INTRODUCTION

 

Nous ne devons pas avoir honte de reconnaître la vérité et de la faire nôtre qu’elle qu’en soit la source, même si elle nous vient d’anciennes générations ou de peuples étrangers - Al Kindy (Xe siècle)

 

Le Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie), région d'Afrique du Nord à peuplement d'origine berbère, intéresse le monde depuis la plus haute Antiquité. C'est une terre de passage et de rencontres de nombreuses civilisations.

Les autochtones se sont toujours opposés aux envahisseurs. Si les conquérants (successivement Carthaginois, Romains, Vandales, Byzantins, Turcs et Français...), dont la présence a duré des siècles, ont laissé des traces, ils n'ont pas marqué très profondément la culture et la société indigènes. Seuls les Arabo-musulmans ont marqué un tournant irréversible dans l'histoire des Maghrébins.

Si l'arabisation est restée incomplète, l'islamisation, qui a commencé en 655 (nous utilisons par convention le calendrier occidental), s’est s'imposée. Le destin du Maghreb dépend aujourd'hui de l'Islam, conçu comme religion ou comme culture. Les Berbères, qui ont été d'abord païens, chrétiens et juifs, ont connu ainsi un changement identitaire. L'Islamité, puis l'Arabité, s'ajoutent à la Berbérité (ou Amazighité, du nom que les Berbères se donnent à eux-mêmes).

Annexé politiquement puis culturellement au monde arabo-musulman, le Maghreb (Occident) est influencé par tout ce qui se passe au Machreq (Orient). Au début de l'arabo-islamisation, les autochtones ne sont pas maîtres de leur situation. Par la suite, à travers leur propre conception de l'Islam, ils deviennent de facto  acteurs et responsables de leur existence socio-politique, tout en visant à préserver leur être et leur devenir.

L'aspect tridimensionnel de l'identité maghrébine se consolide dès le XIe siècle, qui marque un point de non-retour. Depuis, c’est l’Orient qui conditionne partiellement la société, la culture et la politique dans cette région du monde. Tandis que le passé glorieux, les lacérations socio-politiques, et une  certaine marginalisation historique du Maghreb jusqu'à nos jours, dépendent de la lecture et de l'instrumentalisation de l'Islam par les Maghrébins eux-mêmes.

Il faut donc commencer à relire l'histoire du Maghreb en situant l'Islam dans la dimension qui lui est propre, en tant que répertoire de valeurs et de "principes", de symboles et de règles. L'Islam en tant que tel n'est pour rien dans la "décadence" régionale. Ce sont surtout les interprétations manipulées de l'Islam qui ont terni son image et celle du Maghreb. Elles ont été complices de la colonisation d'abord, et sont utilisées aujourd'hui par ceux qui ne tolèrent pas un Maghreb pluriel, ouvert et moderne.

Repenser l'histoire est certes une tâche ardue, laborieuse, d'autant plus que l'Islam est fréquemment utilisé pour justifier un chef, un parti politique ou une oligarchie. Néanmoins la culture du Maghreb et des Berbères nous apprend, par l'exemple d'Ibn-Khaldoun (1332-1406), qu'il existe un précédent. Ses recherches historiques lui ont permis d'analyser à l'époque les maux des sociétés maghrébines. La lecture néo-khaldounienne du passé et du présent, pratiquée par des intellectuels d’aujourd’hui, si l’on prend en considération les exigences actuelles, les conjonctures et les défis à relever, peut, dans une certaine mesure, préparer le terrain à un avenir meilleur. D'autant plus que le Maghreb dispose d'une histoire et d'une culture riche et multiple.