INTRODUCTION

 

En faisant une porte, le menuisier n'oublie pas de la pourvoir d'une serrure, et d'une clé. Voici donc  un objet dont le degré de fermeture ou d'ouverture dépend de celui qui l'utilise. La situation économique résumée dans les pages qui suivent renvoie à la société, à la politique, aux personnes, aux temps, à la langue utilisée ("dans des industries aussi techniques que l'automobile, la barrière de la langue et les distances géographiques sont de fort freins à l'intégration " - Le Monde, 22.01.1999). Ce travail fournit ainsi des orientations possibles pour une recherche personnelle, tout en mettant l'accent sur la présentation médiatique des opérateurs économiques (dans cet ordre d'idées, le Président Directeur Général du groupe LVMH, Bernard Arnault, est même l'objet d'un feuilleton radiophonique en Italie!). Chaque article de journal en plus est une pièce pour élargir les dimensions de l'ensemble.

Ces personnages et ces chiffres de production (rarement reproduits, pour ne pas alourdir le texte de données), ces secteurs en hausse ou en baisse, composent autant de chapitres ouverts les uns aux autres. Si l'on a privilégié, en parlant du pétrole, l'un des acteurs principaux sur ce terrain (le patron de Total), c'est justement parce que ce secteur y puise un dynamisme qui ferait défaut si les seuls grands managers appartenaient aux compagnies étrangères. Il existe beaucoup de dirigeants, d'entreprises ou d'organismes étrangers, dont la formation s'est faite en France. Le directeur du Musée d'Art Moderne de New York n'est qu'un exemple parmi d'autres.

En France, l'économie a subi des modifications rapides. Si nous maintenons encore la distinction entre secteur primaire (agriculture), secteur secondaire (industrie) et secteur tertiaire (services, transports), où classer toutefois un agriculteur qui surveille l'alimentation de ses chevaux par satellite, un ingénieur qui fabrique des puces à l'aide d'un microscope électronique, et un employé travaillant avec ses yeux et ses dix doigts?

Certes, la naissance, au début des années soixante, d'un organisme comme la Datar (Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale), a été pour beaucoup dans ces transformations. Cet organisme n'est ni étranger au développement ultérieur de l'économie régionale et urbaine, qui affiche ses distances à l'égard de la planification traditionnelle, ni au développement durable ou soutenable, qui introduit la notion d'environnement auprès des opérateurs économiques, devenant ainsi l'un des enjeux de notre époque. Que cette dernière forme de développement dépasse celle de la planification centralisée est un des aspects de l'économie, en France mais plus encore ailleurs, et sans doute une loi du temps.

Pour dire d'ailleurs ce qu'a été le temps avant la Datar, nous rappelons quelques épisodes au cours desquels la France et ses opérateurs ont essayé, faute de planification, d'orienter l'économie au profit d'une politique nationale. On comprend mieux l'économie si l'on tient compte du fait que la régionalisation en France apparaît après la deuxième guerre mondiale. Les idées d'Europe, de fédéralisme européen, de communes, nées parfois dans le cerveau de gens comme Henri Frenay, André Philip ou Jean Monnet, pour citer les plus connus, qui ont pris une part active à la Résistance, se sont développées sous la quatrième République, dans les années quarante et cinquante. Le fait que la France s’est donné, en 1958, une orientation politique assez rigide, a peut-être constitué un dommage effectivement plus pratique que théorique pour le développement d'une économie "libérale". On doit tenir compte de ces données pour comprendre d’une manière générale cette alternance de hauts et de bas qui fait que les Trente glorieuses débouchent, au début des années 1970, sur la crise, sans même la période d'écart entre la France et les autres pays qui a caractérisé la crise de 1929, dont les effets se font sentir plus tard; cette présence d'un secteur high tech très performant, néanmoins contemporain de la défense de l'artisanat et du retour à la nature; les déclarations parfois contradictoires des dirigeants; et le fait que bien des intellectuels "maîtres à penser" du XXe siècle n'ont guère inclus l'économie ou la production dans leur domaine de recherche, - si l'on excepte la critique de la boutique, la vision primordiale de l'homme comme paysan et soldat (Alain), et le discours révolutionnaire d'un homme comme Jean-Paul Sartre.

Mais il faut rappeler aussi ce qu'a été pendant longtemps la politique de la France pour évoquer les facteurs économiques d'aujourd'hui.