En plus, elle a la charge des secteurs de lintégration, de
la lutte contre lexclusion et de la ville.
Lautre grand pôle, lun des plus difficiles à gérer,
celui de léducation nationale, de la recherche
et de la technologie est aux mains de Claude Allègre. Celui-ci
a tout de suite affirmé que son secteur doit être protégé des
coupes budgétaires. Si luniversité et la recherche
demeurent ses priorités, il décide aussi dengager ce quil
définit la bataille de lintelligence.
Il fait tout de suite savoir ce quil pense des programmes
scolaires trop lourds, de lhégémonie des mathématiques,
des enseignants et de leur rôle, de la place de léducation
dans les quartiers difficiles. Il nignore pas non plus lurgence
des problèmes : la situation des maîtres auxiliaires, les
fermetures des classes. Lenjeu est de taille surtout quand
on connaît les attentes, les espoirs des enseignants et des élèves-étudiants.
Lenvironnement (autre ministère à gestion
dangereuse) et laménagement du territoire
sont désormais ensemble. Les deux ministères vont être amenés
à travailler en tandem même sils ne sont pas à égalité
de budget.
Avec le ministère de la défense et celui des affaires étrangères
on marche sur un terrain miné, puisquon touche à lun
des secteurs de ce quil est convenu dappeler le
domaine partagé avec le chef de lÉtat
qui est le chef des armées selon la Constitution. La gauche a
fait savoir quelle ne remettra pas en question la réforme
du service militaire, les autres dossiers qui attendent une
solution, serviront de test à la cohabitation, ils sont dailleurs
de taille : la restructuration des industries de défense, lOTAN
et la défense européenne.
Le ministère de la justice passe aux mains dElisabeth
Guigou qui a lintention dentreprendre une réforme denvergure.
Cest Jean-Pierre Chevènement (à qui lon doit la
dernière loi sur limmigration, ) qui devient ministre
de lintérieur.
Noublions pas non plus les ministères de la jeunesse et
des sports et celui de léquipement,
des transports et du logement, confiés à des communistes,
celui de la culture et de la communication encore confié
à une femme Catherine Trautmann, qui est aussi le porte parole
du gouvernement. Lagriculture et la pêche sont dans les
mains dun spécialiste, Louis Le Pensec.
Cette nouvelle organisation ne veut pas dire que Jospin compte se
décharger totalement sur ses super-ministres ou se désintéresser
de certains domaines. Au contraire, il entend sentourer dune
cellule de réflexion composée dexperts
qui ne sont pas tous issus de la haute fonction publique ou du
monde politique. Cette équipe collabore directement et
continuellement avec le Premier ministre.
La cohabitation que vit la France depuis 1997, ne sinscrit
pas dans les modèles des deux cohabitations précédentes. Une
cohabitation qui doit durer 5 ans, laisse prévoir des mutations
importantes. Chirac sait par expérience, quun chef de lÉtat
sans majorité devient suivant lexpression de Marguerite
Duras, un président clandestin. Toute cohabitation
est par nature une confrontation dont le peuple est le juge.
Derrière la courtoisie et la civilité des formes, se déroule
un combat dont lenjeu est le pouvoir. Désormais, on peut
se demander comment ce pouvoir sera partagé. Il est vrai que les
cohabitations de 1986 et de 1993, ont dune certaine façon
fixé les règles, mais celle de 1997 est bien différente. Dabord
par sa durée, elle ne se présente plus comme une exception mais
bien comme une norme du septennat. La cohabitation peut être
institutionnellement intéressante et bien supportée, quand se
profilent à lhorizon, les élections présidentielles.
Mais lorsque cette perspective est loin, la cohabitation se présente
comme une pathologie des institutions, puisquelle
remet en question la prééminence du président de la République,
principe fondamental de la Ve République. Affaibli
politiquement, le Président doit appliquer à la lettre la
Constitution. Le risque pour lui, est de se présenter pendant 5
ans, aux yeux des Français, comme le Président qui accompagne
le gouvernement de gauche et les transformations quil
conduit. En 1986, Chirac, alors chef du gouvernement de la première
cohabitation, ironisait volontiers sur lÉlysée devenu
selon lui : le palais de la Belle au bois dormant
et sur le rôle du Président Mitterrand, qui consistait désormais
à inaugurer les chrysanthèmes. Voilà
pourtant ce qui lattend, à moins que le Président
estimant, que le principe de la Ve République doit être
préservé avec un pouvoir présidentiel fort, provoque une crise
institutionnelle, au premier prétexte venu; en démissionnant ou
en réformant la durée du mandat présidentiel réduit à 5 ans
et donc ramené à la durée dune législature. A ce moment-là,
la prééminence présidentielle pourrait recouvrer ses droits.
