II. LA
CONSTITUTION DE LA Ve REPUBLIQUE
(octobre 1958)
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Le
nom de la Ve République sera toujours associé à celui de De
Gaulle, elle lui doit sa création mais surtout son statut et son
style. Le schéma constitutionnel de la Ve République repose sur
un système présidentiel qui conserve les principes fondamentaux
dun régime parlementaire, mais qui a la nécessité dun
exécutif qui gouverne véritablement: séparation et équilibre
des pouvoirs, avec au-dessus des contingences politiques,
létablissement dun arbitrage national qui fasse
valoir la continuité au milieu des combinaisons (Discours
de Bayeux).
Parlant de la nouvelle Constitution, De Gaulle dira quelle:est
à la fois parlementaire et présidentielle,
à la mesure de ce que nous commandent à la fois les besoins de
notre équilibre et les traits de notre caractère.
Cet exécutif ne pourra en aucun cas procéder du Parlement et le
chef de lEtat sera au-dessus des partis
car De Gaulle a horreur du régime des partis
et, pour bien mettre en évidence limportance du chef de lEtat,
la Constitution a placé les articles qui le concernent immédiatement
à la suite du Préambule et du Titre sur la souveraineté. Désormais
les deux acteurs principaux de la vie politique sont le Peuple
Souverain et le président de la République. Dans lordre
de la présentation des pouvoirs le Président devance le
Parlement. Lexécutif est bicéphale le Président et le
Premier ministre, mais lune des têtes domine nettement lautre
. Le président du Conseil est devenu Premier ministre, cest-à-dire
le premier des ministres ce qui souligne sa dépendance par
rapport au Président.
Dans
la présentation des articles de la Constitution, seuls seront
retenus et expliqués les articles qui mettent laccent sur
les rôles du chef de lEtat , du gouvernement et de lAssemblée
nationale.
II.a.
Préambule.
Comme la plupart des constitutions qui lont précédée, la
Constitution de 1958 débute par un préambule. Celui-ci fait référence
à la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen de
1789, lorsque les députés du Tiers-Etat réunis dans la
salle du Jeu de Paume avaient fait serment de ne pas se séparer
avant davoir donné une constitution à la France. Elle
fait aussi référence au préambule de la Consttitution de
1946 qui présente les principes fondamentaux reconnus par
les lois de la République, et tient lieu de Déclaration des
droits et des libertés.
II.b. Titre Premier: De la
souveraineté.
Larticle 2 qualifie la République de indivisible,
laïque, démocratique et sociale. Ces qualificatifs
caractérisent le régime. Indivisibilité veut dire quil
existe un seul pouvoir politique qui exerce sa souveraineté
sur lensemble du territoire. Laïcité traduit la neutralité
religieuse de lEtat. Ce dernier respecte toutes les
religions et nen privilégie aucune. La démocratie résulte
du principe même de la Constitution. Ladjectif social
reprend le texte de la Constitution de 1946 qui insistait sur le
terme de démocratie économique et sociale. Larticle
reprend un des fondements de lidéologie républicaine
en reconnaissant légalité de tous les citoyens, il précise
les caractéristiques particulières de la République : sa
langue, son emblème national, son hymne national, sa devise et
son principe.
Larticle 3 présente une innovation en ce qui concerne lexercice
de la souveraineté : elle est naturellement attribuée
aux représentants du peuple mais aussi au référendum.
Le président de la République devient le premier représentant
du peuple, lAssemblée perd son monopole. Le droit de vote
sétend à toute la population masculine et féminine ayant
atteint la majorité (18 ans depuis la loi de juillet 1974)
II.c.
Titre ll: Le Président de la République.
Larticle 5 définissant le rôle du président de la
République se trouve au Titre II alors quil était au
Titre V dans la Constitution de 1946. Le président de la République
devient ainsi le premier des pouvoirs publics. La place même
que sa définition occupe au début de la Constitution marque
bien lintention de mettre en évidence le rôle prédominant
du chef de lEtat. Larticle fixe les responsabilités
et les fonctions du Président.
