a.3. La commune

C’est l’unité institutionnelle et de peuplement de base.

Mises en place à la Révolution, les communes sont les plus anciennes des collectivités territoriales. Leur nombre a peu varié, en 1990 la France métropolitaine compte 36.551 communes. Elles ont un statut rural et urbain lié à la continuité de l’habitat.

85,5% des communes sont rurales et regroupent 26% de la population sur 83,5% du territoire. Les autres sont urbaines et regroupent 74% de la population sur 16,5% du territoire.

Au-delà de 5000 habitants toutes les communes font partie d’une agglomération urbaine. Généralement les communes rurales sont de petite taille : 69% d’entre elles ont moins de 500 habitants et 88% moins de 1000h.

La majorité des départements ruraux, c’est-à-dire dans lesquels plus de 50% de la population vit dans une commune rurale sont, à l’ouest de la ligne Le Havre-Marseille. Les grandes agglomérations se situent dans les départements dont le taux d’urbanisation dépasse 75%. Elles sont très nombreuses dans les quarts Nord-est et Sud-est du pays, outre les agglomérations parisienne, lyonnaise, marseillaise et lilloise, la majorité des unités urbaines de plus de 250 000 h. y sont localisées. En revanche, dans l’Ouest et le Sud-ouest seules les trois régions abritant les villes de Nantes, Bordeaux et Toulouse ont des taux d’urbanisation élevés

 

a.4. L’espace économique

Il est en mutation. Depuis le XIXe siècle les régions prospères, situées au nord de la ligne Le Havre-Marseille, s’opposaient aux régions pauvres, situées à l’ouest et au sud de cette ligne.

Depuis la fin des années 70, ces régions de l’ouest et du sud connaissent de grandes transformations. La crise des activités traditionnelles, l’utilisation de technologies nouvelles, la volonté d’aménager le territoire ont rendu cette distinction désuète et l’ont même dans certains cas renversée.

 

IV.b. La campagne

Il ne s’agit plus d’un monde homogène et son activité principale n’est plus l’agriculture. On distingue désormais plusieurs types de campagnes en fonction de leur isolement plus ou moins grand.

Deux chiffres-clés illustrent l’importance du renversement de perspective lorsqu’on envisage les relations entre rural et urbain :

·        90% des ménages habitant l’espace rural ne comptent aucun travailleur agricole 

·        moins de 20% des emplois ruraux sont des emplois agricoles

Si l’agriculture garde un poids économique et social important dans les espaces ruraux, le rural est toutefois plus ouvrier et industriel qu’on le croit.

Il y a aujourd’hui dans ces espaces près de trois fois plus d’ouvriers que d’actifs agricoles. Les données mettent en évidence un quasi-maintien des emplois industriels alors qu’ils reculent dans les grandes villes. On peut interpréter ce phénomène comme un avantage de l’espace rural pour certaines activités  ou comme un signe de fragilité dépeignant cet espace comme une vaste région-atelier faisant appel à une main-d’œuvre peu qualifiée.

Le rural se partage entre espace producteur et espace consommé, ce dernier étant lié aux fonctions résidentielles, récréatives, environnementales… Le développement de la fréquentation des urbains, lié au développement de la mobilité, apporte une nouvelle façon de vivre et d'habiter qui va vers une homogénéisation des modes de vie.

 

b.1. Un peu d’histoire de la répartition de la population entre ville et  campagne

Après la Seconde Guerre mondiale, l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Études Économiques) s’est intéressé à la structuration du territoire. Après le recensement de 1954, on a distingué l’urbain, fait d’un tissu serré d’habitations, et le rural. Cette vision dichotomique s’est vite avérée trop simpliste. Une partie de la population quittait la ville pour habiter la campagne tout en travaillant en ville. L’espace périurbain naissait. Dans les années soixante, on a alors distingué les communes rurales étant sous l’influence des villes et le rural profond. Mais depuis le développement rapide des déplacements et la chute du nombre d’actifs vivant de l’agriculture, le premier regroupe 76% de la population totale, en 1990, et pour le second les chercheurs proposent une analyse plus fine aboutissant à un découpage ultérieur en quatre catégories ; la quatrième représente le rural isolé, catégorie résiduelle représentant plus d’un tiers du territoire et 10% de la population française.

 

De 1851 à 1975, le développement de la population urbaine a été rapide et régulier. La croissance des villes s’est nourrie du déclin des campagnes touchées par un exode rural important. Depuis, les campagnes ont cessé de se dépeupler sauf les zones rurales isolées qui continuent de perdre des habitants, leur bilan naturel étant aussi fortement déficitaire (population de plus en plus âgée et naissances peu nombreuses).