Mais comme le constate Robert Badinter, ancien ministre de la
Justice de François Mitterrand, dans Le Nouvel Observateur
de juin 1997, Il faudra bien que les vues de Lionel
Jospin, qui ont été approuvées par la majorité du pays, sinscrivent
dans les propos et les actes du président de la République
[...] La cohabitation est toujours une épreuve de force
politique. Elle est aussi, pour les protagonistes, épreuve de
sagesse. Au regard de lintérêt national, ne doutons point
que celle- ci lemportera
VII.e. En
guise de conclusion.
Lannée 1998 se termine pour la France sur un
excellent bilan: une activité forte, une inflation nulle, des créations
demplois, des déficits publics en diminution. Le
gouvernement de Lionel Jospin a poursuivi depuis son arrivée au
pouvoir des politiques prudentes de réformes, mais qui ont porté
leurs fruits. 1998 restera comme lune des meilleures de la
décennie 90. La croissance a été robuste et a contribué à
des créations demplois (350000 au total donc 15000 emplois
jeunes). Avec le recul du chômage, la croissance a aussi permis
un redressement des comptes publics, (Etat, sécurité sociale et
collectivités locales). Le Premier ministre a engagé la
privatisation de plusieurs entreprises publiques et amorcé des réformes
des fiscalités locales, économiques et du patrimoine. Même les
35 heures, ce projet qui avait provoqué en 1997 la colère des
patrons, finissent par être acceptées par les entreprises. En
revanche, le gouvernement a eu beaucoup plus de mal pour faire
passer les réformes en matières de justice, dimmigration
ou déducation. Les syndicats des enseignants, les lycéens
sopposent aux différents projets de leur ministre: Claude
Allègre.
Lionel Jospin bénéficie depuis juin 1997, dun
environnement politique favorable, ce dont témoigne une cote de
popularité toujours élevée, malgré les tiraillements
au sein de la gauche plurielle; mais aussi grâce à
la faiblesse de lopposition, due aux divisions internes qui
laffectent. Déjà assommée aux élections législatives
de 1997, la droite subit en mars 1998 un nouvel échec cuisant
aux régionales. De plus, elle doit faire face au redoutable
dilemme de lalliance avec le Front National, mais avec léclatement
du FN en fin dannée, elle croit voir enfin lannonce
dune éclaircie. Enfin, avec la victoire au
Mondial, lannée 1998 aura donc été une bonne année
(daprès des articles du Monde).
VIII. LA
POLITIQUE ETRANGERE
VIII.a. Introduction
Toute ma vie, écrivait De Gaulle dans ses Mémoires
de guerre, je me suis fait une certaine idée de la
France. [...] Le côté positif de mon esprit me convainc que la
France nest réellement elle-même quau
premier rang.
Ancienne puissance coloniale qui possédait le deuxième Empire
après lAngleterre, la France nest plus, depuis 1945,
quune puissance moyenne. Comment peut-elle être au premier
rang comme le souhaite le président de la Ve République?
Daprès la Constitution, la politique étrangère de la Ve
République est rattachée à laction du président
de la République. En effet, si celui-ci est par larticle
5, le garant de lindépendance nationale et de lintégrité
du territoire, larticle 15, lui donne les moyens de les
garantir, en faisant de lui le chef des armées et de la défense,
(à partir de 1964, cest lui seul qui détient la clé du
nucléaire); enfin, larticle 52 lui permet de négocier et
de ratifier les traités.
VIII.b. Les
principes gaulliens de la politique étrangère.
Dès larmistice de juin 1940, De Gaulle refuse et soppose
au pouvoir de Vichy, mais il se heurte aussi aux alliés. A la
Libération, pour préserver la souveraineté de la France, il
rejette lAMGOT (Allied Military Administration for Occuped
Territories), prévue par les Américains en 1944 et qui aurait
fait de la France, un territoire administré comme les pays
vaincus. Son souci de garantir lindépendance à la France
se manifestera aussi contre la politique de Yalta en 1945 et
contre la pétrification des blocs qui donnent la
suprématie aux deux Grands. Pour De Gaulle, la permanence des
nations dépend du poids de leur histoire. Ce sont les
nations, chacune avec son âme et son corps bien à elle,
qui constituent en fin de compte les éléments irréductibles
et les ressorts indispensables de la vie universelle.
(Discours de Bucarest, 15 mai 1968). Donc, toute la politique étrangère
sera fondée sur le principe de lindépendance nationale;
elle sera aussi le domaine réservé du chef
de lEtat.
