III. a. Les
conditions de la productivité : les premières nationalisations
Il a fallu moins
de temps pour nationaliser les entreprises au lendemain de la
guerre que pour les privatiser de nos jours. C'est dire si la
philosophie, héritée de la révolution française, qui a
justifié les nationalisations, a été expéditive. En 1794, l'Abbé
Grégoire établissait l'existence d'un bien public à partir d'un
droit de propriété à base 0, évoquant "les objets
nationaux qui, n'étant à personne, sont la propriété de tous
". Le préambule de la Constitution de la IV° République,
en 1946 part, quant à lui, d'une base 0,1 : "tout bien,
toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères
d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit
devenir la propriété de la collectivité ". La
Constitution de 1958 ne crée pas de nouvelles lois. Elle laisse
les choses en l'état, prévoyant seulement l'indemnisation des
actionnaires.
Les
nationalisations des années 1930 concernent les entreprises
frappées par la crise. L'État leur vient en aide et les
regroupe dans un consortium unique (les différentes compagnies
de chemins de fer sont regroupés dans la SNCF - Société
nationale des Chemins de Fer; les compagnies aériennes, dans
Air France). Seules les industries d'armements sont
nationalisées pour des raisons politiques, par crainte du
fascisme et pour préparer la guerre. Les nationalisations de
1945 à 1947, quant à elles, sont pensées en dehors de la crise
économique.
Dans un premier moment, l'État entérine les nationalisations d'avant la guerre. Air France devient ainsi une société d'économie mixte, comprenant l'État, les employés et des usagers. De 1944 à 1945 le gouvernement provisoire nationalise par ordonnances. La Société Renault devient la Régie Renault (aujourd'hui, reprivatisée, elle s'appelle simplement Renault). Son président est nommé par l'État mais son autonomie est respectée, tout comme celle du patron de la SNCF. A partir de 1945 l'État organise sous sa direction les sources d'énergie à travers des nationalisations parlementaires, en créant EDF (Électricité de France), GDF (Gaz de France), et les Charbonnages de France. EDF et GDF sont fortement centralisées. Seuls, les Charbonnages de France maintiennent une certaine indépendance, car ils restent un regroupement de sociétés.
III. b. Les
conditions de la productivité : les banques
L'État
nationalise aussi le secteur bancaire, dont la Banque de France,
le Crédit Lyonnais, la Société Générale et la Banque
Nationale du Commerce et de l'Industrie à 100%, établissant
ainsi la première distinction entre les banques de dépôt et
les banques d'affaires (les premières reçoivent des dépôts à
court terme, et les prêtent; les secondes se spécialisent dans
les financements à plus long terme).
Pourtant, ces
nationalisations ne seront pas toujours vécues comme un passage
à l'économie d'État. Les banques nationalisées continueront
leurs affaires comme si de rien n'était. Comme l'explique Le
Monde du 4 décembre 1998 : "On constate, a posteriori,
que ces nationalisations, si elles ont été un acte politique
fort, n'ont en revanche été, sur le plan économique, qu'un ''quasi
non-événement''. Les quatre banques ont continué à participer
à l'économie de marché (...) Le seul acte d'autorité que [l'État]
ait engagé sera, en 1966, la fusion imposée de la BNCI (Banque
Nationale pour le Commerce et l'Industrie) et du Comptoir
national d'escompte, fusion qui donnera naissance à la BNP (Banque
nationale de Paris)". Et de conclure : "Le développement
s'est appuyé, en France, davantage sur un financement bancaire -la
dette - que sur un financement de marché - la Bourse (...). Il
jouera un rôle très important pendant toute la période des
"trente glorieuses", à travers notamment l'encadrement
du crédit, la politique d'investissement, les priorités au
logement et la création, à chaque occasion, d'institutions
financières spécialisées ".
III. c. Les
conditions de la productivité : la planification
La Planification
est la deuxième institution nationale créée au lendemain de la
guerre. Il s'agit d'une planification indicative conçue
pour satisfaire aux exigences de la reconstruction. Jean Monnet,
qui s'est occupé de l'approvisionnement des Alliés pendant la
guerre, en est l'initiateur, comme il va l'être de la CECA.
Cette planification, menée par une Commission et dirigée par un
Commissaire (encore Jean Monnet, pour le "Plan de
modernisation et d'équipement", de 1947 à 1952) est d'abord
une planification en volume puis, le système devenant plus fin,
une planification en valeur. Aujourd'hui, la planification intègre
les acteurs régionaux et l'État n'y a plus qu'une part très réduite.
On parle même, ces derniers temps, de déplanification.
Malgré la politique de déréglementation actuelle, on compte encore 1400 entreprises de société mixte, en dehors des quelques très grandes "institutions" où l'État joue un rôle important. Pour certaines d'entre elles, comme EDF et GDF ou la SNCF, l'État hésite encore à les verser dans le secteur privé sa politique consiste à les maintenir dans le secteur public, à la différence des GEN (Grandes Entreprises Publiques, comme Thomson, Renault) qui passent de l'autre côté.
III. d. Les
conditions de la productivité : les nationalisations de 1981
Les
nationalisations ne remontent pas seulement à la période de l'immédiat
après-guerre. En 1982, le gouvernement Mauroy nationalise
beaucoup, et à 100% ("51 % cela n'aurait pas eu de sens
", disait le Premier Ministre). Il s'agit surtout de groupes
bancaires dont la politique d'investissements a été jugée
timide. Enfin, une politique nouvelle oriente "chaque
grande entreprise publique [placée] sur une filière de
production". Parmi les nouvelles nationalisées, Saint
Gobain (verre et matériaux de construction), Usinor Sacilor (acier),
Thomson (électronique), Péchiney (aluminium), Rhône Poulenc (chimie)
doivent maîtriser le cycle de la production en entier. Mais l'État
leur vient aussi en aide. Il mène alors une politique de "grands
travaux" d'assainissement des finances de l'entreprise,
comme avec Usinor pour l'acier. De 1986 à 1997, au cours des
différents trains de privatisations, on lui a souvent reproché
de les sous-évaluer pour les revendre plus rapidement.