Larticle 6 précise le mode de désignation des présidents,
par un collège élargi délecteurs. Depuis le référendum
de 1962 toutefois, le président de la République est élu au
suffrage universel direct. Au sein de lexécutif, la
Constitution de 1958 a aménagé un véritable pouvoir pour le
chef de lEtat, ce pouvoir est renforcé par la réforme
constitutionnelle de 1962, car lélection au suffrage
universel direct consolide la légitimité du Président, puisque
cest la majorité du peuple qui la directement
investi. Il faut remarquer cependant, que la Constitution a voulu
tempérer ce pouvoir exécutif, en prévoyant une concurrence des
pouvoirs entre le Président et le Chef du gouvernement, elle
organise ainsi une mise en commun de certaines fonctions : par
exemple, en matière militaire le président de la République
est le chef des Armées (article 15) mais le
gouvernement dispose de la force armée (article 20)
et le Premier ministre est responsable de la Défense
nationale (article 13), en matière règlementaire le
Premier ministre est compétent pour exécuter les lois (article
21) mais le Président intervient également (article 13). Cette
concurrence des pouvoirs oblige les titulaires de lexécutif
à composer et permet de modérer les décisions dun
pouvoir exécutif unique. Néanmoins, lorsque la majorité
parlementaire correspond à la majorité présidentielle, le Président
prend une dimension supérieure à celle décrite par les textes
et il a alors tendance à jouer un rôle plus important que celui
que lui accorde la lettre de la Constitution. La durée du mandat
présidentiel est de 7 ans, le terme septennat
désigne par extension le mandat présidentiel. Il nexiste
aucune limite légale au cumul des septennats sinon la volonté
des électeurs, F. Mitterrand gouvernera le pays pendant 14 ans.
Ce mandat peut être interrompu par un empêchement, comme ce
sera le cas à la mort de G..Pompidou en 1974 ou après le départ
de De Gaulle en 1969.
Dans
le tableau comparatif qui suit, nous pouvons voir la fonction présidentielle
à travers les républiques.
_________________________________________________________
République.
IIe
IIIe
IVe
Ve
_________________________________________________________
Durée
du
mandat
4 ans
7 ans
7 ans
7 ans
_________________________________________________________
Rééligi
-bilité
oui,
oui
oui
(4 ans de repos)
(1 fois)
oui
(sans limite)
_________________________________________________________
mode
de
désignation
SUM
Collège électoral
SU
_________________________________________________________
(SUM,
Suffrage universel masculin. Le Collège électoral
comprend : la Chambre des députés et le Sénat.
SU, Suffrage universel).
Quant
à la Première République (1792-1804), soucieuse déviter
le pouvoir dun seul homme, elle confiait le pouvoir exécutif
à une direction collégiale de 24 membres (Convention) ou 5
membres (Directoire) ou 3 membres (Consulat).
Larticle 8 établit que la composition du gouvernement dépend
de lautorité du Président, celui-ci a liberté totale
sur le choix de son Premier ministre. Toutefois puisque le
gouvernement est responsable devant lAssemblée, il faut
que le Premier ministre soit accepté par la majorité
parlementaire, cest-à-dire quil soit de la même
couleur politique sous peine dêtre renversé.
Larticle 9 démontre combien le Président peut peser
directement sur les décisions prises en conseil des
ministres, puisque celles-ci ne peuvent être prises quen
sa présence. Sur chaque sujet le Président prend la parole en
dernier et personne ne sexprime après lui.
Larticle 10 rappelle que la promulgation des lois est lacte
par lequel le chef de lEtat authentifie la
loi et la rend exécutoire.
Larticle 11 est celui du référendum. Dans la pratique
gaullienne, le référendum est linstrument dun
arbitrage national et la manifestation du lien qui
unit le peuple au chef de lEtat choisi et élu par
ce même peuple. Cest le deuxième moyen dont le peuple
dispose (avec lélection du Président) pour exercer la
souveraineté qui lui appartient. Larticle 11 présente une
autre caractéristique intéressante : celle de pouvoir réviser
la Constitution. Il faut dire que la modification du texte
fondateur de la Ve République est prévue par larticle
89 qui expose une procédure complète et une autre plus rapide,
le Président décidant laquelle choisir. Cependant la pratique
du référendum acceptée par le Conseil constitutionnel et par
le corps électoral, semble avoir mis en place une troisième
voie.
La Ve
République a connu 7 référendums : le 8 janvier 1961, autodétermination
en Algérie; le 8 avril 1962, révision de la Constitution
instaurant lélection du Président au suffrage universel
direct; le 27 avril 1969, projet relatif à la création des régions
et à la rénovation du Sénat; le 23 avril 1972, approbation de
lélargissement du Marché commun à la Grande Bretagne, à
lIrlande et au Danemark; le 6 novembre 1988, autodétermination
de la Nouvelle-Calédonie; le 20 septembre 1992, courte majorité
favorable au traité de Maastricht sur lUnion européenne.