René Rémond, dans son livre, Notre siècle, introduit
par ces lignes, la présentation de la politique étrangère de
De Gaulle : Si le général De Gaulle était si
impatient de régler le problème de lAlgérie, quil
en passa par des concessions qui lui coûtèrent, cétait
assurément pour extirper un germe de dissension qui minait lunité
de la nation, mais tout autant pour recouvrer une liberté daction
en Europe et dans le monde quhypothéquait la poursuite de
la guerre sur lautre rive de la Méditerranée. De Gaulle navait
jamais varié dans la hiérarchie de ses objectifs : la
politique extérieure primait lintérieure Aussi
faisait-elle partie des compétences propres du chef de lEtat
: efficacement secondé par un ministre des affaires
étrangères inamovible de juin 1958 à
juillet 1968, Maurice Couve de Murville, en qui il trouva un
exécutant loyal en même temps quune
personnalité capable dinitiative. Le général
De Gaulle dirigea personnellement la
conduite de la politique étrangère de la France
pendant toute la durée de son principat et lui imprima des
orientations irréversibles.
Ces orientations irréversibles peuvent se diviser en
cinq grands points :
1) Laffirmation de lindépendance nationale.
2) Les rapports avec lEurope.
3) Les relations avec les USA.
4) Louverture vers le bloc soviétique.
5) Les rapports avec le Tiers Monde
b.1. Laffirmation
de lindépendance nationale
Elle se fait daprès De Gaulle par la détermination
dune politique moderne de la défense. Malgré lalliance
atlantique, il est convaincu que la France doit posséder son armée
à elle, pourvue dun armement atomique pour être prête à
agir à tout moment. Lépisode de Suez en 1956 a eu un
impact important sur les partisans du nucléaire en France. En
effet, à la suite de lintervention franco-britannique à
Suez, lURSS menace les deux pays demployer ses armes
atomiques; Paris et Londres sollicitent lappui diplomatique
des USA qui rejettent la demande. La garantie daide américaine
à légard des pays membres de lOTAN nétait
donc pas sûre et la politique extérieure de ces pays était
complètement soumise à celle des Etats-Unis. Dès son retour au
pouvoir, De Gaulle appuie et soutient lentreprise nucléaire,
refusant le parapluie atomique américain.
Pour lui, larme atomique est un instrument prioritaire de
la politique française, elle est lexpression de sa
politique dindépendance nationale. Dans un de ses discours,
De Gaulle rétorque aux journalistes qui lui font remarquer que larmement
français est dérisoire et coûteux: [...] sans doute
les mégatomes que nous pourrions lancer négaleraient
pas en nombre celles quAméricains et Russes sont en mesure
de déchaîner, mais à partir dune certaine capacité nucléaire
[...] la proportion des moyens respectifs na plus de
valeur. (Conférence de presse du 23 juillet 1964).
Cette politique est loin dêtre approuvée par les partis
et lopinion publique, qui en critiquent le coût. La presse
ironise volontiers sur ce quelle appelle la bombinette
trop chère pour le budget de lEtat.
A son arrivée au pouvoir en 1969, Georges Pompidou
maintient lessentiel de lhéritage gaulliste aussi
bien pour les institutions que pour la politique étrangère. Il
ny a en effet aucun changement remarquable des orientations
définies par De Gaulle. La politique de défense est toujours
inspirée par la stratégie de dissuasion nucléaire (mise au
point de la bombe à hydrogène et construction des premiers sous-marins
nucléaires).
Malgré le changement de style du président Giscard dEstaing,
sa politique étrangère sinscrit aussi dans la continuité
de ses prédécesseurs; surtout en matière de défense, la
politique de VGE ne varie pas. Il est plus que jamais persuadé
de se maintenir en dehors de tout système qui priverait la
France de la maîtrise de sa sécurité.
Parvenant au pouvoir après de longues années dopposition,
François Mitterrand hérite dinstitutions où la
fonction présidentielle sincarne précisément dans la
politique étrangère et de défense. Dans ce domaine, à linverse
de la politique intérieure, la continuité va prévaloir.
Mitterrand déclare le 14 juillet 1983: Tout ce qui
touche à lindépendance nationale et à lintégrité
du territoire ne se décide ni à Moscou, ni à Washington, ni à
Genève. Cela se décide à Paris et par moi-même.
Limportance accordée à la diplomatie et à la défense nest
pas simplement la conséquence de prérogatives institutionnelles,
François Mitterrand considère que son action sera dabord
jugée à partir de sa politique étrangère sans laquelle un
pays ne serait pas un grand pays. Il
maintient rigoureusement la stratégie de la dissuasion nucléaire
indépendante, mais soutient aussi de façon spectaculaire et
un peu déconcertante, le déploiement des euromissiles américains
en Europe occidentale, rompant avec la réserve de ses prédécesseurs.
En effet, la France continue à refuser limplantation de
bases américaines sur son sol tout en intervenant positivement
en faveur de leur déploiement dans les autres pays. Cette
position semble inscrire la France à lintérieur de
léquilibre des forces nucléaires de lOTAN, alors
que toute sa politique vise à conserver lautonomie de sa
propre force de frappe.