III. e. Les
conditions de la productivité : les privatisations
Ces trains de
privatisation s'inscrivent dans une politique de déréglementation
systématique à laquelle les accords entre le Parti socialiste
et le Parti communiste ne s'opposent pas. Lionel Jospin, pour
sauver les formes, élimine le mot privatisation de son
vocabulaire et parle maintenant d'ouverture au capital. La
Commission pour les privatisations change de nom, elle aussi. Et
ce n'est peut-être pas un hasard non plus si le CNPF (Conseil
National du Patronat Français, le syndicat des patrons) est
devenu en 1998 le Médef (Mouvement des entreprises de France).
L'Acte Unique
Européen d'abord, le Traité de Maastricht ensuite, et par-dessus
tout la volonté des hommes politiques (si François Mitterrand a
en quelque sorte "laissé faire" les privatisations
sous les gouvernements de la cohabitation avec Chirac et Balladur,
ce sont surtout ces derniers, puis Alain Juppé et Lionel Jospin,
qui ont privatisé systématiquement) poussent dans le sens d'une
privatisation d'office, essayant parfois de sauver quelques
acquis hérités du passé gaulliste. Renault n'a pas été
privatisée sans heurts sous Balladur : l'État y a gardé une
majorité de contrôle (51%). Il y maintient actuellement une
majorité de 46%. On a pu dire que le gouvernement Jospin
privatise plus que celui d'Alain Juppé. Pourtant, si Thomson-CSF
a été privatisé, ce secteur de l'électronique de défense,
dont le gérant commanditaire est Jean Luc Lagardère, PDG du
groupe Matra (missiles), ne l'a pas été selon les modalités de
son directeur qui voulait le rattacher à son propre groupe. Le
gouvernement en a décidé autrement en l'adossant (c'est-à-dire
en lui trouvant un groupe d'appoint plus fort) à l'Aérospatiale.
L'ouverture à la
concurrence de certains secteurs a accéléré aussi l'ouverture
au capital. En quelques années, l'ouverture des télécommunications
et de l'espace aérien ont fait passer France Télécom et Air-France
dans la catégorie des entreprises concurrentielles. EDF y
passera en février 1999, et la SNCF doit y passer à son tour.
Pour l'heure, les
"privatisées" fonctionnent avec les capitaux des actionnaires
stables, des actionnaires partenaires, et des actionnaires
institutionnels, ces derniers étant le plus souvent de
grands groupes bancaires ou financiers. Dans certains secteurs,
comme France Télécom, l'État conserve encore près de 70% des
actions, et les employés ont été invités à acheter les
actions de leur entreprise (qu'ils doivent garder cinq ans). Dans
le cas d'Air France, le PDG a utilisé les privatisations pour négocier
avec les employés le gel de leurs salaires en échange d'une
participation accrue à l'entreprise. Dans l'ensemble, ce
mouvement de privatisations a permis au capitalisme français de
sortir d'une "impasse" : la fusion AXA-UAP dans les
assurances, en réunissant un groupe privé et un groupe
autrefois national, a entraîné la formation d'un bloc financier
à valeur internationale.
Quant aux
investissements étrangers en France, écoutons François
Grosrichard évoquer le bilan de 1997 :
"Selon la
Datar (Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action
régionale), les étrangers ont créé ou maintenu 24 212 emplois
l'an dernier, contre 22 814 en 1996, soit une hausse de 6 % pour
des investissements d'environ 22 milliards de francs (...). La
Datar, qui ne comptabilise pas non plus les emplois supprimés
par des firmes étrangères, indique, en outre, qu'en 1997 les créations
nouvelles d'entreprises sont plus nombreuses que les extensions d'établissements
déjà existants. Le premier secteur concerné est l'automobile (18%
des projets annoncés) suivi des entreprises d'électronique, de
télécommunications, d'informatique (16% des projets) et de la
filière papier-bois et du verre (11 %) " (Le Monde, 26
février 1998).
III. f. Les
entreprises à forte valeur ajoutée
Enfin, on ne
saurait parler d'économie sans évoquer l'ensemble des
entreprises qui n'appartiennent pas au secteur public. Le mensuel
L'Entreprise recense, dans son numéro spécial de décembre
1998, un total de 11.000 entreprises, classées par départements,
dont le CA va des 254 milliards de francs de la compagnie pétrolière
Elf Aquitaine, aux 50 millions de francs de l'entreprise la plus
petite prise en considération. Sur les 13 entreprises dont le siège
social est en Ile de France (Paris et sa région) et dont le CA dépasse
100 milliards de francs, 9 appartiennent ou ont appartenu à l'État.
Seules Promodès et Auchan, qui appartiennent à la grande
distribution, dépassent ce chiffre : leur siège est en Basse
Normandie et dans le Nord Pas-de-Calais. Elles sont suivies dans
le groupe de tête par Michelin, qui affiche 83 278
millions de francs de CA au cur de l'Auvergne, à Clermont-Ferrand.
Le secteur privé est donc très vaste. Parmi les 40 entreprises
servant à calculer l'indice boursier qui intègre les plus
grosses entreprises du pays (le CAC 40) 7 parmi elles (Elf, Total,
Renault, Suez, Saint Gobain, Alcatel, la Générale des Eaux) ont
appartenu entièrement à l'État. Mais Carrefour (distribution)
a un chiffre d'affaires qui est presque le double de celui de la
SNCF (170 milliards contre 98 en 1997).