 

A partir du XIXe siècle l’extension des villes a fait naître les banlieues, mais depuis 30 ans la croissance se diffuse au-delà et touche les communes rurales. Près du ¼ de la population résidant dans les communes périurbaines en 1990, vivait dans les pôles urbains en 1982. Beaucoup continuent à y travailler, voilà ce que l’on appelle rurbanisation et  rurbains.

 

Le reste du territoire, c’est-à-dire l’espace à dominante rurale, représente 70% de la superficie totale et les deux tiers des communes. Il regroupe ¼  de la population totale. Cet espace n’est pas en déshérence, à l’abandon,  si ce n’est le rural isolé qui connaît une situation démographique nettement défavorable.

b.2. Un macro-déséquilibre 

Dans ce macro-déséquilibre de la répartition de la population dans l’Hexagone, certaines populations sont encore plus inégalement réparties.

·        Distribution de la population féminine.

Il naît plus de garçons que de filles et, jusqu’à 15 ans,  elles sont un peu moins nombreuses partout, puis à l’entrée dans la vie adulte, la proportion de femmes augmente dans l’espace à dominante urbaine et diminue nettement dans l’espace à dominante rurale, en particulier s’il est isolé : les femmes quittent  davantage les campagnes.

 

·        Distribution de la population étrangère.

En 1990, 3.600.000 étrangers ont été recensés en France soit 6,3% de la population. L’implantation des étrangers est très inégale. Ils sont nombreux à l’est dans les régions d’ancienne vocation industrielle et en Ile de France, moins présents dans les régions occidentales traditionnellement agricoles. On a alors 8.6% d’étrangers dans les pôles urbains, 4,9% dans les pôles ruraux et moins de 3% ailleurs. En outre la proportion augmente lorsqu’il s’agit de grands pôles, 6% dans les pôles urbains de 100 000 emplois par rapport à 11% de celle des pôles de 100 000 et plus. Les Marocains et les Turcs sont les plus implantés en milieu rural tandis qu’Algériens et Tunisiens y sont les nationalités les plus faiblement représentées. Les étrangers non européens sont restés à l’écart du phénomène de péri urbanisation. 82% vivent dans les  pôles urbains et seulement 7% vivent dans les communes périurbaines alors que c’est le cas de 59% et 16% des français. Si on retranche aux populations étrangères les populations appartenant à la communauté européenne on constate que cette population, dans les communes périurbaines, atteint à peine 5%.

 

·        Distribution des ouvriers

Les ouvriers représentent 36% des actifs occupés dans l’espace à dominante rurale, 32% dans les communes périurbaines, 27,5% dans les pôles urbains. Plus l’espace est rural plus la population ouvrière est féminine et jeune et moins les hommes sont qualifiés ; les femmes occupant de toute façon généralement des emplois non qualifiés. On distingue également les ouvriers localisés et les navetteurs qui se déplacent chaque jour pour aller travailler en dehors de leur espace de résidence. Les navetteurs sont plus souvent qualifiés et des hommes de moins de 50 ans. Bien que la population ouvrière rurale renferme les catégories de population traditionnellement les plus exposées au chômage (jeunes, non qualifiés, femmes)  elle est moins touchée tant par le chômage que par les statuts d’emploi précaires. Cet écart est en partie dû à la mobilité des jeunes qui, partant habiter en ville, y déplacent leurs difficultés d’insertion professionnelle.

 

·        Les personnes âgées

Par rapport à la proportion de personnes âgées grandissante dans tous les secteurs, on constate que les petites villes situées en milieu rural jouent un rôle important dans l’accueil de personnes très âgées (plus de 80 ans) souvent dépendantes.

 

b.3. Les modes de vie

Malgré une tendance à l’homogénéisation, les modes de vie conservent des particularités. Plus on va vers le rural isolé et plus les revenus diminuent. Les ménages pauvres étant plus nombreux dans l’espace à dominante rurale. Toutefois, dans ce dernier, le patrimoine médian est plus important à cause du nombre supérieur de ménages propriétaires de leur logement et détenteurs de patrimoine professionnel. Les différences concernent l’approvisionnement alimentaire, les habitants des villes se rendent plus souvent dans les grandes et moyennes surfaces (nom donné aux centres commerciaux) mais regroupent moins leurs achats car ils fréquentent davantage les marchés et les petits commerces que les habitants des communes périurbaines, ces derniers, en revanche, fréquentent davantage les fermes, ce qui montre leur attachement à un mode de vie rural. Les citadins dépensent davantage pour leur logement, la cherté de ces derniers les a d’ailleurs incités à se péri urbaniser.