En 1995, le président Jacques Chirac se veut le
continuateur privilégié de la politique dindépendance
commencée par De Gaulle. Aussitôt élu, il décide de
reprendre les essais nucléaires, interrompus par
Mitterrand en 1992, pour une brève campagne avant la
signature du Traité dinterdiction en 1996.
b.2. Les
rapports avec lEurope.
Pendant la guerre, De Gaulle pense quune paix
durable ne peut senvisager que par le rapprochement des
Etats européens. Malheureusement lexpérience montre quune
centralisation arbitraire provoque toujours par choc en
retour, la virulence des nationalités (De Gaulle, Mémoires
despoir). Pour lui, la construction européenne doit se
faire dans le respect des faits nationaux. Jentends,
affirme-t-il dans un discours, en juin 1947, une Europe formée
dhommes libres et dÉtats indépendants,
organisée en un tout susceptible de contenir toute prétention
éventuelle à lhégémonie et détablir entre les
deux masses rivales lélément déquilibre dont la
paix ne se passera pas. De Gaulle entend concilier lindépendance
des États et la construction dune Europe européenne. Dans
une conférence de presse le 15 mai 1962, il définit sa
politique européenne; ses idées sont claires: il rejette
fondamentalement le principe de la supranationalité,
affirmant encore une fois que la seule Europe possible
est celle des États, mais il accepte lidée dune
intégration économique. Le plan Fouchet substitue à lidée
des États-Unis dEurope, le concept dune
Union des Etats, dans le respect de la
souveraineté de chacun. La France pose également le principe de
lunanimité daccord pour les institutions de la CEE: le
droit de véto est fondé.
De Gaulle signe avec le chancelier allemand Adenauer, le 22
janvier 1963, le traité franco-allemand pour créer
de belles et bonnes alliances. En fait, son
ambition est de constituer une Europe autour de la France pour sopposer
à la puissance américaine. Autrement dit, il naccepte ni
lintégration politique de lEurope, ni la dépendance
de lEurope dans lorganisation militaire de lAlliance
Atlantique.
La France avait accepté le 25 mars 1957, le Traité de Rome
qui donnait naissance à la Communauté Economique Européenne,
De Gaulle accepte de respecter lengagement pris par la IVe
République: A peine revenu au pouvoir,
remarque un peu ironiquement R. Rémond dans son ouvrage,
Notre siècle, il presse lentrée en
vigueur des dispositions du Traité de Rome et anticipe sur les
échéances prévues pour labaissement des barrières
douanières. Il pèse de tout son poids en faveur dune
politique agricole commune qui a lavantage dassurer
aux agriculteurs français des débouchés rémunérateurs et de
les protéger contre la concurrence des producteurs extérieurs
au Marché Commun, il ira jusquà agiter la menace dun
retrait pour renforcer sur ce terrain la Communauté.
Mais il nhésite pas à sopposer énergiquement à lentrée
de la Grande Bretagne dans la CEE, car il la voit comme le
cheval de Troie des intérêts américains,
toujours prête à privilégier ses relations avec les USA. Cette
orientation de la politique étrangère divise lopinion et
seuls les gaullistes lapprouvent inconditionnellement ainsi
que le PC qui se félicite de louverture vers lEst et
du refroidissement vers lOuest. Toutes les autres forces
politiques marquent des réserves ou sopposent ouvertement.
On a le sentiment de voir pratiquer une politique anachronique et
surtout nationaliste.
En 1969, lors de la conférence de La Haye, le nouveau président
de la République Georges Pompidou précise laxe de
sa politique étrangère fondée sur lachèvement de la PAC,
(Politique Agricole Commune), lapprofondissement des liens
politiques et économiques et lélargissement de lEurope
à dautres Etats. Il ne recule pas devant lidée dune
confédération à long terme, avec un gouvernement supranational.
[...] LEurope, précise-t-il dans une conférence
de presse de 1971, est possible et nécessaire. [...] Mais
quelle Europe? [...] Il ne peut sagir que de
construire à partir de ce qui existe une confédération dEtats
décidés à harmoniser leur politique et à intégrer leur économie,
et si on le prend ainsi, on saperçoit que la
question de la supranationalité est une fausse querelle. Si un
jour, la confédération européenne est une réalité, il faudra
bien quil y ait un gouvernement dont les décisions simposent
à tous les Etats qui en sont membres. Cest
toujours à La Haye, que les chefs dEtat ou de gouvernement
de lEurope des six prennent la décision délargir le
Marché Commun, la France levant son véto à lentrée
de la Grande Bretagne. Ce changement de la politique française répond
sans doute au désir de rééquilibrer par le rapprochement
franco-britannique, lentente exclusive avec lAllemagne
dont louverture vers lEst commence à inquiéter la
France. Pompidou maintient toutefois la règle de lunanimité
de laccord quant aux décisions prises ou à prendre. En
janvier 1970, un règlement agricole définitif achève la
construction de lEurope verte. Désormais le président
Pompidou va en priorité sefforcer de réaliser lunion
monétaire européenne, pour rendre plus solidaires entre elles
les économies des Etats membres. En 1973, lEurope sest
agrandie, outre la Grande Gretagne, de lIrlande, du
Danemark et de la Norvège. Dans la continuité de son prédécesseur,
Pompidou tient à ce que lEurope garde une identité propre
face aux deux grandes puissances: Je ne dis pas : se
coupe, je dis : se distingue de lAmérique
(Conférence de presse de mai 1971).