III. g. La
politique énergétique : le charbon
Ni centralisée ni
étatisée, la Société des Charbonnages de France, créée en
1947, constitue un enjeu idéologique plus qu'une nécessité économique.
C'est dans la France des années noires, en 1958-1960, en pleine
guerre d'Algérie, lors de la mise en place de la nouvelle
Constitution, après l'effondrement du barrage hydroélectrique
de Fréjus qui a fait des centaines de morts, lorsque les mines
ne sont plus rentables et quand les chercheurs commencent à
"plancher" sur le nucléaire, que de Gaulle déclare
"il ne faut pas renoncer à notre charbon ".
Aujourd'hui, on évalue à court terme la fin de l'extraction
minière en France. Ce qui ne signifie pas la fin du charbon,
mais du moins des difficultés. Une perspective s'annonce peut-être
avec l'ouverture à brève échéance du marché de l'électricité.
Denis Gallois résume bien la situation en disant : "le
projet de constituer un pôle électrique regroupant les cinq
centrales thermiques des Charbonnages de France a été approuvé
le 30 mars (1995) par l'ensemble des houillères de bassins
concernés. Une nouvelle entité, la Société nationale d'électricité
et de thermique (SNET), regroupera les installations implantées
à Hornaing (Nord), Carling (Moselle), Montceau- les-Mines (Saône-et-Loire),
Decazeville (Aveyron) et Gardanne (Bouches du Rhône). (...) Le
groupe Charbonnages, deuxième producteur national d'électricité
avec 26% du volume (hors nucléaire) distribué par EDF, n'aurait
donc (...) qu'un seul client. Il lui serait impossible de vendre
une partie de sa production à d'autres acquéreurs. (...) La
constitution du pôle électrique est liée à la fermeture des
derniers puits de mines en 2005. Après cette date, le groupe
Charbonnages de France deviendra une entreprise d'environ 2500
personnes dont l'activité se partagera entre la production d'électricité
et l'importation de charbon avec les services liés à cette
activité. D'où l'espoir placé dans ces cinq centrales. Cet
outil de production, employant 1300 agents spécialisés (...) a
connu un taux d'utilisation de 92 % " (Le Monde, 1er
avril 1995).
En ce qui concerne
la région charbonnière par excellence, c'est-à-dire le Centre,
avec Le Creusot et Saint-Etienne, les propriétaires des puits
qui sont aussi les propriétaires des terrains ont tout fait pour
en effacer le passé minier. "Nous n'avons pas de mine
pour la transformer en musée " disait un ouvrier des
chantiers navals de Brest, en Bretagne, à l'occasion d'une
restructuration. Mais même le musée de la mine de Saint-Etienne,
malgré l'émotion qu'on y éprouve, ressemble plus à un
parcours virtuel qu'à une ancienne mine.
III. h. La
politique énergétique : le pétrole et le gaz naturel
La ligne Le
Havre Marseille qui place, à l'est, la France industrialisée,
et, à l'ouest, la France agricole, selon la division instaurée
en 1947 par Jean-François Gravier dans Paris et le désert
français , partage aussi bien aujourd'hui une France pétrolière
riche des ports de Dunkerque, Le Havre, et Marseille-Lavéra d'un
côté, et une France sans pétrole, ou du moins sans grosses
raffineries, de l'autre.
La France a depuis
longtemps une politique pétrolière, basée depuis 1928 sur une
charte du pétrole entre la France et les pays producteurs qui
facilitait l'importation de pétrole en provenance du Moyen
Orient de la part des compagnies françaises et des compagnies étrangères
installées en France métropolitaine. Mais aujourd'hui, cette
loi a été remise en cause par les institutions de l'Union Européenne.
Le pétrole est la
source d'énergie la plus soumise aux aléas de la conjoncture.
Pour y remédier, l'Etat a créé sa propre compagnie nationale,
Elf (Essences et lubrifiants français), sur la base d'une
compagnie préexistante, la SNPA (Société nationale des pétroles
d'Aquitaine), chargée à l'origine de la prospection et de l'exploitation
en Algérie et en France, et dont le résultat le plus fructueux
a été la découverte du gisement de gaz de Lacq, dans les Pyrénées.
Aujourd'hui, le champ d'action de cette nouvelle compagnie est
esentiellement l'Afrique sub-saharienne et la mer du Nord. L'autre
compagnie pétrolière française, Total, héritière de la
Compagnie française des pétroles, liée aux grandes compagnies
américaines qui la tolèrent dans les pays du Golfe (défiant
les Etats-Unis, elle vient d'investir en Iran, " pays
interdit à la communauté internationale par le 'Grand Satan' [entendez,
les Etats-Unis] "), prospecte et vend avec succès
en Asie. Ces deux majors françaises se font une concurrence très
forte sur le marché international. En témoigne le coup de poker
du 2 décembre 1998 du patron de Total, Thierry Desmarest :
"Le mois dernier aussi, si l'on avait mieux perçu son
silence, on aurait peut-être compris avant l'heure que Total
allait mettre la main sur le belge PetroFina, et non Elf, comme
tous les experts l'annonçaient depuis quelques semaines. Au
moment où seuls les géants parviennent à encaisser la chute
des cours du pétrole, ce discret coup de maître a propulsé le
groupe dans le peloton de tête des grandes compagnies mondiales.
A quelques encablures des Exxon-Mobil, Shell, et BP-Amoco, et
surtout très loin devant son vieux concurrent Elf, qu'il
talonnait jusqu'alors " (Libération, 12.01.1999).