Larticle 12 précise que le Président peut quand il
le juge nécessaire (un an de délai entre une dissolution et lautre)
dissoudre lAssemblée nationale, le pouvoir de
dissolution du Président est quasi discrétionnaire. Tout président
nouvellement élu a intérêt à dissoudre lAssemblée afin
de sassurer pour 5 ans la fidélité dune majorité,
mais limportance du droit de dissolution tient surtout à
la menace quen permanence le président de la République
fait peser sur les députés. La Ve a connu 5
dissolutions depuis 1958. Quatre ont permis au Président qui les
avait déclenchées, de conforter la majorité parlementaire;
deux ont été des dissolutions de crise sous De
Gaulle: en octobre 1962, à la suite de la motion de censure
adoptée contre le gouvernement Pompidou et portant sur la procédure
de révision utilisée par De Gaulle; et en 1968, pour mettre fin
à la contestation étudiante et profiter dune conjoncture
favorable, afin délargir la majorité élue en 1967, qui nétait
alors que dun siège. Deux dissolutions dalternance
sous Mitterrand: en mai 1981 et 1988, le Président se donne
ainsi la majorité parlementaire indispensable à lapplication
de son programme. La dernière sous Chirac, vient de conduire le
pays à sa troisième cohabitation. Ni G. Pompidou, ni V.
Giscard dEstaing nont eu recours à la dissolution.
Larticle 15 donne un rôle fondamental au chef de lEtat
en le reconnaissant chef des armées, ainsi la
logique politique et la logique stratégique sont-elles réunies.
La Constitution lui assigne une mission (art.5) et lui donne les
moyens de la réaliser (art.15).
Larticle 16 confère au Président les pleins pouvoirs
au cas où de graves dangers menaceraient les institutions ou le
pays. Cet article a été dit inutile et dangeureux et a suscité
bien des inquiétudes. Mais actuellement, quune personne
choisie et élue par les Français puisse faire un usage
inacceptable de cet article paraît impensable. Optimisme ou
prudence?
Lart 17 confère au Président le droit de grâce
mais depuis labolition de la peine de mort en 1981 (Loi
Badinter), il sagit désormais de redresser des situations
individuelles inéquitables ou daccorder des remises de
peine.
II.d.
Titre lll: Le Gouvernement.
Dans la Constitution de 1958, le titre III traitant du
Gouvernement est placé entre le titre II, réservé au président
de la République (articles 5 à 19) et le titre IV concernant le
Parlement (articles 24 à 33). Le Gouvernement apparaît
donc comme le trait dunion, lintermédiaire, entre
le Président de la République et le Parlement. Telle était
la conception du général De Gaulle. Cependant cette lecture présidentialiste
nest valable que si le Président dispose dune
majorité dallégeance au Parlement. Dans le cas contraire,
(cohabitation), on revient à la lettre de la Constitution et le
Gouvernement assure la plénitude de sa fonction : gouverner.
Lart 20 affirme que le Gouvernement détermine et
conduit la politique de la nation. Il est évident que tout
pays ne peut fonctionner que dans la mesure où il possède un
gouvernement qui gouverne. Organe collégial, ce
gouvernement est maître de son organisation, de son
fonctionnement et de son action. Le Gouvernement ne tient pas sa
légitimité de lélection mais de celle que lui donnent les
deux autorités élues directement au suffrage universel : le Président
et lAssemblée. Sa responsabilité devant le
Parlement, en réalité seulement devant lAssemblée, fait
de la Ve République un régime parlementaire.
Larticle 21 précise la composition du gouvernement, le
Premier ministre est le chef dune équipe dhommes
ou de femmes qui chacun à la tête dun ministère exerce
la fonction de ministre ou de secrétaire dEtat.
Le Premier ministre dirige le Gouvernement cest-à-dire quil
convoque les réunions, tranche les désaccords, impose les
contraintes budgétaires. Il a donc le pouvoir de décision. La
Ve République crée le titre de Premier ministre et reconnaît
la dualité du pouvoir exécutif avec un chef de lEtat (le
président de la République) et un chef du Gouvernement (le
Premier ministre). Cependant la lecture de la Constitution de
1958 par De Gaulle, fait quil se considérait comme chef du
Gouvernement et le Premier ministre était le premier
de ses ministres!
II.e.
Titre IV: Le Parlement:
Larticle 24 précise que le Parlement comprend lAssemblée
nationale et le Sénat. Les députés et les sénateurs représentent
la nation, mais seuls les députés représentent le peuple,
puisquils sont élus au suffrage direct par celui-ci. Les sénateurs
sont élus au suffrage indirect. Le Sénat est la seconde
chambre législative. Le Sénat na pas le pouvoir de
renverser le Gouvernement et le président de la République ne
peut pas le dissoudre.