Valéry Giscard dEstaing veut donner de la France une
image moins arrogante. Il souhaite faire partager aux Français
sa conception mondialiste et veut dépassionner
les relations internationales. Pour lui la concertation doit
remplacer la confrontation. Sous son septennat, la construction
européenne franchit trois pas importants: la création et les
réunions trisannuelles du Conseil européen (1974)
devant harmoniser les politiques des différents Etats; lélection
du Parlement européen au suffrage universel et linstitution
dun système monétaire européen (SME). Ce système
représente une étape essentielle dans la voie de létablissement
dune union monétaire entre les Etats membres de la
Communauté car il stabilise les relations de change entre les
monnaies. Il renforce aussi lindépendance de ces monnaies
par rapport au dollar, désormais, lunité de référence
devient lECU (european currency unit). La CEE sélargit
vers lEurope méditerranéenne avec lentrée de la Grèce
et entame des négociations avec lEspagne et le Portugal.
François Mitterrand accorde une grande importance à la
construction européenne, mais on ne constatera pas de rupture
manifeste avec la politique de Pompidou et de Giscard dEstaing.
De plus, daprès Arnaud Teyssier dans son ouvrage La Ve
République, il est un point sur lequel il est même en
parfaite harmonie avec le général De Gaulle: la politique
étrangère, quil considère comme étant directement liée
à la politique intérieure, est en effet pour lui un
instrument de politique intérieure; cest pour cela que la
construction européenne deviendra le thème fort de sa politique,
surtout quand ses choix économiques ne seront plus incompatibles
avec ceux de lEurope ou bien quand elle devra colmater les
désillusions idéologiques de son parti et de son électorat.
LEurope est alors une des priorités du président de la République.
Il tient à relancer la construction européenne
par plusieurs initiatives qui contribuent à ladoption
par les 12 pays membres dun Acte unique (17 février
1986) prévoyant la constitution dun marché unifié
où circuleraient et séchangeraient sans
entraves, les marchandises, les capitaux et les services. En
même temps, lActe unique européen institutionnalise la
coopération politique entre les Etats membres de la Communauté
et le Conseil européen comprenant leurs chefs dEtat
et de gouvernement. Cet acte est ratifié par le Parlement français
en novembre 1986. Mais lEurope sera la grande affaire du
second septennat. En 1990, la convention de Schengen
établit la libre circulation des personnes à lintérieur
de la CEE. En 1991, les Douze réunis à Maastricht
approuvent un traité sur lunion politique et sur lunion
économique et monétaire. Le 20 septembre 1992, le référendum
de ratification donne la victoire aux oui avec une faible majorité:
51%. La construction européenne sest appuyée sur laxe
franco-allemand; le couple Mitterrand-Kohl développe la coopération
entre les deux pays. La création en 1988 dune brigade
franco-allemande et le défilé sur les Champs Elysées, le 14
juillet 1994, de lEurocorps sont les signes les plus
marquants de cette entente.
Le Président Chirac, dès le début de son mandat en
1995, insiste sur la volonté de respecter les critères de
convergence pour la monnaie unique et le gouvernement Juppé mène
une politique économique pour réduire les déficits publics en
vue de léchéance de 1999. Il est favorable à lélargissement
de la CE aux pays de lEst. On assiste donc à un changement
important de la politique européenne des gaullistes: la
tentation nationaliste na pas entravé la marche vers lUnion
Européenne si éloignée des idées de De Gaulle.
A partir de 1997, la cohabitation de Jospin avec Chirac
impose un consensus entre le Président et son gouvernement. Elle
interdit donc de sécarter des grandes options, des choix
fondamentaux. Le gouvernement peut cependant apporter sa marque.
Lionel Jospin estime en effet, que les fameux critères de
convergence imposés pour le passage à la monnaie unique
doivent être appréciés en tendance et non dune
manière dogmatique, pour permettre à des pays plus faibles de
pouvoir faire partie du premier peloton. Du Traité
de Rome à celui de Maastricht, lEurope a fait du chemin et
a transformé de plus en plus la vie économique, politique mais
aussi et surtout constitutionnelle de la Ve République.
Pour pouvoir sadapter à la Constitution, le Traité de
Maastricht en 1992 impose une révision de certains articles
concernant les rapports avec lEurope. En 1997,
le Traité dAmsterdam signé par Chirac et Jospin
impose lui aussi un autre ajustement du texte constitutionnel car
ce Traité contient des dispositions jugées contraires à
certains articles de la Constitution, surtout pour tout ce qui
concerne la libre circulation des personnes (immigration, droit dasile,
franchissement des frontières).
b.3. Les
Relations avec les USA.