Aujourd'hui, le
bas prix du pétrole, la diversification des sources d'approvisionnement
de la part des compagnies (autre succès de Total, alors que son
concurrent Elf, en voulant les limiter, s'englue dans les
affaires africaines), l'accroissement de la capacité de ces mêmes
compagnies à extraire "l'or noir", font du pétrole la
plus grande source d'énergie à bas prix disponible.
Le pétrole
extrait par les compagnies françaises est le plus souvent vendu
sur place, ou dans les pays limitrophes. En France, la production
est très faible (il y a un bassin pétrolier en Aquitaine, et un
en région parisienne) et les raffineurs situés en métropole décident
eux-mêmes auprès de qui s'approvisionner. Les raffineries sont
d'ailleurs un secteur en crise. Marseille, Fos et Lavéra sont
sur le point de perdre les leurs - les compagnies pétrolières
qui y sont présentes tendent à se reconvertir dans l'industrie
chimique - compte tenu de la délocalisation des raffineries en
direction des pays producteurs eux-mêmes. Mais l'arrêt de la
production coûte plus cher que la reconversion des sites. De
plus, les constructeurs français privilégient le gazole, du
fait du prix très concurrentiel de celui-ci, meilleur marché
que l'essence sans plomb, et surtout sous la pression des
transporteurs routiers.
Aujourd'hui, les
deux compagnies nationales tendent à orienter leurs recherches
dans le sens de la diversification. Total investit dans les énergies
douces (l'énergie solaire) en Afrique, sur les terres d'Elf; et
Elf dans la chimie ... et les parfums.
Pour l'heure, c'est
encore l'Etat qui retire le plus de bénéfice de la vente des
produits pétroliers à la pompe (essence, gazole, fioul agricole),
à travers les TPP (taxes sur les produits pétroliers). Et les
stations d'essence de marque (elles sont à peu près toutes représentées)
sont en concurrence avec les stations-service des grandes
surfaces depuis la libéralisation du prix de l'essence.
Le statut d'entreprise
d'intérêt public n'a pas été accordé à GDF (Gaz de France,
entreprise de distribution) dont le réseau est beaucoup moins étendu
que celui d'EDF (Electricité de France, dont nous allons parler
ensuite). Pendant longtemps, la société a reposé sur l'exploitation
du gaz de Lacq (Aquitaine). Aujourd'hui, GDF se tourne vers des
fournisseurs étrangers (Hollande, Russie, Algérie). Son grand
concurrent en zone agricole est Butagaz.
III. i. La
politique énergétique : l'électricité et le nucléaire
En France l'électricité
est le mythe du XXe siècle naissant. Jules Verne en fait le
perpetuum mobile du sous-marin ultramoderne Nautilus, et
Raoul Dufy décore en son honneur le Pavillon de l'électricité
qui va devenir la plus grande surface peinte de l'histoire de la
peinture. Pour répondre aux besoins du pays, le gouvernement
français crée en 1946 EDF (Electricité de France), devenue
aujourd'hui la plus grande compagnie mondiale productrice d'électricité.
EDF produit de l'électricité
et en achète aux petits producteurs et aux Charbonnages de
France. Elle en vend aux pays voisins (Italie, Suisse, Grande-Bretagne),
investit au Portugal et en Espagne, vend des centrales nucléaires
en Chine (Daya Bay 1 et 2, - la première connaissant déjà des
difficultés, ce qui risque de compromettre le marché asiatique).
EDF produit de l'électricité
à partir de centrales hydrauliques, d'une centrale marémotrice
expérimentale (celle de la Rance, en Bretagne, qui reste la
seule tentative dans le genre), de centrales thermiques, et
surtout nucléaires, après les choix politiques du septennat de
Valéry Giscard d'Estaing d'amener la France à l'indépendance
énergétique (lois Messmer en 1974, et lois de1980).
La production d'énergie
nucléaire à usage civil est née d'une volonté des
gouvernements, qui ont d'abord créé le CEA (Commissariat à l'Energie
Atomique), puis la société Framatome, pour mettre au point une
filière française. D'ailleurs, la volonté de conjurer une éventuelle
séparation entre un domaine politique et un domaine industriel
était bien dessinée dans cette justification du politologue
Raymond Aron, dans un article du Figaro (16 septembre 1958) :
"Les Etats-Unis consentaient à nous vendre de l'uranium
enrichi à un prix peut-être inférieur au prix de revient de
celui qui sortira de l'usine française, mais ils exigeaient, en
contrepartie, un droit de regard sur l'usage qui en serait fait.
En ne produisant pas eux-mêmes l'uranium enrichi, les pays d'Europe
auraient accepté une sujétion à la fois industrielle et
militaire ". Mais l'opposition d'EDF aux choix de
Framatome lui ont fait préférer les procédés américains de
Westinghouse. Aujourd'hui, Framatome est devenu le premier
constructeur de centrales nucléaires, mais le gouvernement français
et EDF ont suspendu la construction de centrales jusqu'en l'an
2000.
Si le sort de
Framatome se différencie de celui d'EDF, le nucléaire civil lie
l'un à l'autre les sorts de chacune de ces sociétés. Or, des
sondages récents sur les choix énergétiques de la France (aucun
référendum n'a été proposé aux Français; est-ce pour cela
qu'un commando terroriste a tiré autrefois sur la centrale de
Creys Malville en construction?) font une place de plus en plus
grande aux énergies renouvelables. Cette "sensibilité"
sociale s'est concrétisée par un sommet où se sont réunis les
7 grands électriciens du moment (EDF, Enel, etc.) à Versailles.