Larticle 25 établit que lAssemblée nationale a
une durée de 5 ans mais cette durée peut être abrogée par
une dissolution. Le Sénat a une durée de 9 ans, il se
renouvelle tous les trois ans par tiers. Le nombre de députés
est de 577 (chaque département doit en avoir au moins deux). Le
Sénat compte 322 sénateurs. On peut devenir député à 23 ans
mais il faut avoir 35 ans pour entrer au Sénat. Quant au cumul
des mandats, une loi est actuellement à létude, car il
est certain quun Parlement pourra véritablement jouer son
rôle, le jour où le cumul des mandats sera définitivement
banni.
II.f.
Titre V: Des rapports entre le Parlement et le
Gouvernement.
Larticle 34 souligne que la loi est votée par le
Parlement. (Suit la liste de toutes les règles et des
principes fondamentaux). La loi nest pas seulement votée
par le Parlement , elle peut lêtre par les Français
à travers le référendum. La souveraineté du Parlement
est donc bien affaiblie, son champ daction est désormais
circonscrit.
Larticle 38 annonce que certaines mesures urgentes ou
complexes peuvent être adoptées sans être soumises aux règlements
de la procédure législative, le gouvernement seul peut
demander la mise en oeuvre de cet article pour pouvoir
prendre par ordonnances des mesures qui sont normalement
du domaine de la loi. Les ordonnances en principe peuvent être
contrôlées par le Conseil Constitutionnel, elles doivent être
signées par le Président. Cette procédure accelérée a permis
de faire face aux urgences : plan de rigueur, réformes sociales
etc...
Larticle 39 établit que linitiative des lois
appartient au Premier ministre et aux membres du Parlement,
en fait sous la Ve, cette égalité nest quapparente
car lexécutif est mieux outillé pour préparer des textes
: lexécutif en effet, présente des projets de lois, le législatif
des propositions. Ceci confirme limpression dabaissement
du Parlement.
Larticle 49 affirme que le Premier ministre doit engager
devant lAssemblée nationale la responsabilité de
son gouvernement, lui seul peut le faire et peut demander la
confiance de lAssemblée sur tout. LAssemblée
peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement
par le vote dune motion de censure. Dans le but de
renforcer le pouvoir exécutif et de rationaliser le
parlementarisme, les auteurs de la Constitution ont
favorisé la stabilité du Gouvernement en place en adoptant un
mode de comptage particulier des voix : les absents et les
absentionnistes sont réputés avoir voté pour le Gouvernement
et la motion de censure doit recueillir la majorité absolue des
votes des membres de lAssemblée nationale. Larticle
49-3 prévoit ladoption automatique dun texte proposé
par le gouvernement, si une motion de censure déposée ne
recueille pas la majorité.
Larticle 50 souligne que la motion de censure ou le refus
de la confiance de la part de lAssemblée ne suffit pas à
mettre fin à la vie dun gouvernement; même si cela arrive,
le Premier ministre doit présenter ses démissions au
chef de lEtat.
II.g.
Titre VII: Le Conseil Constitutionnel.
Larticle 56 présente la formation du Conseil
constitutionnel. Il est formé de 9 membres nommés pour 9
ans et renouvelables par tiers tous les trois ans. Trois
conseillers sont nommés par le président de la République,
trois par le président de lAssemblée nationale et les
trois autres par le président du Sénat. Le Conseil
constitutionnel est saisi dans des cas bien pécis et par les
personnes dotées expressément de ce pouvoir de saisine.
Il doit se prononcer rapidement, les délibérations sont secrètes
mais ses décisions sont publiées au Journal officiel. Les
articles suivants présentent ses compétences en matières
délections du Président, des députés, des sénateurs,
des référendums, sur la conformité des lois avant leur mise en
application. La décision du Conseil est sans recours.
II.h.
Titre VIII: De lautorité judiciaire..
Larticle 64 précise que le président de la République
est le garant de lindépendance de lautorité
judiciaire. Il est assisté par le Conseil supérieur de la
Magistrature. Les magistrats du siège sont inamovibles. Le
Conseil Supérieur de la Magistrature est présidé par le président
de la République, le ministre de la Justice en est le
vice-président de droit, il peut suppléer le président. Jusquen
1993, le Conseil Supérieur de la Magistrature était
exclusivement composé de membres nommés par le président de la
République, à partir de 1993, le Président demeure de
droit le garant de lindépendance de lautorité
judiciaire, il continue à présider le Conseil, sauf lorsque
celui-ci siège en formation disciplinaire, mais ses membres
sont nommés par dautres organismes. Cet organe
est destiné à assister le président de la République pour
garantir lindépendance de lautorité judiciaire. Ce
Conseil a compétence pour lavancement et la discipline des
magistrats.