Un autre domaine où les différences sont marquées est celui des déplacements. Les périurbains  sont ceux qui se déplacent le plus, mais s’ils se déplacent davantage que les urbains, ils se déplacent plus vite et passent donc moins de temps dans les transports. Cela pendant la semaine, pendant le week-end ce sont les citadins qui se déplacent. La fonction d’accueil de la campagne s’accentue ; après le boom terminé des résidences secondaires (de la fin des années 60 au début des années 80), d’autres formes d’accueil se sont développées mais leur capacité reste toutefois moindre. La pratique du tourisme vert s’effectue encore largement dans la famille.

Les déplacements domicile-travail ont beaucoup augmenté. Le nombre des actifs changeant de commune pour travailler s’est accru 6 fois plus que la population des actifs ayant un emploi. Cette mobilité a contribué au développement de bassins d’emplois ruraux. Les communes périurbaines sont caractérisées par définition, par une proportion élevée de navetteurs (71% des actifs occupés). Autre caractéristique, les pôles urbains attirent des actifs de plus en plus éloignés. Le flux, de plus, n’est pas unilatéral, les navetteurs vont aussi des pôles urbains vers les communes périurbaines ou rurales.

Au cours des années 80, le nombre de gares s’est raréfié. Dans le rural isolé 11% des communes qui étaient desservies par le train  en 1980 ne le sont plus en 88. Les habitants du rural isolé doivent en moyenne parcourir 25 km pour accéder à une gare. Les lignes d’autocar complètent le réseau SNCF. 46% des communes sont desservies par une ligne quotidienne. Cette desserte s’est, elle aussi, raréfiée dans les années 80, le nombre de communes desservies du rural isolé a diminué de 22%, leurs habitants sont en moyenne à 9 km d’un arrêt de bus. Aux services collectifs de transport se substituent des services individuels, notamment les taxis. Mais là encore, les habitants des communes isolées doivent la plupart du temps faire appel à des taxis localisés en moyenne à 9 km de leur domicile. La solution à la raréfaction des transports passe alors par l’utilisation d’un véhicule personnel. Les distances données sont à vol d’oiseau.

 

b.4. Équipements et bassins de vie

Les différents types de commerce et services ont suivi le mouvement historique d’exode rural. On a assisté à la raréfaction et même à la disparition des commerces et des services dans les zones touchées par le dépeuplement. Les équipements très répandus au départ tels que les boulangeries ou les écoles primaires continuent de se raréfier. Le repeuplement de certains espaces devrait permettre un nouveau dynamisme ou tout au moins un arrêt de la chute. Toutefois une trop grande proximité des pôles urbains où tous les biens et services sont disponibles peut freiner le développement. Ces tendances peuvent être à leur tour enrayées par des politiques publiques appropriées, on pense à la poste, à l’école, aux équipements sanitaires et sociaux mais la rationalisation des dépenses dans le domaine public peut entraîner une moins bonne desserte des populations dispersées et donc un nouvel abandon de ces zones.

 

Le paysage économique s’organise donc aussi autour d’un réseau de centres de services hiérarchisés approvisionnant une aire de marché dont l’étendue dépend de la rareté des biens et services qu’ils fournissent.

Rares sont les communes possédant des équipements de centres urbains (hôpital, laboratoire d’analyses médicales, grande surface de bricolage, magasin de vêtements homme, cinéma): 10% en possèdent un, 2% en détiennent plus de trois. Ces équipements sont l’apanage des grandes villes : 83% des villes-centres des pôles urbains et 48% des villes-centres des pôles ruraux disposent de plus de trois équipements lourds. Ceci leur confère un rôle important en termes de fournitures de services au milieu rural environnant. La densité en équipements intermédiaires ne suit pas la densité de population. La proximité des pôles urbains et la fréquence des migrations entre les centres et leur couronne  contribuent probablement au sous-équipement relatif des communes péri-urbaines. Dans les espaces plus éloignés, des communes peuvent relayer les pôles dans la distribution de ces biens.