L'E7 a adopté, le 2 juin1998, une charte pour le "développement
énergétique durable ". Si les effets de cette charte
ne s'adressent pour l'instant qu'à l'Afrique (énergie solaire)
et aux pays de l'Est (Pologne), il n'est pas exlu qu'ils s'appliquent
dans un proche avenir aux pays de l'OCDE. C'est dans ces
conditions, et en attendant l'échéance de 2010 pour le
renouvellement du parc des centrales nucléaires, que Framatome
exporte encore ses capacités (si des problèmes technologiques
ne font pas obstacle à son développement à l'international).
En France, des centrales sont dorénavant fermées pour les
dangers qu'elles représentent (SuperPhénix, à Creys-Malville,
mais aussi les centrales de Chinon). Quant à l'usine de
retraitement des déchets nucléaires de La Hague, elle est
actuellement la cible des écologistes et des populations locales
qui dénoncent le taux de radioactivité relevé aux alentours. C'est
la Cogema (Compagnie générale des matières nucléaires) qui
est actuellement chargée de nettoyer les zones irradiées.
Même si les Français
sont globalement satisfaits des performances et des services d'EDF
(ils rappellent, toutefois, qu'elle ne devrait pas couper le
courant aux ménages qui ne sont pas en mesure de payer leur électricité),
et si l'Etat a voulu, ces dernières années, en faire l'entreprise
publique pilote, en remplacement de Renault, l'ouverture
prochaine du marché entraîne le gouvernement à faire des
projets de démembrement de la société en secteurs autonomes.
Quant à Framatome, elle souhaite "trouver une autre
source de revenus pouvant compenser la réduction d'activités liée
au parc nucléaire français et les moindres commandes de
centrales nucléaires " (Le Monde , 29 août 1998). Pour
l'heure, elle se tourne vers la connectique (il s'agit de la
fabrication de pièces de raccordements pour les circuits électriques
et électroniques).
EDF, après une
tentative pour faire passer un projet de contrats de 32 heures
hebdomadaires combattu par les lois européennes, vient de signer
avec l'ensemble des centrales syndicales des contrats de 35
heures et un gain de 4.000 emplois nets. Elle a valorisé le
capital scientifique de ses employés par des échanges inter-entreprises,
et a installé maintenant un service "Intranet" qui
leur permet de communiquer et d'échanger leur savoir-faire.
III. j. Documents
Les entretiens du
journal Le Monde avec le président de Siemens, Heinrich von
Pierer, et le PDG de Framatome, Dominique Vignon, publiés
respectivement le 9 décembre et le 21 octobre 1997 rapportent
les difficultés du secteur nucléaire français eu égard à son
allié et "concurrent" allemand, Siemens.
- Siemens a récemment
noué une alliance avec un groupe britannique dans l'industrie
nucléaire. N'êtes-vous pas en train de renoncer à votre
traditionnelle alliance avec les Français?
HvP : Notre
collaboration avec BNFL concerne les combustibles nucléaires, un
domaine dans lequel nous étions déjà en concurrence avec
Framatome. Siemens et Framatome n'auraient pas pu s'associer dans
ce domaine, car nous avons déjà ensemble près de 80% de parts
de marché en Europe, et Bruxelles ne l'aurait pas autorisé. J'ai
expliqué à plusieurs autorités françaises que notre future
société commune avec BNFL naura pas de conséquences négatives
sur nos relations avec Framatome. Nous continuerons à travailler
ensemble sur la mise au point du réacteur nucléaire à eau
pressurisée (EPR). BNFL, qui ne fabrique pas de réacteurs, ne
fera pas concurrence à ce projet et soutiendra la coopération
entre Siemens et Framatome.
- Un autre sujet dinquiétude,
en France, est le rachat par Siemens des chaudières thermiques
de Westinghouse, que convoitait le français GEC Alsthom. Avez-vous
aussi l'ambition de reprendre les activités nucléaires du
groupe américain que Framatome souhaite racheter?
HvP : Nous n'avons
pas l'intention de racheter les activités nucléaires de
Westinghouse. Nous n'avons à ce sujet pas de conflit et je
souhaite bonne chance à Framatome.
- Vous avez cédé
vos activités de défense à British Aerospace et DASA, au détriment
de Thomson-CSF, qui était candidat. Est-ce le résultat d'une défiance
envers les Français, notamment de la part des salariés?
HvP : Il est vrai
que le comité d'entreprise avait émis un avis négatif sur
Thomson-CSF. A la suite de mes recommandations, Thomson a présenté
un projet excellent pour assurer le maintien de l'emploi et la
poursuite de l'activité électronique de défense. Mais le prix
offert par DASA et BA était sensiblement supérieur. C'est cela,
et cela seulement, qui a emporté la décision.
- La coopération
que vous avez engagée avec GEC Alsthom pour l'exportation de
trains à grande vitesse a-t-elle souffert de vos différentes
affaires?
HvP : Après la
bataille qui nous a opposés sur le TGV coréen, nous avons tous
les deux appris les leçons du passé. Même si nous n'avons pas
encore de contrat, je me réjouis du pas important franchi pour
construire un TGV à Taïwan. Nous devons nous habituer à être
en concurrence dans certains domaines et à coopérer dans d'autres.
- L'allemand
Siemens, partenaire de Framatome, vient de signer un accord
visant à se rapprocher du britannique BNFL, pour créer un
groupe concurrent des industriels français et présent dans tous
les secteurs du nucléaire. Comment percevez-vous ce
rapprochement germano-britannique?