II.i.
Titre IX: La Haute Cour de.Justice.
Larticle 67 affirme la création dune Haute
Cour de Justice et en donne sa formation. Sa compétence est
désormais limitée à la seule mise en accusation du chef de lEtat.
Celui-ci, par larticle 68, nest responsable
des actes accomplis dans lexercice de ses fonctions quen
cas de haute trahison. Il est alors jugé par la Haute
Cour de Justice. Avec larticle 68-1, les membres du Gouvernement
sont pénalement responsables des actes accomplis dans lexercice
de leurs fonctions. Ils sont jugés par la Cour de justice de
la République.
A divers égards, la Constitution de 1958 tranche sur ses devancières.
Dabord, elle a été rédigée par des praticiens, de hauts
fonctionnaires expérimentés, et appliquée par ceux qui lont
conçue, Ensuite, elle détient un record de rapidité puisque létablissement
du texte constitutionnel sest fait en trois mois après le
vote des pleins pouvoirs. De Gaulle présente la Constitution le
4 septembre et annonce le référendum sur son approbation
le 28 septembre. 80% des Français approuvent le texte, (le PC et
une partie de la SFIO, dont F.Mitterrand, voteront NON). Labstention
est faible, ce qui prouve lintérêt accordé par lopinion
publique à ce référendum.
On a lhabitude de dire que la Constitution au cours des années,
a fait preuve de souplesse puisquelle a dabord
fonctionné en situation de majorité cohérente (Président et
majorité parlementaire en harmonie, ce qui permettait une répartition
des tâches entre le Président et le Premier ministre) et permis
des séparations élégantes. Ensuite, elle sest adaptée
à des régimes différents, elle a supporté une alternance sans
problèmes, lors de lélection de François Mitterrand et
des cohabitations entre un président et un gouvernement de
couleur politique opposée, enfin elle a autorisé une pratique
du pouvoir aussi différente que celle de De Gaulle et de
Mitterrand. Pourtant comme le font souvent remarquer les spécialistes
de la Ve République, plus que par son adaptabilité,
la Constitution se caractérise surtout par sa constance,
car deux points fondamentaux nont jamais été contestés
malgré les changements de gouvernement: la prééminence
du pouvoir présidentiel dabord, laffaiblissement du
pouvoir législatif ensuite.
Mais cest aussi une Constitution que lon révise plus
fréquemment. Ni ses principes, ni son organisation générale ne
sont mis en cause. En fait, des besoins conjoncturels, comme les
engagements européens de la France, les affaires
comme laffaire du sang contaminé ou les poursuites
judiciaires contre plusieurs parlementaires, ont occasionné, de
1992 à 1996, toute une série de retouches et cinq réunions du
Parlement, en Congrès, et sans consultations des électeurs. Il
a fallu, dabord, modifier les points incompatibles avec le
traité de Maastricht (juin 1992). En 1993, ont été adoptées
des mesures concernant la justice et la responsabilité pénale
des ministres (création de la Cour de Justice de la République,
réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature auquel une plus
grande indépendance est reconnue); tandis que la restriction du
droit dasile (loi Pasqua, novembre 1993) devait provoquer
un litige entre le Président et le Gouvernement. Dès son élection,
J. Chirac a tenu à étendre le référendum aux questions économiques
et sociales, à instituer la session unique du Parlement et à
repréciser le régime de linviolabilité parlementaire (juillet
1995). Quant au vote de février 1996, dans la logique du plan de
réforme de la protection sociale mis au point par le Premier
ministre, A. Juppé, il permet le contrôle du Parlement sur les
lois de financement annuelles de la sécurité
sociale. Une autre révision pourrait être imminente puisque le
Conseil constitutionnel a jugé les dispositions du traité dAmsterdam
(1997) sur la libre circulation des personnes, non conformes à
la Constitution. Toutes ces mesures de révision nont pas
une égale portée : mais leur variété même prouve la capacité
dadaptation de la Constitution. Toutefois dans un article
paru dans le journal La Croix, le 4 mars 1996, D. Rousseau, spécialiste
de droit public écrit que selon lui, il faudrait faire une révision
totale de la Constitution et donc passer de la Ve à
la VIe République.