 

b.5. Situation de quelques services 

·        Les écoles primaires et les collèges :

Les écoles primaires sont très répandues sur le territoire et restent un symbole de la vie communale. En 1994, un peu plus de deux tiers des communes ont au moins une école élémentaire publique ou privée. Si la présence de ces établissements se raréfie au fur et à mesure que l’on s’éloigne des pôles, les habitants ne sont jamais très éloignés de ces services : la distance moyenne à l’équipement le plus proche atteint un maximum de 3,4 km dans le rural isolé. Le nombre total d’élèves ayant baissé, les fermetures ont donné lieu à des regroupements pédagogiques.

En 1995, seulement 10% des communes ont un collège mais le nombre de communes équipées augmente en particulier dans les communes péri-urbaines. A l’opposé, des établissements ont été fermés dans le rural isolé et, depuis 88, à la périphérie des pôles ruraux. Le nombre d’élèves a globalement augmenté mais la part d’internes (élèves vivant à l’école toute la semaine) a diminué. Ils sont plus nombreux dans l’espace à dominante rurale.

 

·        Les équipements sportifs et culturels :

Certains équipements sportifs sont largement répandus : les terrains de football, plus récemment les terrains de tennis. Les équipements plus lourds comme la piscine restent rares et se développent peu.

1/4 des communes ont une bibliothèque, les deux tiers offrent ce service ou à travers la structure ou par l’organisation de bibliobus.

Les structures d’accueil socioculturelles  sont présentes dans  ¼ des communes, celles du rural isolé étant là encore les moins bien loties.

La présence du cinéma est peu fréquente. Les communes du rural isolé ou sous faible influence urbaine sont encore les plus touchées par les fermetures. Les distances parcourues pour aller au cinéma sont devenues très importantes :  22 km en moyenne pour l’habitant du rural isolé, 20 km pour l’habitant du rural sous faible influence urbaine. Pour voir un film la règle reste de se déplacer dans les pôles urbains.

 

b.6. Le chômage

En 1996, le taux de chômage s’élève en moyenne à 12,1% mais il varie de 9% pour les personnes âgées de 40 à 50 ans à 26% pour les moins de 25 ans, de 10% pour les hommes à 14% pour les femmes, de 7% pour les bacheliers à 17% pour les non-diplômés.

Dans les pôles urbains où résident près de 2/3 des actifs, le chômage est plus élevé. La proportion d’actifs non-diplômés est nettement plus élevée dans l’espace à dominante rurale. Au sein de l’espace à dominante rurale, c’est le rural isolé qui en souffre le moins. Ces variations résident davantage dans la structure de l’emploi que dans les caractéristiques des travailleurs : la part des indépendants est plus élevée dans le rural isolé.

 

IV.d. La forêt

Pour mieux connaître l’hexagone et l’imaginaire collectif des Français, il est aussi, nous semble-t-il, important de dire quelques mots de la forêt car en France, peut-être plus qu’ailleurs, la forêt a façonné le paysage et les hommes, tissé les légendes et les croyances, catalysé les angoisses et les peurs.

A la fin de ce second millénaire frustré dans sa jungle d’asphalte, le citadin lui rend un nouveau culte. Les Français devenus eux aussi des citoyens-citadins associent forêt avec nature, verdure et air pur. 9 d’entre eux sur 10 trouvent naturel de savoir reconnaître un chêne, très nombreux ils fréquentent les chemins de grandes randonnées des forêts qui couvrent près du ¼ du territoire et dont la surface a doublé depuis le début du siècle dernier.

La forêt abrite, dès les temps anciens, les êtres de légende (ogres, enchanteurs, druides) et les proscrits (lépreux, brigands,  justiciers et leur version moderne : les maquisards). L’église, après avoir vainement tenté de déraciner les cultes païens, choisira d’y loger ses saints et ses ermites. Avec le XXe siècle, la France rurale quitte ses champs, mais la forêt est toujours là et constitue un fonds symbolique puissant.

On citera Brocéliande (7000 hectares), dans l’Ouest, où le mythe arthurien a installé des lieux symboles, tels que la tombe de Merlin l’enchanteur. La Sainte-Baume, dans le midi, où l’on se rend en pèlerinage depuis la nuit des temps, constitue une forêt-relique, le plus vieux hêtre y aurait entre 300 et 500 ans. Protégée depuis 1319, elle n’a cessé de grandir. La forêt landaise, le plus grand massif forestier d’Europe de l’Ouest, que nulle clôture n’interrompt, date, elle, du siècle dernier. Elle est née du besoin d’assainir une contrée malsaine, faite de dunes mouvantes et de marais, on l’ensemença des pins qui en firent la fortune.