D.V. : Il est
clair que cette alliance ne nous fait pas plaisir et nous amène
à réfléchir sur sa finalité. Elle peut se comprendre car nous
sommes avec Siemens depuis de nombreuses années dans une
situation délicate. Nous sommes à la fois concurrent sur le
court terme dans le domaine des services et combustibles, et nous
coopérons sur le long terme pour concevoir le futur réacteur
nucléaire européen, l'EPR (European Pressurized Reactor). Or
Siemens a des perspectives de marché intérieur qui sont décroissantes.
Le groupe allemand a donc souhaité adosser ses activités à un
partenaire.
- Pourquoi a-t-il
préféré un groupe britannique aux français?
D.V. : Dès le
mois de février, j'ai proposé à Siemens de réfléchir à une
mise en commun de nos activités nucléaires. Un tel regroupement
aurait posé des problèmes au niveau européen car nous aurions
été en position dominante. Les dirigeants m'ont également répondu
que cet accord n'apporterait rien au futur groupe, chacun étant
déjà très implanté sur son propre marché. Dans leur esprit
cette alliance leur bloquait tout développement important sur le
marché français qui est le premier européen avec soixante
tranches nucléaires.
- Le futur groupe
germano-britannique s'est constitué pour venir concurrencer
Framatome sur son marché privilégié?
D.V. : C'est la
question que nous allons leur poser. Il est possible que la stratégie
de cette future société soit de venir offrir des services et
des combustibles sur le marché français. Siemens et BNFL visent
le siècle prochain. Ils sont confortés par la déréglementation
de la production d'électricité et les obligations bruxelloises,
qui obligent les entreprises publiques, donc EDF, à consulter
les industriels de façon ouverte pour leur approvisionnement.
- Dans ces
conditions, quel est le devenir du futur réacteur franco-allemand?
D.V. : Je constate
que Siemens entend poursuivre la coopération engagée avec
Framatome pour construire l'EPR, qui est au cur de l'harmonisation
de sûreté franco-allemande. C'est un objectif de long terme qui
conditionne le redémarrage de l'industrie nucléaire en France
en Allemagne et en Europe. Nous allons maintenant engager des
discussions pour la poursuite du développement. Nous n'avons a
priori aucune hostilité de principe à travailler avec cette
nouvelle société dès lors que nous avons toujours la maîtrise
du produit et de l'usage des connaissances techniques. En France,
Framatome assurera les réalisations, en Allemagne ce sera
Siemens, et nous devions nous mettre ensemble pour le reste du
monde. Le nouvel accord nous oblige à en rediscuter.
- Comment se déroulera
la commercialisation de l'EPR?
D.V. : Si la compétition
devient plus forte sur les marchés des services et des
combustibles, la vente en commun s'avérera délicate. Nous
pouvons envisager un système analogue à celui existant dans l'industrie
automobile - deux constructeurs Peugeot et Fiat s'allient pour un
monospace et le vendent séparément - ou continuer sur la base
actuelle.
- Pensez-vous que
Siemens se désengage du nucléaire avec cette alliance?
D.V. : C'est une
forme de désengagement mais Siemens assure le contraire.
- Cette
association n'est-elle pas une réponse à votre projet de fusion
avec le groupe français GEC-Alsthom, une opération que Siemens
désapprouvait?
D. V. : L'argument
est souvent avancé. Mais ces deux accords sont de nature
totalement différente : GEC-Alsthom ne fait pas de nucléaire
contrairement à BNFL et n'induisait pas de concurrence dans le
champ de notre accord. De toutes façons, la fusion avec GEC-Alsthom
n'est plus à l'ordre du jour.
- Cet accord
germano-britannique traduit une dégradation de vos relations
avec les Allemands. C'est un échec pour Framatome?
D.V. : Je suis
entré chez Framatome il y a huit ans comme directeur général
adjoint dans la filiale commune avec siemens et j'ai joué un rôle
important dans la conception de l'EPR. Je connaissais toutes les
difficultés de marier notre nucléaire avec les Allemands tout
en protégeant l'industrie française. L'accord Siemens-BNFL est
donc un échec sur ce plan. En revanche, je ne le vis pas comme
la fin de l'EPR.
- Ce renversement
d'alliance obligera-t-il à une recomposition du paysage nucléaire
français entre EDF, Cogema, Framatome et le CEA?
D.V. : Cela va
ouvrir les yeux. Mais il faut se donner le temps de la réflexion.
A long terme, dans une perspective de reprise du marché nucléaire,
il faut considérer cette industrie sous deux aspects : le
premier, d'ordre stratégique, qui oblige à avoir une présence
des pouvoirs publics importante et le second, sous l'aspect de la
vente d'équipements énergétiques. Dans ce dernier cas,
Framatome avait deux partenaires GEC-Alsthom et Siemens. Ils sont
désormais inaccessibles tous les deux.
- Etes-vous alors
tenté de vous allier à la Cogema comme Siemens le fait avec
BNFL?
D.V. : Notre lien
avec la Cogema peut se consolider. Nous sommes déjà liés dans
l'exploitation des combustibles. Il faut aller au-delà, et
pourquoi pas envisager une participation de Cogema au capital de
Framatome ou une participation croisée entre les deux sociétés.
Mais il y a un risque de "bunkérisation" du nucléaire
français qu'il faut éviter. De même, avoir son principal
client comme actionnaire recèle un danger : la présence d'EDF
à environ 11% dans le capital de Framatome est compréhensible
mais en faire un actionnaire de contrôle comporte le risque d'être
mis sous tutelle.
III. k. Le
secteur industriel
Le secteur
industriel est en pleine transformation du fait de la politique
de déréglementation, de l'abolition des frontières, et de l'application
du principe pollueur-payeur. Il met en uvre les trois
domaines des biens intermédiaires (matières premières, verre,
etc.), des biens d'équipement, et des biens de consommation.