La longue controverse franco-américaine commence aussitôt après
le retour de De Gaulle au pouvoir. Le général entendait être
associé aux décisions prises par ses deux alliés anglo-saxons.
Il sagissait détablir une espèce de directoire
entre les Etats-Unis et ses alliés pour partager les décisions
et les responsabilités mondiales qui étaient restées jusquà
présent de la compétence américaine. De Gaulle voulait placer
les Américains devant un dilemme : ou bien ils acceptaient de
bouleverser le système de défense atlantique, ou bien la France
se retirerait, mais en 1962, les USA proposent une réforme de lAlliance
complètement opposée à celle de la politique française. LOTAN
devenait une force multinationale liée encore plus étroitement
aux USA, vu que tout son armement dépendrait des fournitures américaines.
En janvier 1963, De Gaulle rejette les offres américaines,
marquant ainsi sa volonté dassurer lindépendance de
linstrument militaire français. La signification de ce
refus ne fait aucun doute, si De Gaulle aspire à avoir une
politique militaire indépendante, cest quil
entend poursuivre une politique étrangère indépendante.
Ce refus met en cause tout le système qui prévaut depuis la
naissance de lOrganisation atlantique, il traduit aussi la
direction de la nouvelle politique étrangère de la France.
Celle-ci, désormais, dès quelle le jurera nécessaire à
ses intérêts ou à une politique déquilibre garantissant
la paix mondiale, sopposera catégoriquement à la
politique américaine. En mars 1966, cest le retrait de
lOTAN. Les Accords Ailleret-Lemnitzer en 1967,
définissent les relations entre la France et lOTAN: la
participation de la France aux opérations OTAN nest plus
automatique et le volume des forces engagées sera sous
commandement national.
La contestation française de lhégémonie américaine sera
virulente. Nombreuses sont les occasions pour De Gaulle de
critiquer les interventions américaines, surtout au Viet-nam.
Dans son discours de Phnom Penh, lors dun voyage au
Cambodge, il dénonce violemment les responsabilités américaines
et réclame le retrait de leurs forces comme condition nécessaire
à la paix. Le premier mai 1968, Paris est choisi
comme lieu de conférence de paix sur le Viet-nam.
De Gaulle conteste aussi le système monétaire international
construit autour de létalon-dollar de change. Grâce à ce
système, le déficit de la balance américaine des paiements est
en effet financé par les créanciers des Etats-Unis, puisque de
nombreux pays acceptaient de conserver lexédent de leur
balance des paiements en dollars placés directement aux USA ou
sur le marché de leuro-dollar.
La politique des successeurs de De Gaulle marque aussi dans ce
domaine une certaine continuité, même si la nécessité de lAlliance
Atlantique est réaffirmée. De 1969 à 1996, toute modification
des relations de la France avec lOTAN est liée au principe
des mains libres. Avec la fin de la guerre froide, le
but initial de lOrganisation nest plus aussi net. François
Mitterrand améliorera les rapports avec les USA. Malgré
cela, la politique française continuera à sopposer aux
interventions américaines directes ou indirectes.
Devenu Président, Jacques Chirac entend lui aussi éviter
lisolement de la France, il désire donc la rendre plus présente
et active au sein de lAlliance et consolider son rôle de
grande puissance aux côtés des Etats-Unis, de la
Grande Bretagne, de lAllemagne, pour faire apparaître un pôle
européen de défense. Ainsi Chirac est prêt à rompre avec la
politique antérieure en proposant un retour de la France dans le
commandement intégré à la condition quun commandement en
Europe soit confié aux Européens, ce que les Américains
refusent jusquà présent.
b.4. Louverture
vers le bloc communiste.
Dans une conférence de presse en mars 1959, De Gaulle,
parlant de lavenir du bloc communiste, en prévoit
léclatement. Cette idée repose sur sa conviction du
caractère passager des idéologies et de la réalité permanente
des nations. Il pense que louverture vers les pays de lEst
doit se faire à partir de relations directes avec chaque
pays communiste. Il commence par une politique de
rapprochement avec lUnion Soviétique, qui se transformera
à partir de 1964 en une politique de détente, dentente et
de coopération. En 1968, pour la première fois, le commerce
franco-soviétique se fixe, la France devient le premier
fournisseur occidental déquipement à lURSS. En
rétablissant des relations directes avec lEst, De Gaulle
amorce le rapprochement limité mais systématique des deux moitiés
de lEurope qui pour lui va de lAtlantique
à lOural. Beaucoup de ces mesures pourraient
signifier un certain anti-américanisme, mais le propos de De
Gaulle, est surtout daffirmer par tous les moyens lindépendance
politique de la France. Ainsi la reconnaissance de la Chine
populaire par la France, arrive peu de temps après sa
rupture idéologique avec lURSS et au moment où Paris et
Moscou entretiennent de bons rapports. Cette politique diversifiée
avec les pays communistes se traduira encore par des liens
directs avec les pays satellites de lURSS: il se
rend en Pologne en 1967 et en Roumanie en 1968. Les contacts avec
les autres pays du bloc seront plus lents.