La politique générale
consiste à alléger les entreprises des productions qui n'appartiennent
pas directement à la filière. Par exemple, l'Etat renfloue
Usinor et Sacilor, qui produisent l'acier, au détriment de toute
autre production des entreprises en question. EDF accorde des
tarifs préférentiels à Péchiney pour l'électrolyse de l'aluminium
et celle-ci rachète l'américain American Can, dont elle
installe les usines à Dunkerque, favorisant ainsi l'arrivée de
Coca Cola. Récemment, le géant de l'agro-alimentaire Danone
vient de se débarrasser de sa section emballages, etc.
III. l. L'automobile
comme exemple
La tactique suivie
par les constructeurs automobiles généralistes comme Renault (qui
produit des camions après le rachat de Berliet, et des voitures)
est la diversification de la production et la spécialisation des
usines. Renault garde Flins en France et Valence en Espagne,
parce que la spécialisation y est poussée, et se débarrasse
de Vilvorde en Belgique parce que l'usine produit deux modèles
de voiture au lieu d'un seul, ce qui est plus rentable pour la
société. Renault cherche aussi des alliances avec d'autres
constructeurs généralistes comme Fiat ou Peugeot, alors que les
accords avec un spécialiste comme Volvo échouent ("pour
des raisons de nationalité " a dit le PDG du
constructeur suédois).
La construction
automobile française obéit aujourd'hui aux ordres d'un duopôle,
composé de Renault et de Peugeot-Citroën (PSA), après le
rachat par Peugeot de Citroën à Michelin, favorisé dans les
années 1970 par le Président Giscard d'Estaing. Si les
stratégies se ressemblent, Peugeot, avec sa filiale Citroën en
particulier, tend vers le haut de gamme (même si, autrefois,
dans le bas de gamme, la 2CV de Citroën a certainement dépassée
en popularité la 4CV Renault). C'est Citroën qui a construit
des modèles de luxe, comme la Citroën-Maserati, et fabrique
encore des modèles hors-série, comme la voiture de fonction du
Président de la République.
Renaud chantait déjà
dans Hexagone :
en novembre au
salon de l'auto
ils vont admirer
par milliers
le dernier modèle
de chez Peugeot
qu'ils pourront
jamais se payer
Après des années de vaches maigres, les constructeurs français enregistrent, à partir de 1998, une bonne reprise des ventes, notamment en France (1,9 million d'immatriculations, dont 63% en voitures de construction nationale). Ils font appel à de nombreux équipementiers. L'implantation sur les marchés étrangers est bonne mais la politique suivie n'a pas toujours porté ses fruits (Renault n'a pas réussi à s'implanter aux Etats-Unis, ou d'autres entreprises françaises ont quand même prospéré). Pour l'heure, c'est Peugeot qui part "à la conquête" du marché américain, dans la mesure où elle entend réaliser au moins 20% de ses ventes à l'étranger.
Les constructeurs,
sous la pression des lois européennes, tendent aussi à limiter
la quantité de CO2. Une prime de 10.000 Francs est accordée aux
constructeurs pour la production de chaque voiture électrique,
et une aide de 5.000 Francs à chacun des clients. PSA et Renault,
la première avec le projet Tulipe, mettent en place un service
de location de voitures électriques en ville (à La Rochelle,
par exemple, et dans les villes moyennes) par abonnement. L'opération
"villes sans voitures" du 22 septembre 1998, lorsque de
nombreux conseils municipaux de villes moyennes ont interdit la
circulation automobile, a sensibilisé la population sur la
question des transports publics. Et Lionel Jospin a annoncé en décembre
1998 la création des véloroutes, de grandes voies adaptées à
la circulation des bicyclettes, en complément des anciennes
"pistes cyclables".
La planification,
qui a longtemps constitué une forme administrative du progrès
industriel sous la forme centralisée, et sa projection nationale
à travers la Datar, peut donc, en se faisant plus souple,
devenir le point de départ d'une production basée sur un développement
durable tenant compte des facteurs écologiques.
La production de
voitures étrangères en France reflète à peu près les mêmes
tendances au mécano industriel français. Daimler-Benz s'est
associée à Swatch pour construire la MCC (Micro Compact Car) en
Lorraine et a installé autour de son unité d'assemblage un
village d'équipementiers nécessaires à la fabrication du modèle.
Et Toyota s'implante dans le Nord-Pas de-Calais pour bénéficier
de la proximité de son équipementier situé en Angleterre.
III. m.
Document : Les chantiers navals comme contre-exemple
- La crise des
chantiers navals remonte aux années 60 en Europe. Les dirigeants
suédois, avec l'aval des syndicats, tireront en premier la
sonnette d'alarme et feront adopter, dès 1979, un plan de
restructuration qui conduit à la fermeture rapide des chantiers
navals. "On ne peut pas continuer indéfiniment à fabriquer
des produits quand personne ne veut acheter. Mieux vaut miser sur
les industries de l'avenir", soulignait alors Thage Peterson,
le ministre de l'industrie.
(...) "En
maintenant les travailleurs les plus anciens et les plus âgés
dans les entreprises des secteurs en difficulté et en
contraignant les plus récents et les plus jeunes à se
reconvertir vers les secteurs en développement, on rend plus aisés
les nécessaires redéploiements de l'économie", explique
Bernard Brunhes, dans une note rédigée en 1988, en tant qu'expert
auprès de l'OCDE sur les questions de flexibilité.
(...) En France, l'accord de 1984, qui met en place la préretraite à cinquante-trois ans dans les chantiers navals, le congé de conversion qui permet aux salariés de se former à un nouveau métier pendant une durée maximum de deux ans, etc. n'a concerné que les cinq grands sites nationaux : les trois sociétés de la Normed (Dunkerque, La Seyne et La Ciotat), Nantes et Saint-Nazaire. "Pour le reste, il a fallu négocier l'application de l'accord entreprise par entreprise et, dans certaines, la durée du congé de reconversion n'a été que de huit mois".