Avec les successeurs de De Gaulle, les relations avec lURSS
continuent à se renforcer, mais les présidents Pompidou et
Giscard dEstaing déclarent nettement que la France
appartient à lOuest. Cela nempêche pas Pompidou,
lors de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en
Europe (CSCE) de faire valoir le principe de la coopération
entre Etats en matière de sécurité. Les Accords dHelsinski
en 1974 affirment lintangibilité des frontières héritées
de la guerre et la libre circulation des hommes et des idées.
Avec Mitterrand, les contacts politiques et économiques
entre les pays de lEst et en particulier avec lURSS saffaiblissent
pour divers motifs. Le Président annonce quil ne reprendra
pas de relations avec lUnion Soviétique tant que celle-ci
persistera dans son intervention en Afghanistan, de plus, il
reproche aux Russes davoir une grosse responsabilité dans
la crise intérieure polonaise des années 80. Par contre, il soppose
ouvertement aux Américains qui voulaient empêcher la conclusion
dun contrat dachat de gaz soviétique et la
construction dun gazoduc entre la Sibérie et lEurope.
b.5. Les
rapports avec le Tiers Monde.
La logique de la politique étrangère française, favorable aux
indépendances et hostile à lhégémonie, la conduit à établir
des relations dun type nouveau avec lensemble
des pays en voie de développement : le monde arabe, les
anciennes colonies africaines et le reste du Tiers Monde.
Il est difficile pour la France dentretenir une politique
étrangère avec les pays arabes tant que la guerre dAlgérie
nest pas finie. Par la suite, elle réussira à
trouver dans ces pays des terrains daction privilégiés. La
France transforme ses rapports économiques, à la fin du
conflit algérien, par un système de coopération sous la forme
dune association qui sétend à chaque étape de lactivité
pétrolière, depuis la prospection jusquà la distribution,
ce qui instaure un nouveau rapport avec les pays producteurs de pétrole.
De Gaulle établit aussi des relations avec lEtat dIsraël,
convaincu que celui-ci est une réalité dont il faut désormais
tenir compte. En 1967, quand la guerre éclate entre Arabes et
Israéliens, il soppose fermement aux menaces proférées
contre lÉtat dIsraël mais condamne ce
dernier pour avoir déclenché les hostilités. Cette
attitude donne au chef de lÉtat français une immense
popularité dans beaucoup de pays arabes, mais elle va contre un
courant dopinions, notamment en France, où une grande
partie de la population soutient la cause dIsraël. Cest
un des moments les plus difficiles que doive affronter la
politique étrangère française, mais désormais la France
devient le principal interlocuteur européen des pays arabes et
le principal fournisseur du monde arabe!
La politique de coopération est un terrain privilégié de la
diplomatie gaullienne. Cest ainsi que le président bâtit
une grande politique africaine fondée sur des accords
essentiellement bilatéraux qui lui permettent de
prolonger la présence française dans les anciens territoires
coloniaux. Dès le début des années 60, il y a la création
dune structure communautaire francophone, non
seulement dans le domaine culturel mais aussi économique et
politique. Cette politique de coopération ne concerne pas que
les pays dAfrique mais sétend aussi dans dautres
pays du Tiers Monde. En 1964, De Gaulle entreprend un long périple
dans dix pays dAmérique du sud (zone réservée de
linfluence américaine). Ce voyage naura pas de
grandes retombées économiques mais il nen constitue pas
moins pour le Président, une nouvelle étape dans laffirmation
du prestige français. Dans leur livre, La France face au Sud,
J.Adda et MC. Smouts écrivent que : Débarrassé de lhypothèque
algérienne, fort dune décolonisation pacifique [...] il
pouvait espérer prolonger vers de plus vastes horizons une
politique dindépendance et de rééquilibrage des forces,
menée avec grande difficulté dans lespace occidental (échec
du projet du directoire atlantique, échec du plan Fouchet).
Avant dêtre considéré en lui-même, le Sud est
dabord le lieu où
lon exprime les deux axiomes au cur de limaginaire
national : la France est une puissance
mondiale parce que son message est universel, la France est une
puissance politique parce quelle est présente partout dans
le monde.
La politique étrangère de De Gaulle a pour objectifs de développer
le prestige et la puissance du pays, mais aussi de créer autour
du sentiment de grandeur, un nouveau sentiment
national qui doit permettre de dépasser les clivages habituels
de la politique française. Pour cela, il faut renforcer le
consensus autour dun État fort et actif, incarnant lintérêt
national dans un système stable.