(...) D'autre part,
en 1986, la prime "Madelin" alors ministre de l'industrie,
qui donne la possibilité aux salariés de quitter immédiatement
l'entreprise avec la coquette somme de 200.000 Francs, a été
octroyée sans négociation préalable. En contrepartie, le
salarié renonce à toute aide au reclassement. "Une ''prime
à la valise'' substantielle est une bonne manière, comme Ponce
Pilate, de se laver les mains des conséquences sociales d'un
licenciement économique " juge, critique, Guy Royon,
directeur du personnel de la Normed de 1983 à 1990 (...). La ''prime
à la valise'' ralliera 4492 salariés dont la grande majorité,
près de 3000, s'inscriront par la suite à l'ANPE (Agence
Nationale pour l'Emploi) entre juillet et décembre 1986. Quand l'opération
de reconversion de la Normed s'achève fin 1989, plus de mille d'entre
eux restent sans emplois". Clarisse Fabre, Le Monde, 12.3.1997.
III. n. La
construction et l'habitat urbain
L'Etat est
intervenu au lendemain de la guerre dans la construction à
travers l'Office public des HLM (Habitations à loyer modéré),
et par la création des ZUP (Zone à urbaniser en priorité); ces
dernières sont définies par la commune qui dit que toute
construction de 100 logements doit être localisée en ZUP. Les réalisations
les plus spectaculaires sont celles de Grenoble et Toulouse. La
politique urbaine d'aujourd'hui tend à revenir sur ce modèle de
construction et de développement urbain, qui posent
effectivement des problèmes de rénovation.
Les lois de 1962
et 1965 créent quant à elles :
- les ZAD ou Zone
d'aménagement différé. L'institution permet la mixité avec
les promoteurs, qui s'y retrouvent en achetant à côté de la
zone en question.
- les ZIF : Zone d'intervention
foncière, au centre ville.
- les ZAC : Zone d'aménagement
concerté ; elle remplace les ZUP en 1967. L'équipement est
fourni par la commune et par les promoteurs.
Les deux grandes
sociétés de BTP (Bâtiments et travaux publics) sont :
- Les Ciments
Lafarge. Ils exportent et construisent à l'extérieur. La société
poursuit actuellement une politique de rachats d'entreprises à l'étranger
pour s'assurer la domination de toute la filière du secteur de
la construction. Entre 1997 et 1998, "Lafarge a réalisé
plus de 25 acquisitions, dans seize pays aussi différents que
les Philippines, la Chine et l'Afrique du Sud " (Le
Monde, 22 janvier 1999).
- La société
Bouygues; elle a à son actif de grandes constructions, comme l'Université
de Ryad, en Arabie Saoudite, la mosquée de Casablanca, l'Arche
de la Défense et la Bibliothèque de France, à Paris, le pont
de Tancarville en Normandie, et Eurotunnel. La société couvre
aujourd'hui une part du marché des télécommunications (Bouygues-Télécom).
III. o. Les
Petites et Moyennes Industries
Les PMI en France
sont plutôt dépendantes des grandes, à part quelques équipementiers
importants, comme Valeo, Epeda, Bertrand Faure, qui travaillent
pour l'automobile, et dont la production va de la sous-traitance
au parténariat.
Pourtant, de
nombreuses industries spécialisées connaissent de bons résultats.
Moulinex, dans le secteur du petit matériel électro-ménager,
présente une image de la réussite, malgré des pertes d'emploi
importantes. Si les skis Rossignol et leur concurrent Salomon (skis
et équipement de neige) accusent désormais une légère perte
de vitesse parce que les jeunes boudent ce genre de sport au
profit d'autres sports de glisse comme le snowboard ou la planche
(avec ou sans voile, windsurf ou bodysurf, aujourd'hui dominés
par Quicksilver), Zodiac d'une part (canots pneumatiques) et la
Comex (Compagnie maritime d'Expertise), de l'autre, qui allient
la production de matériel et les services, bénéficient d'un
marché favorable. Le tissu de ces petites et moyennes sociétés,
nées souvent de la rencontre entre une localisation et un
produit ou un service déterminés, augmente rapidement. Geocean,
une société de service chargée de repérer et d'exploiter les
sources d'eau douce en mer, et un autre équipementier, moins
connu que les premiers, Mota (échangeurs thermiques pour camions,
voitures et bateaux, qui équipe entre autres les vaporetti de
Venise), ont leur siège à Aubagne, près de Marseille.
Enfin, on ne
saurait conclure ce tour d'horizon rapide des PME sans citer la
société de Jean-Claude Decaux, présent dans toutes les villes
de France avec son mobilier urbain, comme les Sanisettes (WC
urbains) et les Abribus, et dont la philosophie, brève et
efficace, se résume en ces quelques mots : "Travailler,
encore travailler !"
Pourtant, ce sont les PMI et les PME (Petites et Moyennes Entreprises) qui posent les problèmes de reconversion ou de restructuration les plus difficiles à résoudre. Dans le textile, l'ensemble du secteur lorrain constitué de PME a pour ainsi dire disparu (la Lorraine posant aussi un cas de reconversion particulièrement ardu puisque son économie a reposé aussi, en dehors du textile, sur le charbon et le fer). Et l'ensemble du secteur de l'acier, composé d'un tissu d'entreprises moyennes, se ramène aujourd'hui aux deux grands, Usinor et Sacilor, qui ont bénéficié du plan acier et des aides de l'État.