G. Pompidou poursuit la politique de son prédécesseur en
marquant la position pro-arabe de la France dans le conflit du
Proche-Orient, (Pompidou, en 1970, réclamera la
reconnaissance des droits politiques pour les réfugiés
palestiniens), mais en conservant aussi des relations avec Israël.
Ce souci de défenseur du Tiers Monde se traduit aussi par la condamnation
de lintervention américaine dans le sud-est
asiatique, où les États-Unis viennent détendre le
conflit au Cambodge. Poursuite donc de la politique gaullienne de
prestige et dindépendance nationale à cette différence
que le pragmatisme et le sens de la mesure de Pompidou lui éviteront
les proclamations tumultueuses de De Gaulle et lui feront
conduire des actions plus en accord avec les moyens réels de la
France. Si les relations avec le Proche-Orient et les anciennes
colonies sont au beau fixe (la France renonce au remboursement dune
partie des dettes africaines), celles avec lAlgérie se
compliquent à cause du pétrole saharien, exploité
conjointement par le gouvernement algérien et les compagnies
françaises (rappelons que ces années sont celles du choc pétrolier).
Les deux pays rompent unilatéralement les négociations engagées
dès lindépendance. Alger nationalise le pétrole,
le dialogue entre dans une phase de gel.
.
Giscard dEstaing veut poursuivre à sa manière les
actions engagées par la diplomatie française. Il donne la priorité
aux problèmes Nord-Sud. Le Nord désignant les pays
industrialisés, le Sud les nations du Tiers-Monde, productrices
de matières premières. La nouveauté est la place faite et
reconnue désormais aux pays pauvres dans lorganisation
mondiale. Il souhaite un rééquilibrage du partenariat
Nord-Sud, qui permettrait la régulation du marché international,
livré trop souvent à lanarchie des prix des matières
premières, et fournirait par la relance, le moyen de sortir de
la crise. Les conférences internationales se multiplient, mais
la coopération Nord-Sud nira pas plus loin que des accords
ponctuels et ne résistera pas à la concurrence des grandes économies,
en particulier celles des USA, du Japon mais aussi de la CEE.
En revanche Giscard dEstaing poursuit avec dynamisme la
politique envers les pays arabes. Il réclame pour les
Palestiniens le droit à une patrie et à lautodétermination.
Il entreprend une série de voyages dont le premier est en Algérie,
il est le premier chef dEtat français à se rendre dans ce
pays depuis son indépendance. Le succès quil obtient est
fort compromis par la suite à cause du pétrole (la France réduit
lachat de pétrole algérien) et de la position du
gouvernement français dans laffaire du Sahara occidental (en
concurrence entre Algérie et Maroc).
La coopération avec les pays dAfrique se maintient et est
même renforcée par une série dinterventions militaires (au
Zaïre, au Tchad, au Centre Afrique) visant surtout à garantir
la protection les intérêts français.
F. Mitterrand continue la politique de coopération avec tous
les pays dAfrique noire francophone et avec les pays
du Maghreb. Il resserre les liens avec Israël et en
reconnaît lÉtat, mais il insiste aussi sur le droit
des Palestiniens à lautodétermination et à la formation
dun État. A la conférence Nord-Sud de Cancun,
la France met laccent sur ses préoccupations concernant le
Tiers Monde. En décembre 1981, Mitterrand se rend à Alger pour
renouer les liens avec lAlgérie et négocier un contrat de
gaz naturel à un prix supérieur au cours mondial, pour
favoriser les exportations françaises.
Quant au nouveau gouvernement Jospin, il propose une
coopération citoyenne et la définition dun
contrat nouveau de parténariat. Le ministère
de la Coopération disparaît au profit dune commission qui
présente un vaste programme: redéploiement de laide française,
encouragement à la démocratie, renégociation des accords de défense.
Le Premier ministre pense sappuyer sur une nouvelle génération
de cadres compétents afin de rompre avec les pratiques dantan,
la seule difficulté de ce programme, est quil risque de se
heurter aux réalités tangibles du continent africain. Le
gouvernement Jospin a cinq ans devant lui pour faire ses preuves.
Lavenir dira si la politique étrangère subira de grands
changements ou si elle continuera à suivre les tracés choisis
et imposés par De Gaulle. Remarquons que cette troisième
cohabitation est bien différente des deux premières, car elle
donne pour la première fois au Premier ministre plus de pouvoirs
dans la mesure où elle a été provoquée non pas par les élections
mais par la volonté du chef de lÉtat.
BIBLIOGRAPHIE
Jean-François
Sirinelli, Dictionnaire de la vie politique française au XX
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René
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Articles
du Monde, Libération, Le Point, LExpress, Le Nouvel
Observateur, LEvénement du Jeudi, Historia, Enquête sur lhistoire.